13.4.18

ENTRE L'ELBE ET L'ODER

C'était la partie slave de l'Allemagne. Ce n'est qu'assez tardivement que ces populations orientales ont été absorbées par celles qui venaient de l'Ouest et intégrées à ce qui allait un jour devenir l'Allemagne. Après le cataclysme de la seconde guerre mondiale et la libération de la partie Est de l'Allemagne par les troupes russes, la région située entre l'Elbe et l'Oder a été soviétisée, isolée du reste du monde et vouée à prendre un retard de développement qu'on ressent encore un peu plus de vingt ans après la réunification. Pour ce qui nous concerne, la culture des iris, il s'est produit dans cette région le même phénomène que celui qui a marqué les autres parties européennes de l'ancien empire soviétique : une véritable explosion. C'est un peu comme ce qui se passe dans les régions montagneuses. Après un long hiver glacé et enneigé, la nature se réveille brusquement et tout se dépêche de pousser et de fleurir. Là-bas, à peine le rideau de fer écroulé, les fans d'iris se sont précipités pour acquérir des variétés occidentales et se lancer dans l'hybridation. Alors que la partie ouest de l'Allemagne n'a connu qu'une évolution tranquille, la partie est a vu naître une quantité d'hybrideurs actifs, inventifs et conquérants. C'est avec ces gens-là qu'on va passer un petit moment.

Ils font généralement preuve de beaucoup de talent et leur travail est maintenant reconnu au delà des frontières germaniques du fait de leur succès dans les compétitions auxquelles ils prennent part. Leur renommée a atteint les États-Unis où plusieurs ont pu intéresser des pépiniéristes cherchant à se distinguer des grandes maisons internationalement connues. Ils y sont maintenant distribués, ce qui n'est pas un succès mineur ! Les obtenteurs français, sauf exception, n'ont pas eu la même réussite.

Commençons par évoquer Manfred Beer. C'est de loin le plus connu des hybrideurs allemands. Après une carrière d'ingénieur dans les ligne électriques à haute tension, au temps de la RDA, il a commencé dès les années 1990 une nouvelle vie dans le domaine de l'hybridation. Il y a obtenu ( et obtient toujours) de remarquables succès un peu partout dans le monde. Ce n'est pas toujours l'originalité qui caractérise ses iris, mais ses nombreuses variétés sont des plantes sérieuses et qui poussent généralement bien. Trait particulier, il leur donne des noms qui sont le plus souvent des prénoms de dames... 'Susanna Innerhofer-Hirshmann' (2012), très classique, est en vente chez Bruce Filardi, aux USA.

Günter Diedrich, de Halberstadt en Saxe-Anhalt, ville martyre de la seconde guerre mondiale, s'est fait rapidement un nom dans l'hybridation et l'on constate chaque année des progrès dans la qualité et l'originalité de ses obtentions. Le joli jaune 'Halbstäter Dom' (2002) donne la mesure de son talent.

Wolfgang Landgraf était cheminot à la Deutsche Bahn. Son intérêt pour les Iris est vieux déjà d'environ 30 ans, mais il est encore très vivace. Les terrains où il effectue son travail d'obtenteur sont situés à Neustadt an der Orla, à 350 m de hauteur en Thuringe. Là, il cultive des variétés modernes, plaisantes et robustes maintes fois primées dans les compétitions allemandes. Son iris le plus connu est 'Ladgräfin Elizabeth' (2007), que l'on trouve un peu partout.

Bernhard Lesche, originaire de Jena, en Thuringe (encore!), a longtemps travaillé dans la fabrication de microscope, l'optique est une spécialité de cette partie de l'Allemagne. Quand il s'est lancé dans l'hybridation, les premiers succès n'ont pas tardé à venir. Depuis le début des années 2000 il enregistre régulièrement des variétés intéressantes qui ont une « touche » caractéristique, signature d'une personnalité remarquable (voyez 'Mondenschimmer' (2002)). C'est sûrement l'un des meilleurs espoirs parmi les hybrideurs allemands.

Margitta Herrn, de Leipzig, a appris le métier d'hybrideur avec Manfred Beer. Elle a enregistré son premier iris en 2010 et s'est aussitôt fait remarquer par l'originalité de ses choix dans ses croisements. Son 'Miltitzer Tanzparty' (2011) a été primé à Munich en 2012.

Pia Altenhofer, de Halle, se signale par une démarche originale pour ce qui est de l'attribution d'un nom à ses obtentions : elle choisit un vocable qui n'a pas de signification particulière mais se contente de bien sonner à l'oreille ! C'est un moyen infaillible de ne pas risquer une homonymie nécessairement rejetée par le registrar ! Elle a déjà à son compteur plus de cinquante variétés nouvelles dans toutes les catégories d'iris, mais leur distribution est restée confidentielle.

Domicilié à Gerbstedt, un village situé entre Halle et Magdeburg, Klaus Burkhardt en sans doute le dernier né des hybrideurs allemands ainsi qu'un actif pépiniériste. Dès sa première participation à un concours, il s'est fait remarquer à Munich. J'aime particulièrement son jaune 'Sina at Home' (2014).

C'est ainsi qu'on fait connaissance avec un pan rarement observé de l'iridophilie internationale. Nos compatriotes n'ont pas l'occasion de voir et d'apprécier les variétés allemandes. C'est dommage. Espérons que nos jeunes fanatiques se tourneront bientôt vers ces iris si peu distribués.

Iconographie : 


'Susanna Innerhofer-Hirshmann' 


'Halbstäter Dom'


'Ladgräfin Elizabeth' 


'Mondenschimmer' 


'Sina at Home'

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