6.2.15

AUTANT EN APPORTE LE TEMPS

L'APPARENCE DES FLEURS D'IRIS EN HUIT ÉTAPES

 Le papy des plicatas

C'est en voyant la photographie ci-dessus que m'est venue l'idée de revenir sur un sujet déjà plusieurs fois abordé : l'évolution de la fleur des iris au fil des années et des travaux de sélection des hybrideurs. Cette fois nous allons montrer, photos à l'appui, comment, année après année, la fleur d'iris s'est transformée.

Le plicata peint de façon réaliste et méticuleuse par le jésuite Daniel Seghers, à Anvers, vers le milieu du 17e siècle, est la représentation de l'iris tel qu'on pouvait le voir à l'époque dans tous les jardins d'Europe de l'Ouest. Ce qui nous surprend c'est la position récurvée des sépales qui viennent à toucher la tige de la fleur au-dessous du carpelle. La nature a créé les barbes de l'iris pour attirer les insectes pollinisateurs ; elle les a donc mises bien en évidence pour qu'elle jouent leur rôle de leurre et pour cela leur support, les sépales, doivent se disposer de façon aussi attractive que possible. La peinture est explicite. Dans sa forme d'origine la fleur d'iris est absolument « sexy ». Le travail des hybrideurs tendra à atténuer ce côté procréatif pour mettre en avant ses autres charmes.

 Victorine

 Deux siècles après le plicata de Daniel Seghers, lorsque Jacques Lémon sélectionne la variété qu'il baptise 'Victorine' (1840), la fleur n'a pas encore fondamentalement évolué : elle reste un appareil sexuel sans complexes. Ce que le sélectionneur a choisi, c'est une fleur au coloris nouveau, plus riche que celui du plicata d'origine. L'intention esthétique se double d'une pensée commerciale : en leur présentant quelque chose d'original, les amateurs vont acheter la nouvelle fleur.

Burlesque

 Près d'un siècle s'est encore écoulé depuis 'Victorine', mais les traits d'origine, s'ils sont un peu atténués, n'en sont pas moins nettement présents. Les sépales ne sont plus fortement récurvés, mais ils ont encore cet aspect tombant qui caractérise les iris diploïdes de la première moitié du 20e siècle. Dans le cas de 'Burlesque' (Cayeux, 1938) on a changé d'espèce de départ : ce n'est plus I. plicata, mais son petit cousin I. variegata dont on a retenu les traits. Le travail a consisté à faire d'une espèce naine une variété de haute taille, avec des fleurs amplement développées, mais qui restent très proches de l'apparence naturelle. Désormais la transformation va s'accélérer.

Snow Flurry

À voir les photos de 'Snow Flurry', on se dit qu'il n'y a pas tellement de différences entre cette variété et celles qui l'ont précédée, mais à bien y regarder on remarque que les bords de la fleur sont légèrement gaufrés et c'est là que se situe la différence. 'Snow Flurry' (Rees, 1939), de l'avis général, a marqué une étape essentielle dans la modification des fleurs d'iris. Au fur et à mesure que les gènes de cette variété vont se transmettre à ses descendants, l'aspect des iris va changer radicalement. Car les ondulations vont apporter deux conséquences essentielles pour la modernisation des fleurs : d'une part celles-ci vont devenir plus élégantes, d'autre part les pièces florales vont acquérir une nouvelle rigidité qui améliorera leur aspect, mais aussi leur tenue au vent et à la pluie, et accroîtra leur longévité. Peu à peu toutes les variétés nouvelles, ou presque, vont acquérir ce caractère.

Flounced Première

Nous sommes en 1960 quand Lloyd Austin enregistre 'Flounced Première'. Cette fleur est l'exemple même d'une transformation de première importance. Les barbes ont maintenant tout à fait perdu leur rôle naturel d'appât pour bourdons. Elle son cantonnées au rôle d'élément décoratif, et, dans ce cas, pourquoi ne pas profiter d'une modification spontanée qui consiste en un allongement de ces barbes et le développement fantaisiste de cet appendice ? Austin a joué à fond la carte des barbes modifiées et lancé une nouvelle forme de fleur qui va connaître un développement lent mais irrépressible. Il y aura désormais deux types de fleurs : celles avec et celles sans les appendices pétaloïdes au bout des barbes.

Queen in Calico

Les fleurs d'iris sont devenues fort différentes de celles créées par la nature. Elles ont grossi, surtout depuis l'apparition de la tétraploïdie dans les années 1930, elles ont pris de la substance ce qui prolonge leur existence et leur garantit de rester élégantes plus longtemps, elles sont à la fois ondulée et plus ou moins frisées, et leurs sépales ont acquis de la largeur et de la rigidité, ce qui les rend plus gracieuses. 'Queen in Calico' (Gibson, 1980), réunit tous ces éléments auxquels il ajoute un coloris plaisant et un grand nombre de boutons floraux. C'est un iris moderne ; les modifications qui vont survenir maintenant n'interviendront qu'à la marge.

Sea Power 

Avec 'Sea Power' (Keppel, 1999) on a un exemple de l'iris contemporain. Les caractères réunis dans les fleurs telles que 'Queen in Calico' sont accentués jusqu'à la limite de ce qui est actuellement possible, mais sans nuire à la beauté de la fleur. C'est notamment le cas des ondulations. Ici elles sont abondantes et serrées : la fleur reste bien proportionnée mais elle a un aspect bouillonné très glamour. On est fort loin de la fleur d'origine. C'est un objet féminin, luxueux, qu'on admire comme un bijou ou une création de grand couturier.

Super Model

'Sea Power' et 'Super Model' (Johnson T., 2007) sont des fleurs de la même génération. L'une et l'autre jouent sur des traits qui sont poussés jusqu'à la limite de ce qui est acceptable. Ici ce sont les bords dentelés, voire laciniés. Au-delà, pétales et sépales, naturellement enroulés ensemble dans le bouton, se trouveraient tellement imbriqués qu'ils ne parviendraient plus à se séparer harmonieusement. Certains commencent à craindre ce genre d'excès de sophistication et regrettent le temps des fleurs simples et paysannes. Comme en toute matière le balancier a atteint son point extrême, il commence à repartir en sens inverse...

1 commentaire:

Loïc a dit…

Tu t'es arêté aux frangés, mais tu aurais pu pousser jusqu'aux gros pompons des excroissances des barbes qui sont en train d'atteindre le type flora pleno ...