15.5.15

VINGT ANS APRÈS

En France, les producteurs d'iris ne sont pas aussi pressés qu'aux États-Unis, et les catalogues n'apparaissent que vers la mi-février, pour les plus hâtifs, certains attendant même jusqu'au début de la saison de floraison pour leur offre. Avec la possibilité de mettre en ligne avant d'éditer les catalogues sur papier, les propositions viennent plus tôt, et il m'est venu l'idée de comparer les catalogues d’aujourd’hui avec ceux d'il y a vingt ans, que je conserve précieusement. Les producteurs français (je parle des trois « grands » : Cayeux, Iris en Provence, Bourdillon) ont-ils évolué ? Ou les trois mousquetaires ont-ils seulement vieilli, comme dans le roman d'Alexandre Dumas ?

Il s'en est passé des choses, par ici, en vingt ans ! D'abord la mondialisation a atteint le monde des iris comme le monde tout court. Les USA et l'Australie ne sont plus les limites de l'irisdom. On a vu s'éveiller la Nouvelle-Zélande et l'Ouzbékistan, puis la vieille Europe elle-même est sortie de sa léthargie et de son exclusive admiration pour les productions américaines ou australiennes. En Russie et dans les anciens états satellites des quantités de nouveaux hybrideurs sont apparus, en Allemagne et en Italie, un renouveau en profondeur s'est dessiné, et en France de nombreux jeunes gens se sont lancé dans l'hybridation des iris, en oubliant la timidité maladive qui frappaient, jusqu'à il y a peu, ceux qui, chez nous, avaient quelques velléités d'effectuer des croisements.

 Il y a vingt ans le marché des iris en France se résumait donc à l'entreprise Cayeux, magnifique réussite familiale, et à deux ou trois indépendants, plus ou moins en mesure de lui contester sa position dominante. Un autre concurrent s'était manifesté à la fin des années 1960 : la Maison Bourdillon. Mais la concurrence ne s'exerçait qu'en matière commerciale, Michel Bourdillon n'hybridait pas et se contentait de proposer des variétés importées, choisies avec beaucoup d'à-propos par le fin connaisseur qu'il est. L'essentiel du commerce des iris était donc entre les mains de trois entrepreneurs :
- Cayeux S.A. : maison connue du monde entier, auréolée de la renommée internationale de son fondateur Ferdinand Cayeux, enrichie par le travail inspiré de Jean Cayeux et rajeunie par celui, remarquable, de Richard Cayeux, proposant les variétés domestiques, de premier plan, et complétées par un choix d'impeccables variétés essentiellement américaines.
- Bourdillon : entreprise appréciée pour son sérieux et la qualité de ses offres, menée par Michel Bourdillon avec l'intervention de ses fils Luc et Pascal. Catalogue constitué de variétés américano-australiennes de tout premier plan.
- Iris en Provence : l'affaire créée par Pierre Anfosso, entouré de son épouse et de ses enfants ; basée sur les obtentions familiales hautement appréciées partout dans le monde, et complétée par un beau choix d'iris effectué avec le souci de l'originalité.

 Les autres offres commerciales venaient du franc-tireur Ransom, de l'amateur Ségui (avec l'apport d'une collection nombreuse de variétés classiques) et de quelques micro-entreprises régionales.

A partir du début des années 2000 de nouveaux obtenteurs se sont manifestés. La motivation de ces pionniers n'était pas, à l'origine, fort différente de celles qui animaient les obtenteurs des générations précédentes, mais peu à peu est apparue l'idée que leurs nouveaux iris, méritaient d'être mis au commerce et pouvaient constituer un complément de revenus pour leurs obtenteurs. C'est, entre autres, ce qui a amené Bernard Laporte a se lancer dans le commerce des iris, sans l'intention de s'attaquer à l'ensemble du marché, mais en pensant toucher en priorité une clientèle régionale, avec les obtentions maison et avec le complément des importations accumulées au fil des ans. Il a peu à peu été rejoint dans cette démarche par d'autres fans, ce qui a rendu le marché très tendu.

En 2015, comment se présentent les offres des trois « grands » ?
- Iris en Provence. On trouve toujours un large choix de variétés encore en majorité américaines ou australiennes, mais, en plus, il y a la plupart des variétés françaises, produites par la famille Anfosso dans les années 80 ou 90 et des variétés – essentiellement des iris médians ou nains puisqu'il n'y a qu'un grand iris – obtenues par Loïc Tasquier. En dehors de cela, une variété italienne (Bianco), une variété slovaque (Mego) et … une variété française, de Gérard Madoré. Bientôt, sans doute, reverra-t-on de nouvelles créations de la famille Anfosso, mais ça n'est pas pour cette année. A noter que le nom des obtenteurs est indiqué, ce qui n'est pas le cas chez les deux suivants.
- Bourdillon. Le petit catalogue des origines est devenu grand et le dispute aux deux autres en matière de présentation. Le choix de variétés qui ne soient ni américaines ni australiennes s'est réellement enrichi au cours des ans. Il reste cependant modeste avec seulement 39 noms. Mais il y a de l'éclectisme !, Un iris Anfosso, un iris Mego, deux iris Muska, puis dix Cayeux et enfin vingt-cinq iris Bourdillon ou François, les produits « maison ». L'évolution est sensible et devrait encore se diversifier dans les années à venir, en particulier avec les variétés obtenues par le dernier des Bourdillon, Nicolas..
- Cayeux. C'est un magnifique catalogue, dont le sérieux et la sobriété font penser à celui de Schreiner, aux USA. On y trouve 168 (si j'ai bien compté) variétés françaises de grands iris. Toutes sont des créations Cayeux ainsi qu'une création de Michèle Bersillon. Pas de variétés européennes ou d'autres obtenteurs français, mais il est vrai que la grande quantité de variétés maison ne laisse guère de place pour ce qui pourrait provenir de l'extérieur.

Que dire de cet inventaire ? En vingt ans il y a eu une évidente évolution, et une émergence encore timide de ce qui se fait ailleurs qu'aux USA ou en Australie. Pour la clientèle des généralistes historiques la provenance des variétés qu'elle achète ne doit pas avoir d'importance. Il n'y guère que quelques obsédés dans mon genre pour s'en soucier et penser qu'il y a encore de la place pour les variétés françaises et européennes et que se serait une bonne chose qu'on en trouve de plus en plus.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Une petite précision, concernant Iris en Provence : page 1 du catalogue 2015 figurent 3 introductions de Marin Le May, fils de Laure Anfosso et petit-fils de Pierre et Monique.

Anonyme a dit…

Vous n'avez pas très bien regardé le catalogue Cayeux alors, car il y a deux créations de Michèle Bersillon : La Part de Anges et Allumez le Feu.