25.11.16

LES PRIVILÉGIÉS

Pour un obtenteur d'iris américain, il n'y a pas de récompense plus importante que la Médaille de Dykes. Mais il n'y en a qu'une par an et il y a environ 600 nouvelles variétés, toutes catégories confondues, qui entrent en lice chaque année. La compétition est donc très âpre. Dès qu'une nouvelle variété entre sur le marché, on dit qu'elle est « introduite », elle entame la course aux honneurs qui peut la mener jusqu'à la récompense suprême. Une première étape sera la « Honorable Mention » (HM) qui va reconnaître l'intérêt de 80 variétés, rien que pour les grands iris, et une vingtaine d'autres seront nominées dans la liste des récompenses mais n'iront pas plus loin dans la compétition. Le tour suivant, sera celui de l' « Award of Merit ». Pour l'obtenir il faudra avoir de sérieuses qualités car, pour en rester avec les TB, il n'y aura plus qu'une vingtaine d'iris récompensés sur une cinquantaine de cités. Les variétés de TB qui ont passé cette seconde sélection entrent en piste pour obtenir la John C. Wister Medal. A ce niveau il n'y a plus que trois TB récompensés sur la dizaine qui sera citée. Et puis viendra enfin le tour, au bout d'une dizaine d'années d'attente, de cette fameuse Dykes Medal. A ce niveau toutes les catégories entrent en jeu et si, de temps en temps (et de plus en plus souvent depuis quelques années), c'est une autre catégorie que celle des TB qui l'emporte, le plus souvent c'est un TB qui est couronné.

Ce que l'on constate, c'est que les noms des obtenteurs situés aux avant-postes sont peu nombreux, et toujours les mêmes. Certes il y a des noms qui disparaissent – naturellement par la mort de ceux qui les portent, mais quelquefois de façon plus inexplicable – mais ceux que l'on peut appeler les « ténors » restent en place pendant de nombreuses années. Ce sont ceux que j'ai baptisé les « privilégiés ». Ils sont peu nombreux et forment l'oligarchie qui règne sur le monde des iris, et les intrus dans cette coterie sont rares et généralement ne font qu'une brève et miraculeuse apparition.

 Prenons pour exemple ce qui s'est passé en 2016 en comparaison avec les résultats de 2006.

Cette année, la DM a échappé aux TB puisque c'est un iris de Sibérie qui a été sacré, alors qu'en 2006 c'était 'Sea Power' (Keppel, 1998) qui l'avait emporté, et que 'Tom Johnson' (Black, 1996) était dans les nominés. A part cela, dans les autres listes (Wister Medal et Award of Merit) il n'y a de changement que pour quatre noms : quatre qui disparaissent et quatre « nouveaux ». Arrêtons nous un peu sur ces huit changements.

 Les disparus concernent deux personnes décédées, Rick Ernst et Duane Meek ; une personne reconnue dans le domaine des iris médians plutôt que celui des grands iris : Marky Smith ; et un obtenteur spécialisé dans les « broken color » donc moins présent, mais qui figure toujours dans les listes, et en 2016 dans celle des nominés pour la DM : Brad Kasperek.

 Les quatre nouveaux de 2016 se nomment :  
John Painter. Cet hybrideur californien prend une place de plus en plus importante depuis une dizaine d'année ;  
Barbara Nicodemus est véritablement une nouvelle hybrideuse qui est apparue sur le tard mais dont les obtentions font chaque fois sensation ;
Les Sutton, George -décédé – et Michael. Leurs superbes et éclatants iris polychromes ne passent jamais inaperçus et retiennent de plus en plus l'attention des juges.

On ne peut donc pas parler de véritable renouvellement. Ce sont toujours les mêmes ténors qui raflent toutes les médailles et presque toutes les places d'honneur.
Rick Tasco était deux fois présent en 2006, il l'est également deux fois en 2016.
Keith Keppel, le plus capé des hybrideurs, apparaît 11 fois en 2006 et encore quatre en 2016.
Joë Ghio, toujours un peu négligé par les juges, était là deux fois en 2006, pour cinq cette année.
Paul Black, qui semble se spécialiser désormais dans les SDB, était cité 3 fois en 2006 et reste cité 2 fois en 2016.
Frederick Kerr, le discret, continue son petit chemin avec deux apparitions en 2006 et une en 2016. Même constat pour Terry Aitken, une citation en 06, une en 16.

 Il faut aussi dire un mot de quelques-uns qui ont un destin un peu particulier. Il s'agit de Tom Burseen, un texan pur jus, qui se fait remarquer par des variétés hors du commun mais pas toujours de bon goût, mais qui ont leurs hardis défenseurs, et de l'inoxydable famille Schreiner, longtemps au dessus du panier mais qui pendant quelques temps avait choisi de caresser son énorme clientèle bien conservatrice dans le sens du poil, et qui semble maintenant se rapprocher de la recherche de belles nouveautés et, par conséquent, du haut des listes de récompenses.

Les privilégiés ne constituent dont qu'une infime partie des centaines d'obtenteurs américains. Cela correspond-il à une réelle suprématie ou, au contraire, n'est-ce que l'effet d'un conformisme qui frapperait les juges appelés à faire un choix parmi les nombreuses (trop?) variétés qu'ils doivent apprécier ? Je pencherais, bien sûr, pour un mélange des deux. Parce qu'il est certain que les iris récompensés sont d'excellentes plantes et que leurs obtenteurs sont de remarquables professionnels, parce qu'il est bien possible aussi que les juges, à tout choisir, soient un peu influencés par la renommée des obtenteurs que l'on a l'habitude de trouver aux premiers rangs.

Illustrations : 


'Kitty Kay' (Keppel, 2002) – le plus grand nombre de votes pour l'AM des TB en 2006 

'Got Milk' (Aitken, 2002) – deuxième plus grand nombre de votes pour l'AM des TB en 2006 


'Insaniac' (Johnson, 2012) - le plus grand nombre de votes pour l'AM des TB en 2016 


'Strawberry Shake' (Keppel, 2011) - deuxième plus grand nombre de votes AM 2016

2 commentaires:

Loïc a dit…

Bonjour Sylvain,
tu n'es pas tout à fait juste ici.

Il faudrait préciser un peu plus:
(Dès qu'une nouvelle variété entre sur le marché) , et qu'elle est distribuée dans un maximum de jardins de démonstration officiels disséminés sur le territoire des États Unis où les juges peuvent les voir (, elle entame la course aux honneurs ...)

C'est ainsi que seuls les hybrideurs qui ont à la fois suffisamment de stock et le courage d'envoyer leurs iris à des douzaines de jardins ont une chance, car les juges restent près de chez eux, ils ne vont pas juger des iris à 500km.
Si ton iris n'est pas là, pas de chance de médaille.

Ainsi, la mise en vente sur un catalogue n'est pas suffisante. Il faut consacrer plus de 100 rhyzomes à cette compétition c'est dire le stock nécessaire! Les oubliés des médailles sont ceux qui ne se sont pas pliés à cette loi.

Sylvain Ruaud a dit…

Ton observation est tout à fait justifiée. Merci. J'ajouterai un codicille la semaine prochaine.