19.10.18

LES MOTS MAGIQUES

Des mots, toujours des mots... Les mots jouent un rôle important dans l'univers des iris. Ce sont ceux que l'on choisit pour créer un nom de variété, et au train où vont les choses, avec une production annuelle de par le monde de plus de 1000 nouveaux iris, trouver un nom va devenir de plus en plus difficile, même si, dans toutes les langues du monde, il reste des mots disponibles et plein de noms à inventer.

Chaque situation, chaque fleur doit avoir un nom, et les mots pour exprimer ce nom ont une importance considérable. Une même idée sera ressentie différemment selon les mots choisis pour la conceptualiser. Les mots utilisés pour constituer le nom d'un iris (comme d'ailleurs des autres plantes) sont donc des mots magiques et leur agencement pour créer un nom a quelque chose de merveilleux. Il est intéressant d'analyser les mots qui sont retenus pour composer un nom en fonction de l'idée que l'on se fait de ce que ce nom va apporter à la plante et de l'adéquation qu'il doit y avoir entre le nom et ce que véhicule l'iris qui va le porter.

A ce moment, il faut bien dire que la magie des mots n'apparaît pas toujours ! Peut-on parler de magie lorsque le mot « bleu » (dans quelque langue que ce soit) est utilisé pour baptiser un iris bleu ? Les fort nombreuses variétés qui portent un nom où l'on trouve le mot « bleu » sont la plupart du temps des fleurs à base de bleu ! Témoin 'Blue Crusader' (Schreiner, 1998) ou 'Blue Rapture' (Kerr, 2013). De même les fleurs dont le nom contient le mot « rose » ou « pink » ont toutes les chances d'être des iris roses ('Pink Belle' – Wood, 1983) ; ('Pink Taffeta' Rudolph – 1965) et celles qui s'appellent « black » quelque chose sont à coup sûr des fleurs noires ('Black Flag' – Stahly, 1985) ; ('Black Phantom' – Marryott, 2001). Dans cette approche il y a quelque chose qui, à nos yeux d'Européens ne s'explique pas. C'est le cas des noms le plus souvent très terre-à-terre qui sont donnés aux iris plicatas ! Les exemples sont innombrables, en particulier dans les catalogues de la célèbre maison Schreiner. 'American Classic' (1996), 'Closed Circuit' (1981), 'Take Five' (2005) en sont des illustration. En quoi des mots ordinaires conviennent-ils aux plicatas ? Mystère !

On reste là dans le banal ou le prosaïque, mais ce n'est pas toujours le cas. On retrouve la magie des mots lorsqu'il y a une association d'idée entre la couleur d'un iris et certains mots en quelque sorte prédestinés. Ainsi le mot « ange » ou « angel » est intimement lié à la couleur blanche, de même, le mot « nuit » ou « night » l'est avec la couleur noire, le mot « ciel » ou « sky » l'est avec le bleu clair, le mot « feu » ou « fire » l'est avec l'orange. L'association peut être plus subtile, comme celle entre « irish » et vert, ou celle entre « moon – lune » et jaune (du moins dans la vision américaine de la lune). Les iris dont le nom contient le mot « arctic » sont des iris blancs, de même pour ce qui est de « ice - glace » ou « snow - neige » et son corrélat « Christmas - Noël », ou pour les mots évoquant la pureté, comme « bride ou bridal, celeste ou celestial » ou « crystal - cristal ». Et tout ce qui évoque l'Espagne ou l'Amérique Latine comportera des couleurs vives à base de jaune ou de grenat le plus souvent.

 La magie des mots opère dans toutes les langues. 'Babbling Brook' (Keppel, 1965) ou ''Brook Flower' (Schreiner, 1972) évoquent inmanquablement la fraîcheur des ruisseaux, tandis que 'Aube du Désert' (Chappelle, 2016) fait immédiatement penser au sable blond sous le soleil levant, et que 'Flight of Angels' (Terrell, 1967) guide vers quelque chose de clair et de léger. Bien sûr on est moins sensible lorsqu'on ne parle pas la langue, mais cela ne change rien et si les mots nous semblent moins évocateurs, le charme apparaît dès que l'on a la traduction : comme la « veuve noire » de Sergeï Loktev ('Chornaya Vdova' – 2006).

Ce n'est pas étonnant que de nombreux hybrideurs disent qu’ils ont bien des difficultés quand il s’agit de trouver un nom pour une nouvelle variété. Thomas Johnson, à Salem dans l’Oregon dit à ce sujet : « Je me sens très stressé. Je n’aime pas choisir les noms d’iris. » et Lawrence Ransom, en France, m’a tenu un jour à peu près le même langage. En fin de compte, la magie des mots peut être à la fois éprouvante et exaltante. Et le domaine des iris, à ce sujet, ne se distingue nullement des autres.

Iconographie :

 'Blue Rapture' 


'Black Phantom' 


'Take Five' 


'Aube du Désert ' 


'Chornaya Vdova'

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