31.3.17

TOUTES SORTES DE GENS

C'est au début de « La Marche Nuptiale » de Georges Brassens : 
 « Mariage d'amour, mariage d'argent, 
J'ai vu se marier toutes sortes de gens... » 
C'est vrai qu'en toutes circonstances on rencontre des gens de toutes les sortes, et notre petit monde des iris n'échappe pas à cette règle. C'est particulièrement évident quand on lit la biographie des créateurs d'iris célèbres. J'en ai rédigé pas loin d'une centaine pour ce blog et j'ai ajouté à ma statistique les biographies données par Clarence Mahan dans son livre ; j'ai complété avec ce que je sais des obtenteurs contemporains. Cela fait un beau panel !

Il faut bien dire que le plus grand nombre est constitué d'horticulteurs et de pépiniéristes qui, par goût, par hasard ou par passion, se sont spécialisés dans le domaine des iris, comme d'autres ont pu choisir de se lancer dans la culture des roses, des hémérocalles, des tulipes... Ceux-là sont des iridophiles « normaux », en quelque sorte. Ils représentent tout de même 40 % du total ! Il y a parmi eux des héritiers d'entreprises déjà bien implantées, comme Richard Ernst pour les Cooley's Gardens, les Schreiner pour leur archi-célèbre maison, ou Richard Cayeux et son père Jean, héritiers de la firme créée par Ferdinand Cayeux, et les hybrideurs des années vingt que furent les Millet, Nonin ou Vilmorin. Il y a aussi ceux qui ont opté dès le départ pour le métier de pépiniériste spécialisé : Ben Hager et Sidney DuBose, son alter ego, Jim McWirther, Sterling Innerst et bien d'autres font partie de ceux-là. Les autres sont généralement venus aux iris après une période d'incertitude et de tatonnements comme en ont connu bien des personnes au début de leur vie professionnelle. Cette occupation qui est souvent le fruit d'un hasard ou d'un concours de circonstances est devenue le plus souvent un métier.

Voisins des précédents sont ceux qui sont issus du monde agricole : ils sont ancrés dans la nature, qu'elle soit animale ou végétale. Le virage qui les a amenés à devenir des spécialistes de l'iris – et de l'iris à barbe en particulier- n'est pas spécialement remarquable. Ce sont des arboriculteurs – Sanford Babson cultivait les orangers – des véritables agriculteurs qui ont bifurqué vers quelque chose de plus à leur mesure : ainsi en est-il de Bernard Hamner, ou, avant lui, de Carl Salbach. Melba Hamblen était l'épouse d'un agriculteur, Neva Sexton, une pure fille de la campagne ; Steve Varner vendait des aliments pour bestiaux et Fred DeForest élevait des poulets !

Mais on découvre aussi des gens que rien ne prédisposait à devenir un jour de grands hybrideurs. Par ordre d'importance statistique apparaissent d'abord les industriels et ingénieurs, comme Jesse Wills qui fut à la fois assureur, chef d'entreprise, enseignant et animateur de radio (et aurait pu être l'un des plus grands poètes de son époque). Nate Rudolph, de son côté, était ingénieur dans l'appareillage électrique, tandis que Clifford Benson travaillait dans l'aéronautique. Viennent ensuite les médecins, fréquemment des spécialistes renommés, comme le professeur Loomis, cardiologue, ou W. Ayres, ophtalmo, Jack Durrance, pneumologue (et alpiniste olympique), et notre compatriote Jean Ségui, gynécologue. Le choix s'étend à des artistes, gens de théâtre, peintres ou musiciens : Lech Komarnicki fut un acteur et metteur en scène fort connu en Pologne ; Pierre Anfosso était d'abord un artiste peintre, comme l'anglais Cedric Morris ; quant à Tell Muhlestein, c'était d'abord un musicien, instrumentiste classique, et Lloyd Zurbrigg un professeur de musique. On arrive aux enseignants qui constituent le contingent suivant. Quelquefois des professeurs dans l'enseignement agricole, mais aussi plusieurs professeurs de Faculté comme John Kirkland qui enseignait le latin et le grec, Edward Essig, Lowell Randolf, Harold Stahly... Des artisans ou commerçants : Larry Gaulter vendait de la peinture et du papier peint, Elvan Roderick était fleuriste ; des militaires (Manley Osborne, Clarence Mahan ou, en Russie, Vitali Gordodelov), des employés (Manfred Beer, Igor Fedoroff), des fonctionnaires (principalement des employés des Postes comme Jim Gibson ou Henry Rowlan, Robert Piatek en Pologne, et chez nous, actuellement, Jean Claude Jacob)... Quelque chose qui ne se produirait plus guère aujourd'hui : de nombreuses femmes étaient de grandes bourgeoises ou de simples femmes au foyer. C'est le cas de Grace Sturtevant, Elizabeth Nesmith, ou des obtentrices italiennes comme Gina Sgaravitti ou, plus récemment, Valeria Romoli.

 Cet inventaire montre bien que l'amour des iris peut atteindre les gens les plus divers. Cela fut toujours le cas, et si à une certaine époque le côté intellectuel l'emportait sur le côté manuel, l'inverse semble se dessiner de nos jours. Cela correspond bien à l'évolution de notre société dont le petit monde des iris n'est qu'une toute petite composante.

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