14.8.15

LE COCKTAIL CALIFORNIEN

On parle peu des iris de Californie. Des plantes qui, jusqu'à une date récente, restaient confidentielles et réservées à la zone dont elles sont originaires et à quelques endroits où le climat leur convient. L'intérêt pour ces iris a cru depuis le début des années 2000 : au cours de la décennie 2001/2010, une moyenne de 27 variétés nouvelles a été enregistrée chaque année, soit environ 2 % du nombre total des enregistrements. Ce n'est évidemment pas beaucoup, mais c'est tout de même une belle performance quand on connaît les exigences de ces plantes.

Ces hybrides sont d'apparition assez récente. Disons qu'ils sont apparus dans les années 1930. Pas aux États-Unis d'ailleurs, mais en Grande-Bretagne. Au début ce furent des espèces botaniques qui ont été utilisées, puis des croisements interspécifiques sont intervenus, dans le but de réunir les qualités de différentes espèces, toutes natives de la côte Ouest, entre l’État de Washington et celui de Californie.

On s'accorde pour dire que le cocktail actuel est composé d'une douzaine d'espèces, mais il y en a quatre qui ont été majoritairement utilisées :
    I. douglasiana : C'est une espèce robuste, vigoureuse et florifère, qui est plutôt résistante au gel et qui n'est pas regardante sur la nature du sol dans lequel elle est plantée. Elle constitue de fortes touffes de feuilles persistantes d'où s'élèvent des tiges florales de 30 à 50 cm de haut.
    I. innominata : Offre à peu près les mêmes exigences que le précédent en matière de résistance mais est plus sensible à la nature du substrat où elle pousse, car il lui faut un sol acide, riche et bien drainé.  
    I. tenax : Peut être comparé aux deux précédentes en matière de besoins, mais ses fleurs, uniques sur leur tige, mais dans un large spectre de couleurs (jaune, mauve, violet et bleu).
    I. munzii : Pousse à l'ombre et dans un sol humide ; craint le gel ; ses hampes florales hautes d'environ 50cm donnent dans les tons de bleu et de violet, avec des fleurs ondulées.

 Le résultat est un hybride au feuillage persistant, long et étroit, avec la formation rapide de fortes touffes, qui préfèrent les sols acides et bien drainés, couvertes à la floraison de nombreuses fleurs généralement rondes, d'environ 8cm de diamètre, dans un choix remarquable de couleurs et de modèles.

Voilà pour présenter la plante. Mais qu'en disent ceux qui les connaissent le mieux ? Petit tour chez les spécialistes.

Culture :
Jean Peyrard (in Iris et Bulbeuses n° 111 – hiver 1993) « Ils peuvent être cultivés pratiquement partout en France à partir du moment où les étés sont chauds et assez secs, les sols légers et bien drainés. Une couverture de neige ou de feuilles sèches est importante se les hivers sont très froids. Les hybrides présentent des couleurs très variables et leur qualité est bien meilleure que celles des hybrides des autres groupes d'iris. La meilleure solution pour obtenir rapidement des touffes est le semis. »  
Graeme Grosvenor (in Iris, flower of the rainbow) « La multiplication par division des touffes est difficile et bien des désillusions surviennent au cours des transplantations. Il faut prendre soin de ne replanter que des jeunes divisions et seulement quand les nouvelles racines blanches se forment à la fin de l'automne ou au début de l'hiver. Pour déplacer des plantes sur une certaine distance les divisions prises doivent être grosses, avec beaucoup de jeunes pousses, et il faut les transporter humides en les enveloppant dans du papier buvard ou de la mousse. Le fait que les PCI, dans leur totalité, rejettent l'idée de déplacement fait de la division et de la multiplication de variétés dénommées une aventure frustrante et souvent désastreuse. Mais s'il est relativement décevant de tenter la division ou le repiquage de ces iris, on peut facilement les obtenir par semis. »
Jean-Claude Jacob (dans un courrier personnel) « La nécessité de diviser en période de croissance limite considérablement la durée maximale entre l’arrachage et la plantation : en enrobant les racines avec du papier humide dès l’arrachage, un maximum de 48 h est possible : la SPCNI préconise un arrachage en début de semaine, une expédition immédiate par les transporteurs les plus rapides, et une plantation dès réception. Cela exclut totalement l’exportation vers l’Europe à partir des U.S.A. Quand je fais mes divisions, je les mets en godets dans les minutes qui suivent l’arrachage. Je préfère une mise en godets à l’automne et une plantation définitive au printemps. Cette année je vais essayer la division avec plantation immédiate en pleine terre, pour mettre en multiplication les sujets les plus intéressants issus des semis. Dans les régions où le sol ou le climat ne permettent pas la culture en pleine terre, il est possible de les cultiver en pots que l’on peut protéger pendant l’hiver.”

