2.10.15

IRIS ET COMPAGNIE

Un jardin d'iris, c'est beau pendant deux mois et même grandiose pendant un seul. Le reste du temps, avec les feuilles qui sèchent, puis disparaissent presque complètement, cela fait négligé, voire triste. D'où l'intérêt qu'il y a à donner des compagnons aux iris. Mais ceci n'est pas une mince affaire ! Voici un certain nombre des problèmes que l'on doit résoudre si l'on veut constituer un jardin où dominent les iris, mais qui reste plaisant tout au long de la belle saison. En premier lieu, les iris restent en place pendant plusieurs années et se développent largement, finissant par constituer de touffes importantes qui laissent peu de place pour d'autres plantes qui pourraient se substituer à eux pendant leur période de végétation ralentie. Autre difficulté, les compagnons qu'on peut leur donner doivent être discrets au moment où les hôtes privilégiés sont en fleur. Ajoutons que tout le monde ne doit pas manger au même râtelier, c'est à dire que chacune des plantes vivant ensemble doit se nourrir dans une strate différente du sol, de manière à ne point se gêner les unes les autres. Enfin il est nécessaire de ne faire cohabiter que des plantes qui ont à peu près les mêmes besoins en eau et en ensoleillement. Ce sont-là quelques-uns des principaux obstacles que doit surmonter le jardinier.

Dans la plupart des ouvrages traitant des iris on trouve un chapitre consacré à la cohabitation entre iris et autres fleurs. Mais bien souvent les informations données sont succinctes, voire même insuffisantes (1). C'est comme si ceux qui parlent d'iris ne savaient pas quoi dire sur un sujet essentiel, et qu'ils doivent pourtant aborder, mais sur lequel ils sont un peu à court d'idées.

Je ne suis pas moi-même le mieux placé pour traiter de cette question, mais au cours de mes quarante ans de fréquentation des iris, j'ai pu faire quelques observations que je vais livrer ici.

Prenons, dans l'ordre, les différents problèmes évoqués ci-dessus. Le développement des touffes d'iris, tout d'abord. Certaines variétés poussent fortement et se multiplient à l'envi. Mais pas toutes, et certaines, qui prolifèrent ici, seront moins exubérantes ailleurs. D'où la difficulté à prévoir la place qui doit être réservée à chacune au moment de leur plantation. Il faut adopter une règle moyenne et ajuster au fil des ans en retirant une partie des touffes qui viendraient à prendre trop de place. Cette règle peut d'ailleurs s'appliquer aux plantes commensales qui, elles-aussi, peuvent avoir une propension à occuper plus de terrain qu'on ne souhaiterait leur en allouer. Bref, je crois qu'en laissant de 50 à 60cm entre deux touffes d'iris, on aura assez de place pour planter autre chose dans l'intervalle.

Quand les iris perdent leur attrait, il est souhaitable que leurs voisins soient là pour prendre leur succession, mais quand ils sont au sommet de leur floraison, il ne faut pas que ces voisins soient eux-même en plein développement. Autrement dit il importe de choisir pour ce rôle de substitut des plantes à floraison estivale et à développement tardif. Dans ce rôle, j'ai un faible pour les dahlias. En mai ils sortent tout juste de terre, en juin ils atteindront leur hauteur maximale et déploieront leurs premières corolles, lesquelles se renouvelleront jusqu'aux gelées. En choisissant des variétés de taille moyenne, on ne crée pas de hiatus avec les iris. Mais d'autres fleurs d'été peuvent jouer le même rôle. Pour leur côté linéaire, échinops et éryngium ou verveines de Buenos-Aires ont tout leur intérêt ; pour leur souplesse, coréopsis et gaillardes ou rudbeckias sont à considérer. Enfin n'oublions pas les phlox, sans soucis et bien florifères, et certains fuchsias rustiques qui sont en fleur tout l'été. Mais j'oublie certainement d'autres plantes qui ont les mêmes qualités.

Si, pour varier les plaisirs, on alterne les iris et d'autres fleurs de printemps, on doit penser aux lupins – dans les terrains plutôt acides – aux achillées ou aux délicats omphalodes. Les pavots d'orient peuvent avoir leur place : ils ne l'occupent pas longtemps, mais sont très volumineux au printemps. Pour leur caractère graphique, les grands alliums sont aussi recommandés. Les photos de la pépinière Schreiner, en Oregon, montrent des compositions d'iris, d'allium et de lupins à faire rêver... Ces fleurs ont des racines plus profondes que celles des iris et ne se nourrissent pas au même étage. Il n'y a pas de concurrence pour les nutriments.

 Les iris ont besoin de beaucoup d'ensoleillement. Les bordures où ils sont plantés doivent donc se trouver en plein soleil et leurs commensaux doivent aussi aimer la chaleur. C'est le cas des plantes que j'ai citées, mais lors du choix du panel de fleurs à planter ensemble, il faut tenir compte de ce fait, comme il faut aussi penser à ce que les iris craignent l'humidité stagnantes et savent se contenter de la moindre goutte de rosée pour s'abreuver. En premier plan, il est facile de faire pousser des népétas qui fleurissent tout l'été et, comme de nombreuses labiacées, adorent le soleil, ou de petits géraniums vivaces (ils poussent vite et beaucoup, mais sont faciles à éclaircir).

Tout cela n'est pas rien à prendre en compte quand on veut créer des massifs diversifiés. Mais la difficulté rend la tâche encore plus passionnante. Ce n'est pas cela qui va arrêter le bon jardinier !

(1) Le livre de Richard Cayeux « L'Iris, une fleur Royale » est au contraire parfaitement documenté et source de la meilleure inspiration.

3 commentaires:

François a dit…

On peut aussi avoir envie d'allonger la période de floraison en commençant à fleurir les bandes d'iris en début de printemps avec de nombreuses bulbeuses, les narcisses tazetta qui rentrent en végétation en ce moment apportent un peu de couleur et du parfum avant que les iris repartent vraiment, les crocus et autres miniatures poussent aussi très bien. Même les tulipes s'en sortent bien puisqu'elles adorent avoir les bulbes au sec en été.

En automne, on trouve aussi des Sternbergia dans les bordures d'iris naturalisés. Cela fonctionne également parfaitement. Les développements sont décalés et les fleurs jaunes des Sternbergia apportent un tonus bienvenu après une longue période sèche.
Pour ma part j'essaie en ce moment d'associer les grands iris avec quelques Stipa tenuifolia. A suivre !

Sylvain Ruaud a dit…

Vous avez parfaitement raison. Les plantes que vous citez sont bien adaptées au rôle d'accompagnateur des iris, chacune pour sa saison d'élection. Merci de ce complément d'information.

gerard a dit…

J'ai essayé les muscaris. Ça fonctionne bien, à ceci près que c'est une bulbeuse qui se multiplie férocement et devient vite envahissante. Désherber est alors difficile.
Je crois que tout se résume en fait à une question de place, d'espace. C'est hélas souvent un luxe !