20.4.18

UN PEU, BEAUCOUP ET TROP

Un record vient d'être battu : celui du nombre de variétés mis sur le marché par une pépinière ; Mid-America Iris Garden en propose cette année 121 ! Si l'on fait le décompte par obtenteur, comme s'il s'agissait d'entreprises séparées, on arrive aux chiffre suivants :
Paul Black = 49
Thomas Johnson = 47
Barry Blyth (1) = 14
Lynda Miller = 8
Lorena Montanari = 3

Pour me rendre compte j'ai recherché combien de nouvelles variétés étaient proposées cette année par les principaux producteurs américains. Voici le résultat de cette compilation :
 Sutton = 34
Stout = 25
Schreiner = 21
Spoon = 18
Burseen = 15
Keppel = 15
Hedgecock = 15 (dont 6 spurias)
Painter = 9

Ailleurs dans le monde, dans la mesure où chacun a publié la liste de ses introductions, j'ai noté Grosvenor (Australie) = 16
Cayeux (France) = 15
Pour 304 variétés et 15 entreprises, la moyenne se situe donc à 20 nouveaux iris par hybrideur.

Ce nombre me paraît énorme. Mais il y a déjà quelques années que se situe le début de cette inflation. Il fut un temps où les plus prolifiques proposaient une quinzaine de variétés nouvelles, et où la moyenne devait se situer autour de 8 ou 10.

Pourquoi cette augmentation ? J'ai posé cette question à certains connaisseurs avisés du microcosme américain des iris, qui sont d'accord pour dire qu'une cause majeure est dans une plus grande réussite parmi les semis, certains de ceux-ci pouvant donner naissance à un grand nombre de cultivars de haute qualité dont il serait dommage d'éliminer certains pour la seule raison de rester modeste dans le nombre de mises sur le marché. C'est la raison pour laquelle les frères de semis sont de plus en plus nombreux. Y compris chez des obtenteurs que l'on ne peut pas taxer de laxisme.

Prenons acte. Mais notons aussi que cela pose plusieurs problèmes. Le premier étant que, forcément, des variétés très voisines apparaissent, parfois on pourrait presque parler de doublons. Le second se situe au niveau de la course aux honneurs et à l'action des juges.Le troisième, à propos de la durée d'existence de chaque variété dans les différents catalogues.

 En triant et rangeant les photos d'iris que j'ai trouvées sur le net, j'ai été frappé par la quantité de variétés aux coloris très proches les uns des autres. Cela n'est pas nouveau pour les fleurs bleues ou pour les plicatas violets, mais cela ne concerne pas seulement quelques cas bien connus, mais une multitude de modèles ou coloris moins classiques. Les rose pâles, les gris-bleu pastel, les bicolores rose/grenat, les tricolores (bleu, blanc, rouge) sont de ceux-là. J'ai fait un tour parmi les variétés récentes dans ce qu'on appelle le modèle distallata. Je me suis arrêté sur neuf cultivars (dont cinq français!) qui sont vraiment très semblables :
'Ailleurs' (Jacob, 2017)
'Amaze' (M. Sutton, 2018)
'Barbouille' (Jacob, 2017)
'Carousel of Dreams' (Richardson, 2013)
'Gloriafied Glenn' (Burseen, 2010)
'Having a Party' (T. Johnson, 2014)
'Martingale' (Cancade, 2014)
'Quizzical' (Filardi, 2008)
'Rayonnement' (Jacob, 2017)
'Renouveau' (Jacob, 2017)
Cela n'est qu'une partie de ce qui a été enregistré pendant ces dix dernières années !
Qu'on puisse trouver autant d'exemplaires d'un modèle aussi récent – 'Prototype' (Ghio) date de 2000 – est déjà surprenant, qu'autant de variétés soient si proches les unes des autres l'est encore plus. En dehors d'un effet de mode, où chacun veut avoir à son tableau d'obtention au moins un iris de chaque nouveau modèle, il y a un problème de masse. Et cela débouche sur la deuxième question ; comment vont faire les juges ?

 C'est une difficulté qui ne concerne que les iris américains puisqu'il n'y a qu'en ce pays qu'existe une course aux honneurs arbitrée par un grand panel de juges. Mais pourquoi est-ce une difficulté ? Parce qu'une trop grande quantité de variétés en compétition fait obligatoirement qu'un nombre moins élevé d'exemplaires de chacune pourra être vu et apprécié. Les voix vont se trouver dispersées sur un grand nombre de sujets et de ce fait l'attribution des médailles deviendra plus aléatoire (avec sûrement de nombreux ex-aequo) et donc moins convaincant.

Enfin, dernier problème qui me vient à l'esprit, combien de temps chacune de ces variétés trop nombreuses va-t-elle rester commercialisée ? Poussées par l'apparition de nouvelles choses, tous ces iris ne vont faire qu'une brève apparition dans les catalogues : ils seront aussi vite disparus qu'ils se seront renouvelés. Lesquels auront eu le temps de se faire connaître et de démontrer leurs qualités vegetatives ? On trouve encore en vente des quantités de variétés qui ont plus de dix ans, et le Symposium américain présente encore des iris plus que quadragénaires. Qu'en sera-t-il dans dix ans ? Il existe aujourd'hui des variétés qui ont acquis une célébrité méritée affirmée par un véritable succès horticole et commercial. Qu'en sera-t-il des variétés-éclairs qui n'auront fait que passer ? Tiendront-elles au moins pendant les dix ans de leur possible participation à la compétition ? L'attrait pour la nouveauté ne va-t-il pas supplanter l'intérêt pour des plantes solides, généreuses et indémodables ?

Tout ceci fera partie des défis à relever au cours de la prochaine décennie.

 Iconographie :

 'Ailleurs' 'Expect Wonders' X 'Carnival Of Colors'. 


'Carousel of Dreams' ( 'Circus Top' x 'Bubble Up') x 'Goldkist') X 'Wild Jasmine' 

'Gloriafied Glenn' 'Tropical Cooler' X 'Paul Clute'. 

'Quizzical' 'Quandary' X 'Goldkist'

2 commentaires:

jibe a dit…

Sylvain, dans ton analyse tu oublies sans doute la rentabilité d'une entreprise horticole et commerciale qui a intérêt à vendre ses propres variétés exclusives et donc plus chers avec un taux de renouvellement important et rapide. C'est pas poétique mais...

Sylvain Ruaud a dit…

Ben oui... On s'approche de l'iris "à usage unique"... C'est une évolution que je regrette, mais dont je comprend les causes.