6.7.18

LA VOIE VERS L'OUEST II. du Mississipi au Pacifique

Dans leur progression vers l'ouest les iris ont traversé le Mississipi et ont été cultivés dans la grande prairie du Middlewest. Dans ces contrées continentales ils ont rencontré des conditions de culture difficiles qui ont renforcé leur rusticité et leur résistance aux climats extrêmes. Ce fut un acquis important pour leur diffusion partout dans le monde.

Les frères Sass sont les principaux hybrideurs officiant dans cette région. Nés en Allemagne et arrivés aux Etats-Unis en 1884, ils se sont installés dans le Nebraska comme de nombreux immigrants de l’époque. L'aîné, Hans, botaniste de formation, a enregistré son premier iris 'Midwest' en 1923. La célébrité lui est venue grâce à 'Rameses' (1930) qui a reçu la Médaille de Dykes en 1932. Un autre de ses titres de gloire est d’avoir eu l’idée de croiser les grands iris avec les petits pumilas et obtenu les tout premiers iris intermédiaires. Lui et son frère Jacob avaient les mêmes objectifs en matière d’hybridation, et des goûts très voisins. Jacob a commencé à enregistrer des iris, comme son frère, dès 1923, mais il a lui aussi attendu longtemps la consécration. Le succès est venu avec 'The Red Douglas' (1934) qui a obtenu la Médaille de Dykes en 1941. Au-delà se situent d’autres réussites notoires comme 'Blue Shimmer' (1942) et l’indétrônable 'Ola Kala' (1943). Les frères Sass sont évidemment à classer dans le monde de l’iridophilie au rang des obtenteurs fondamentaux.

Un autre immigré en provenance d'Allemagne a acquis dans cette région une renommée qui a fait le tour du monde. Il s'agit de Frantz-Xaver Schreiner, le fondateur d'une dynastie qui règne encore sur le monde des iris cent ans après son apparition. C'est en 1920 que F. X. Schreiner commencera à s'intéresser aux iris à la suite d'une rencontre fortuite avec John Wister, le fondateur de l'AIS. Cette rencontre sera déterminante pour le restant de sa vie et pour celle de sa famille. Très vite il se constitue une belle collection d'iris et envisage d'en faire son activité principale. A l'époque les iris étaient encore peu répandus notamment dans le Minnesota et F. X. Schreiner a compris qu'il y avait une belle opportunité de concilier sa nouvelle passion et les affaires de sa famille. Mais l'âpre climat du Minnesota n'offre pas les conditions idéales pour cultiver les grands iris ! Frantz- Xaver en est bien persuadé, surtout après les fameuses tempêtes de sable de l'année 1930 qui ont dévasté les plantations d'iris, et une tornade, l'année suivante, qui a aggravé la situation. C'est pourquoi, avant de mourir prématurément en 1931 il fait à ses enfants la recommandation suivante : « Si vous continuez l'aventure, il faudrait que vous envisagiez de la transférer dans une région dont le climat serait plus favorable. » Ses deux fils et sa fille ont en effet l'intention de continuer ensemble et ils transfèreront l'entreprise beaucoup plus à l'ouest, dans l'Oregon et la vallée de la Willamette. Ils continueront ainsi la progression du monde des iris, à l'image du peuplement des Etats-Unis.

La prairie du Middlewest s'achève brusquement devant l'énorme barrière des Montagnes Rocheuses. Les pionniers ont néanmoins franchi cet obstacle et les iris étaient du voyage. C'est ainsi qu'à la fin des années 1940 Tell Muhlestein a ouvert une pépinière à Orem, dans la banlieue de Salt Lake City, dans l'Utah. Il commercialisait lui-même les iris qu'il produisait et son catalogue présentait cette caractéristique de contenir des informations et des conseils de culture et d’hybridation marqués par son humour et son talent didactique. Car c'était un homme généreux, ouvert aux autres et curieux de plein de choses. N’a-t-il pas été pianiste et compositeur avant de devenir éleveur de canaris, tout en s’adonnant avec passion à l’hybridation des iris ? Les premières variétés qui attirèrent sur lui le regard des iridophiles, furent sans aucun doute 'Pink Formal' (1949) et 'Party Dress' (1950) deux iris roses, de ce rose qui porte sa marque. Cependant les roses ne furent pas ses seules réussites. Au fil des ans, ses variétés furent de nombreuses fois à l’honneur. En 1956 'Swan Ballet' (1953) reçut, à Florence, le Florin d’or, et continua sur sa lancée pour obtenir la Médaille de Dykes l’année suivante. Melba Hamblen, une de ses voisines, a repris le flambeau qu'il avait abandonné bien trop tôt.

