21.9.18

UNE ANNÉE DANS LA VIE D'UN IRIS

Il y a quelques semaines j'ai lu avec grand plaisir un livre intitulé « Une année dans la vie d'une forêt ». L'auteur, un biologiste et botaniste américain du nom de David George Haskell, avec ce récit, a failli remporter le prix Pullitzer en 2013. C'est dire l'intérêt du bouquin ! Il y décrit par le menu tout ce qui se passe dans et autour d'un petit espace forestier d'un m² pendant toute une année. Avec des digression sur toutes sortes de sujets ayant trait à la nature et à l'environnement.

Je me suis dit que ce qui intéressait cette petite parcelle de terre forestière pouvait être rapporté à l'existence d'un iris dans l'un de nos jardins. C'est le sujet de la présente chronique.

Hiver

Lorsque la luminosité décroît en durée comme en intensité, l'iris se met en mode veille (comme on dit en parler moderne). Il s'est constitué une bonne réserve de nutriments qu'il a stockée dans son rhizome ; il a diminué sa consommation d'énergie, et il attend des jours meilleurs. Cet iris en sommeil a perdu son feuillage. De la bordure où il est planté n'émerge que de courts moignons verdâtres. Il tient ce comportement de son ancêtre I. aphylla qui est une plante montagnarde, dont l'habitat d'altitude n'aurait pas supporté le gel et la neige, alors, autant s'en passer ! Dans cette tenue de circonstance, notre iris peut attendre le printemps.

Printemps

On ne peut pas se contenter d'un paragraphe pour évoquer le printemps d'un iris. Il en faut autant que de mois !

     Mars

Avec les jours qui rallongent, l'iris se met à pousser. Des feuilles réapparaissent et grandissent d'environ 1cm par jour. C'est un peu comme un ours qui sort de sa tanière. Il est amaigri et il a faim. Il va se refaire des forces non plus en puisant dans ses réserves, mais en allant chercher dans le sol l'eau et certains nutriments. C'est pourquoi les racines, comme les parties apparentes de la plante, se développent hardiment. Les feuilles nouvelles interviennent dans le phénomène de croissance. D'une part, grâce à la photosynthèse, elles fournissent les composés carbonés qui sont essentiels à la vie de la plante et que celle-ci va emmagasiner dans son rhizome ; d'autre part elles accroissent la surface exposée au soleil et l'évaporation va activer l'aspiration de l'eau vers les cellules nouvelles : cela fonctionne comme une pompe. Dans un sens, l'eau puisée par les racines va monter vers les sommités nouvelles, dans l'autre, les sucs nutritifs vont descendre vers les réserves. La machine végétale est lancée.

     Avril

Les feuilles ont à peu près atteint leur taille maximale. C'est au tour de la tige florale de grandir. Elle apparaît au centre d'un panache de feuilles : trois à droite et trois à gauche. Au début elle se distingue mal de ses voisines, mais bien vite son aspect cylindrique se différencie des feuilles qui, elles, restent en deux dimensions. Sa croissance est extrêmement puissante et rapide puisqu'elle va atteindre en un peu plus d'un mois une hauteur d'environ 90cm ! L'amateur qui s'inquiète de la future floraison va régulièrement saisir entre le pouce et l'index l'extrémité de la tige florale qui s'élève progressivement entre ses assesseurs foliaires, jusqu'à ressentir le renflement qui se forme et donne l'assurance de la présence de boutons floraux. L'iris atteint à ce moment la période la plus délicate de sa végétation. En effet dans beaucoup de régions les matinées d'avril sont propices aux gelées et les tendres bourgeons sont en danger. Sont particulièrement exposés les iris intermédiaires et les grands iris hâtifs. Mais, passée la St Georges, les risques s'amenuisent et l'on va pouvoir aborder la période cruciale de la floraison.

     Mai

Le mois de mai constitue l'apogée de l'année d'un iris. Tout est fait pour la floraison et la prolongation de l'espèce. Comme de nombreuses plantes, l’iris réunit dans un seul ensemble les sexes mâle et femelle nécessaire à sa reproduction. Mais il ne mélange pas les genres et ne s’auto-féconde pas (ou pas spontanément). Si les deux appareils logent dans le même appartement, ils ne copulent pas entre eux ! Pour filer la métaphore on peut dire que chacun occupe un étage de la même maison. Bien haut, le plus haut possible, la hampe florale a hissé la demeure du couple. Dans cette sorte de duplex. Au niveau inférieur elle a situé l’essentiel de la partie femelle, au-dessus elle a placé la partie mâle. La partie femelle a pris place à l’extrémité de la hampe à laquelle elle est rattachée par un court élément qui se nomme le pédicelle. Ce pédicelle est surmonté par l’ovaire, un corps en forme de quenouille fait pour abriter les graines en développement qui prendra à ce moment le nom de capsule. C’est dans cet ovaire que se trouvent les cellules reproductrices ou gamètes femelles de la fleur. Il est prêt à fonctionner et, en l’occurrence, il est subdivisé en trois éléments correspondant chacun à une des trois parties mâles de la fleur, mais qui communiquent entre eux. Cette segmentation est une garantie car si l'un de ces segments est détruit, les deux autres seront toujours là ! C’est le creuset où tout va se jouer : c’est fonctionnel, solide, mais discret, presque secret. Le spectacle, c’est pour ce qui se situe au-dessus. Dans le prolongement vertical de l’appareil se trouve un court élément de liaison qu’on appelle le périanthe qui va en s’évasant et qui se termine par une sorte de nœud qui est la zone d’attache des pétales et des sépales et le point d’ancrage de la partie attractive de la fleur.

A partir de là l’apparence des choses change totalement : on quitte les éléments discrets, d’une couleur verte anonyme, pour les éléments vivement colorés destinés à attirer les vecteurs animés de la fécondation que sont les insectes à la recherche de nectar. Cette zone d’attache a une importance considérable. Au-dessus rien ne sera plus comme en dessous. Les six pièces florales vont jaillir de là, de même que les trois supports des parties accessibles aux insectes. Trois pétales, amplement développés, richement colorés sur leur face extérieure qui vont s’étaler comme des ailes et constituer l’étendard de la fleur, bien visible et bien attrayant. Trois sépales fabuleusement colorés sur leur face interne, celle qui va se voir et qui est montrée de façon assez ostentatoire, qui vont servir de piste d’atterrissage pour les insectes choisis par la nature pour assurer la pollinisation et sur lesquels se développe un leurre, une barbe à longs poils qui fait croire aux visiteurs qu’ils vont trouver là le nectar qu’ils viennent chercher mais qui n’est qu’un guide vers le cœur sucré où on veut les entraîner. Trois ensembles génialement constitués où va se jouer l’acte sexuel. D’abord l’étamine, avec un filament portant l’anthère, partie mâle proprement dite, où se sont développés les petits sacs polliniques qui contiennent les gamètes mâles. Puis une languette un peu rigide, terminée par une étroite lame cornée, gluante, où vont venir se coller les grains de pollen et qui s’appelle le stigmate. Enfin une élégante crête, colorée, qui sert à la fois de bouclier protecteur pour le stigmate et de complément décoratif de la fleur.

(à suivre...)

Aucun commentaire: