9.6.17

CE N'EST PAS LA PREMIÈRE FOIS...

De nouveau une chronique d'Irisenligne débutera par une allusion musicale. « Ce n'est pas la première fois » est la phrase par laquelle commence un air de l'opérette « Coup de Roulis ». Un air qui est aussi une déclaration d'amour, troussée avec le talent que l'on connaît à André Messager. Cette fois ce ne sera pas une déclaration d'amour qui suscitera le titre emprunté, mais une prudente mise en garde issue des réflexions de Keith Keppel. Celui-ci en a fait le thème d'un des articles qu'il publie régulièrement sur Facebook. En voici la traduction publiée avec l'assentiment de l'auteur.

"La première fois que fleurissent de nouveaux semis, il y en a 5% à 10% qui sont mis de côté pour être examinés une autre fois ; le reste s'en va à la décharge. L'exception concerne quelque chose qui n'a pas fleuri mais qui provient d'un croisement particulièrement difficile à réaliser, ou qui provientd'un croisement qui a engendré un fort pourcentage de « bons à prendre ». Celui qui est illustré ici, 14-34B, de ((Drama Queen x Tuscan Summer) X Vista Point), a été conservé à cause de la forte tache jaune au centre des sépales. 

Lors de la première floraison il s'est montré en dessous du standard en terme de branchement et de hauteur, et sa forme n'était pas aussi large qu'il aurait fallu au niveau des épaules (l'angle de prise de vue de la photo masque ce défaut). La question est : « qu'est-ce qu'il donnerait s'il avait la place de se développer une fois établi ? » On lui donne donc deux ans pour prouver ce dont il est capable avant le prochain tour d'élimination. 

Une observation : des semis qui sont éventuellement nommés et enregistrés, la plupart ne sont pas ceux qui ont attiré l'attention lors de la première floraison. Ce sont plutôt ceux qui relèvent du deuxième choix, qui font leur preuve avec l'âge et démontrent leur valeur en tant que plantes de jardin, qui sont finalement choisis. Ceux qui frappent à première vue souvent ne seront qu'un feu de paille, quand les espoirs que vous mettiez en eux auront fait pschitt ! Ne jamais partir avant le signal et baptiser quelque chose sur la base de la première floraison !"

Les amateurs d'iris que nous sommes ont en effet remarqué qu'une plante qui n'en est qu'à sa première floraison dans nos jardins ne préfigure pas forcément ce qu'elle donnera dès la seconde année et encore moins les qualités (ou les défauts) qu'elle montrera au bout de trois ans. Dans les concours internationaux comme le Premio Firenze, les iris sont cultivés trois ans avant d'être appréciés. Au début de FRANCIRIS© il en était de même, mais des contingences propres au lieu d'organisation ont contraint le staff de la SFIB à limiter à deux ans le temps de culture préalable. Grâce aux soins méticuleux des jardiniers du Parc Floral de Vincennes les iris s'y présentent suffisamment bien pour que la compétition y soit équitable. Mais je persiste à penser qu'une troisième année aurait donné des résultats encore meilleurs.

On fait donc avec des végétaux transplantés le même constat que celui de Keppel avec des variétés nouvelles. Les iris aiment à prendre leur temps pour s'installer. La première année ils doivent surmonter le choc de la transplantation. Il leur faut développer leur système racinaire et tant que celui-ci n'est pas suffisant ils n'auront pas la force de fabriquer des fleurs achevées (forme, taille, nombre, durée de floraison). Parfois ils réussissent à présenter des fleurs séduisantes, mais c'est en général au détriment de la vigueur de la plante, de son aptitude à résister aux éléments aggresseurs, et bien souvent la seconde floraison pâtira de cette hâte. Prenons le cas des iris en provenance de l'hémisphère sud qui arrivent chez nous au printemps : Aussitôt plantés ils vont ressentir les effets de la belle saison (durée d'ensoleillement, température...) et vont souvent fleurir quelques semaines après leur transplantation. La floraison peut être belle mais le plus souvent elle donnera des signes d'insuffisance. L'année suivante les plantes seront bien acclimatées et elles fleuriront normalement. Il ne faut pas perdre de vue que la floraison exige de la plante une quantité exceptionnelle d'énergie, et ce qui aura été consommé pour aboutir à l'anthèse pourra venir à manquer pour le reste.

Lorsqu'il s'agit de semis nouveaux, la situation est la même et Keppel l'explique très bien. J'en ai personnellement fait l'expérience. Je ne suis qu'un tout petit hybrideur amateur, cependant, pour m'en tenir aux trois seules variétés que j'ai enregistrées, j'ai constaté des comportements différents : parmi ces trois iris, deux ont été intéressants dès leur première floraison, il s'agit de 'Kir' et de 'Zone d'Ombre', mais le troisième, 'Mauvais Genre' a attendu sa deuxième année pour donner tout ce qu'il pouvait. La première fois il s'est montré d'une banalité absolue et j'ai été tenté de l'écarter comme tous ses frères de semis. Il était cependant un peu moins moche que ses frères et c'est ce qui l'a sauvé !

Ce genre de comportement doit être pris en compte par tous ceux qui hybrident, qu'ils soient professionnels ou simplement amateurs comme moi. Suivons donc les conseils de Keith Keppel et gardons-nous de nous enthousiasmer pour une fleur nouvelle qui fait illusion ou de rejeter un cultivar qui ne demande qu'un peu de temps pour se montrer sous son meilleur jour.

 Iconographie : 


Semis 14-34B 


'Kir' 


'Zone d'Ombre' 


'Mauvais Genre'

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