Melba Hamblen, guidée par son compatriote de l'Utah, Tell Muhlestein, s'est lancée dans l'iridophilie dès 1936. Elle a commencé l'hybridation en 1943, avec les conseils de son illustre mentor, et enregistré ses premières variétés en 1954. 'Glittering Amber' (1955) et 'Pretty Carol' (1956) font partie des premières variétés qui l'ont fait connaître. Ses nombreux iris – plus de deux cents - étaient considérés dès les années 1960 comme parmi les meilleurs et, en raison de ses connaissances étendues de l'irisdom, elle fut chargée de rédiger une grande partie de la célèbre « bible » « The World of Irises ».

Lors de la disparition de Melba Hamblen, en 1992, il y avait bien longtemps que les iris avaient conquis la Californie et l'Oregon, sur la côte du Pacifique.

Ils ne sont sans doute pas parvenus à San Francisco par la voie terrestre, mais plutôt par la voie maritime et ils se sont implantés dans la région de Sacramento où ils ont rencontré une terre et un climat parfait pour leur développement. On est alors après la fin de la Première Guerre Mondiale. Et celui qui est à l'origine de leur expansion est le bibliothécaire de l'université de Berkeley, Sydney B. Mitchell. Celui-ci est né à Montréal au Canada en 1878. Cet intellectuel, quand il était étudiant à l'Université McGill, s'est lié d'amitié avec le jardinier de l'Université, qui lui fit cadeau de ses premiers plans d'iris. Il les cultiva dans une partie du jardin de son frère et il se constitua bientôt une collection de belle taille. Celle-ci le suivit à Berkeley quand il gagna la Californie, en 1911. Ce fut son amour des grands iris barbus qui accompagna toute son existence. Il hybrida de nombreuses variétés, en particulier de nouveaux grands plicatas et des iris jaunes. Cependant ses plus grandes réussites en hybridation vinrent de sa collaboration avec d'autres, en particulier de son travail avec William Mohr. Après la disparition tragique de ce dernier, Mitchell continua de travailler avec ses semis, introduisant les meilleurs et en continuant la lignée. L'une des premières introductions de ces semis fut 'San Francisco' (1927), qui fut le premier à recevoir la Médaille de Dykes, l'année de son enregistrement.

Les iris avaient séduit un grand nombre d'amateurs californiens et leur culture a pris une rapide extension. C'est au point qu'en une vingtaine d'année la Californie est devenue ce qu'on pourrait appeler le pays des iris ! Dans les années 1940 on parlait de Lloyd Austin, le promoteur des iris à éperons, de Tom Craig, Jim Gibson, Clara Rees, Carl Salbach...

Plus au nord, les Etats d'Oregon et Washington, se révélèrent rapidement comme encore plus favorables à la culture des iris que la Californie elle-même. Curieusement,ce n'est pas dans la fertile vallée de la Willamette que les premiers obtenteurs s'étaient installés, mais plutôt sur le plateau, au-dessus. Gordon Plough et Opal Brown habitaient par là. C'est sans doute l'arrivée des frères Schreiner, en 1947, en provenance du Minnesota, qui a déclenché l'implantation de nombreux hybrideurs, attirés par les conditions de culture idéales de la basse vallée de la Willamette.

Les iris avaient accompli leur migration. Et même si, aujourd'hui, on trouve des pépinières d'iris un peu partout, les plus importantes, et les obtenteurs les plus éminents se trouvent toujours dans cet eldorado que constitue la côte Ouest.

Iconographie :


'Rameses' (Sass, 1930) 


'Party Dress' (Muhlestein, 1950) 


'Tabasco' (Tom Craig, 1951)


'Pretty Carol' (Hamblen, 1956)

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