Horticulture :
Graeme Grosvenor (in Iris, flower of the rainbow) « Les iris de Californie possèdent 2n=40 chromosomes, le même nombre que chez les iris sino-sibériens et des croisements interspécifiques ont été réalisés (…). Ces Cal-Sib, comme on les appelle, sont de bonnes plantes de jardin, mais aucun de ceux que j'ai vus n'arrive pour la beauté au niveau des hybrides de Californie. »
Jean-Claude Jacob (dans un courrier personnel) "Je conteste formellement l'appréciation de Graeme Grosvenor sur les Cal-Sibe (...) Ils supportent également des conditions de tempérarture qui permettent leur culture partout en France." 

 Histoire :
Claire Austin (in Irises, a gardener's encyclopedia) « Un des premiers hybrideurs à travailler avec les PCI fut Lee Lenz (…). Au cours de la première moitié du XXeme siècle il fit la collecte de plantes dans la nature et introduisit de nombreux croisements. Marjorie Brummitt en Angleterre introduisit aussi 32 variétés entre 1955 et 1982, dont le nom est habituellement précédé du mot « Banbury ». Aujourd'hui Joe Ghio, de Californie, fait tout ce qu'il peut pour attirer l'attention du public sur les hybrides de Californie. Depuis 1995, il a mis sur le marché (de nombreux) PCI, en plus de beaucoup d'autres types d'iris. Il est malheureux que, malgré tout, bien qu'il y ait des centaines de variétés enregistrées mises sur le marché, les PCI ne soient pas vraiment disponibles (…). » 
« La Sidney B. Mitchell Medal est la récompense du plus haut niveau instituée par l'AIS pour les PCI. Mitchell fut le premier président de la Société d'Horticulture de Californie, auteur de livres sur le jardinage, et l'un des premiers à utiliser les PCI pour l'aménagement d'un jardin. » 
Utilisation :
 Jean Witt (in « Almanac » - bulletin de la Society for Pacific Coast Irises – Automne 2000) « Il y a plusieurs raisons pour lesquelles j'aime les PCI : 
    - Ce sont des plantes idéales pour un jardin en sol humide. Je peux les mettre dans n'importe quel coin du jardin, là où ne va pas le tuyau d'arrosage ; 
    - Leur feuillage persistant reste vert toute l'année ; 
    - J'ai pour deux mois de fleurs grâce à la succession des espèces : d'abord les I. tenax et I. innominata, puis I. douglasiana ensuite ; 
    - Les fleurs, de petite taille, constituent des bouquets exquis, même si chaque fleur dure moins longtemps que celles des iris de Hollande ; 
    - Les capsules contenant les graines, ivoire et brun-roux, sont aussi jolies que les fleurs en bouquets secs ; 
    - Les touffes n'ont pas besoin d'être divisées aussi souvent que celles des iris barbus, et la division peut être retardée en séparant une partie de la touffe chaque année, vous trouverez toujours des gens autour de vous intéressés par des morceaux à replanter ; 
    - Ils se reproduisent par graine tellement facilement qu'il n'y a pas besoin de polliniser manuellement pour obtenir de belles plantes, si c'est pour obtenir simplement des plantes des jardin, pas pour avoir des variétés que l'on veut enregistrer. »

Que dire de plus ? Chacun se fera son opinion en fonction des ces avis éclairés. Pour ma part je vois dans ces iris d'agréables plantes de jardin que l'on peut se fabriquer soi-même, à sa guise. Mais, à l'inverse de ce qui se passe avec les iris barbus et les iris sans barbes comme ceux de Sibérie ou de Louisiane, leur transport et leur commercialisation reste délicats.

 Illustrations : 


- semis Jacob 310/12-4


- semis Jacob de 'Lines that Rhyme' (Ghio, 2002)


- 'Canyon Snow' (Emery, 1974)


- Vue générale

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Malgré un spectre de couleurs moindre que celui des PCI, un autre intérêt présenté par les Cal-sibe est leur souplesse de division, similaire à celle des siberians, tout en ayant un feillage persistant.
En outre, l passage à la tétraploïdie laisse présager des fleurs de plus grandes dimensions que celles des PCI, avec des couleurs plus vives que celles des sino-siberians.

J.C. JACOB