14.7.17

IRIS REMONTANTS : LE RETOUR ?

La recherche sur les iris remontants traverse aujourd'hui une crise parce que les progrès dans ce domaine marquent le pas, et que les adeptes de ces fleurs ne voient pas ce qu'ils pourraient faire pour déboucher sur un espoir d'avancée. La disparition récente, et prématurée, de Betty Ward Wilkerson, hybrideuse américaine de Scottsville dans le Kentucky, a créé dans cette communauté un vide d'autant plus grand qu'elle était un des meilleurs espoirs, et que son travail était un des plus productifs.

Obtenir des iris qui refleurissent tout au long de l'année, de façon fidèle et abondante, avec des fleurs jolies, solides et qui tiennent le plus longtemps possible, tel est le défi qu'ont tenté de relever des hybrideurs visionnaires ou avides de renouveau. Il est vrai que la saison traditionnelle des iris est courte, c'est un des handicaps de cette plante, et que réussir à la prolonger valablement serait quelque chose de passionnant. Il y a déjà longtemps que la recherche a commencé. Les progrès sont-ils à la hauteur des espérances ? Nous allons examiner la question au travers de l’œuvre de six grands spécialistes : Hans Sass, Percy Brown, Raymond Smith, Lloyd Zurbrigg, Betty Wilkerson et Mike Lockatell.

La culture des iris sous le rude climat du Nebraska n'est pas chose aisée, et les frères Sass, dans les années 1920, confrontés à cette difficulté, ont essayé d'y apporter une solution en tentant d'obtenir des plantes qui, après leur floraison normale, formaient de nouvelles fleurs à l'automne. Ils ont effectivement obtenu des variétés excellentes sous leur climat, et c'est attesté par cette phrase écrite par un de leurs émules Raymond Smith, en 1959 : « Les iris Sass, originaires du Midwest, sont sans exception des plantes rustiques et résistantes aux maladies. » Dans le genre, plusieurs variétés ont été des points de départ pour les travaux de leurs successeurs. C'est le cas, entre autres de 'Autumn King' (H. Sass', 1924), 'Flora Zenor' (J. Sass, 1941), 'Tiffany' (H. Sass, 1931) ou 'White Autumn King' (H. Sass, 1935).

Le docteur G. Percy Brown, contemporain des Sass, est un autre précurseur dans le domaine des remontants. Mais il a commencé par s'intéresser aux remontants diploïdes, comme 'Autumn Elf' (1933), avant de se convertir à la tétraploïdie. Il n'est parvenu à ses fins que dix ans plus tard, avec des iris comme 'September Sparkler' (1943), descendant à la fois de 'Autumn Elf' et de 'Autumn King', 'Autumn Twilight' (1948), 'Fall Primrose' (1953) ou 'Green Dragon' (1954). Avec cet hybrideur, la recherche en remontance a fait un grand pas en avant, mais deux difficultés restaient à résoudre : la consistance et l'apparence des fleurs, d'une part, la fiabilité de la remontance d'autre part.

La carrière de Raymond G. Smith, de Bloomington dans l'Indiana, a commencé au début des années 1960 et a duré une trentaine d'années. Toutes ses variétés sont des variétés remontantes. Il est parti des obtentions de G.P. Brown et a cherché à en supprimer les défauts, à savoir l'insuffisance de la matière des tépales, accompagnée de l'étroitesse des épaules, du manque de rigidité des tiges et l'irrégularité de la remontée. Il a fait des progrès en ces matières, et ses iris ont reçu un accueil commercial satisfaisant. Plusieurs ont été importés chez nous, comme le brun 'Brown Duet' (1971), l'orangé 'Returning Glory' (1971), le vrai jaune 'Summer Olympics' (1976) ou l'autre jaune (façon 'Bride's Halo') 'Lemon Duet' (1978). Ces variétés sont effectivement remontantes sous climats tempérés, mais les gros défauts signalés sur les iris de G.P. Brown sont loin d'être résorbés.

C'est parce que ses expériences avec les iris « normaux » avaient été décevantes dans son pays d'origine, le Canada, que Lloyd Zurbrigg s'est intéressé aux remontants. Il en a fait l'oeuvre de sa vie. Ses premières hybridations ne l’ont pas totalement satisfait. Mais Paul Cook l’a encouragé à persévérer. C’est ce qu’il a fait, après son installation en Virginie. Il considérait que son premier iris vraiment valable était 'Grand Baroque' (1969). Il s’agit d’un amoena jaune pâle, avec des traces de mauve sur les sépales ; pas une variété qui attire l’œil, mais un iris à fort potentiel génétique. D’ailleurs Lloyd Zurbrigg l’a utilisé largement à cette fin. Des variétés aussi connues que 'Baroque Prelude' (1974) et son frère de semis 'I Do' (1979), ainsi que 'Earl Of Essex' (1980), 'English Cottage' (1976), 'Latest Style' (1979), 'Spirit Of Memphis' (1977), 'Youth Dew' (1976) ou 'Immortality' (1982) en sont des descendants. Il a également utilisé largement des variétés comme 'Gibson Girl' (Gibson, 1946), issu des travaux des frères Sass, 'Autumn Sensation' (G.P. Brown, 1961) et 'Replicata' (R. Smith, 1966). A-t-il résolu les problèmes structurels des remontants ? Pas sûr ! Néanmoins son chef d’œuvre, 'Clarence' (1990) est une réelle avancée.

Betty Wilkerson s'était promis d'aboutir à un progrès palpable. Il est certain qu'elle n'en a pas eu le temps. Elle avait conscience des faiblesses récurrentes des remontants et elle voulait lutter contre. Son premier objectif était d'obtenir des iris dont la remontance serait plus fiable et plus constante. Les remontants issus des régions américaines au climat doux ou méditerranéen atteignent souvent ce résultat (voir le remontants de Monty Byers, autre grand du microcosme), mais ceux créés sur des terres plus ingrates se montrent plus irréguliers. Betty Wilkerson était en voie de réussir sur ce point. Ses variétés 'Another Bridge' (2002), 'All Revved Up' (2005), 'Just Call Me' (2008), 'Cool Character' (2012) ou 'Summer Honney' (2012) en sont les exemples. Elle s'est malheureusement arrêtée en cours de route.

Reste le cas de Mike Lockatell. C'est un homme qui se bagarre depuis toujours pour des remontants en tous points comparables aux « monoanthésiques ». Il n'en est encore qu'au début de son travail et il est encore bien tôt pour parler de réussite ou d'échec. Mais il a déjà constaté que les iris remontants intéressent de moins en moins les hybrideurs, et il attribue cette perte d'intérêt au fait que les progrès tardent à apparaître. « Après beaucoup d'optimisme au cours de la dernière partie du XXe siècle, écrit-il, les avancées dans le développement des iris remontants semblent toujours aussi rares ». A son vis, quelque peu lassés, les plus ardents chercheurs sont devenus bien discrets et à l'heure actuelle on constate un net désintérêt pour la question. Lui-même, fidèle disciple de Lloyd Zurbrigg, avoue son désarroi : « Qui sera le successeur des Percy Brown, Raymond Smith ou Lloyd Zurbrigg ? » interroge-t-il. Il est peut-être un peu trop pessimiste, mais néanmoins il n'est pas certain que les iris remontants soient actuellement sur le retour au premier plan.

Iconographie : 


'Autumn King' 


'Summer Olympics' 


'Baroque Prelude' 


'Another Bridge'

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