17.11.18

ALLER PLUS LOIN, C'EST REVENIR

Le monde des iris ? Lequel ? Géographiquement, on en compte quatre ! Le premier, c’est l’Europe, à l’origine de l’horticulture des iris mais qui a été bousculé par les grands conflits du XXe siècle; le second c’est les Etats-Unis d’Amérique, qui a supplanté le premier à l’occasion des guerres qui ont par deux fois éloigné les Européens des iris ; le troisième concerne l’ancien empire soviétique : il est apparu dès la destruction du Rideau de Fer et ne cesse de s’étendre avec un dynamisme surprenant et une vitalité qui en fera peut-être bientôt le plus important ; le quatrième c’est l’Océanie, et plus particulièrement l’Australie et la Nouvelle Zélande, qui se sont ouvertes aux iris dans les années 1940 et se sont créées une place remarquable où brillent encore les étoiles de Barry Blyth, pour les iris barbus et de John Taylor ou Heather Pryor pour les iris de Louisiane qui ont trouvé là-bas une nouvelle patrie. Il subsiste encore au moins deux parties du monde qui restent à conquérir : la Chine, et l'Amérique du Sud. Pour l’instant la volonté des Chinois de singer les mœurs occidentales, que l’on constate dans leur habillement et dans leurs comportements de consommateurs, n’a pas encore atteint leurs habitudes de jardinage. Mais il faut s’attendre à ce qu’un jour prochain ils deviennent, comme pour le reste, d'habiles et entreprenants imitateurs de l'Europe ou des Etats-Unis. Quant au continent sud-américain il pourrait bien devenir un nouvel espace ouvert aux iris. Il existe déjà au sud du Brésil et en Argentine des pépinières qui proposent des grands iris et j'ai entendu dire qu’il y a des amateurs qui se lancent dans l'hybridation ! La boucle sera bouclée.

Pour l'instant le tour du monde s'arrête en Nouvelle Zélande. Ce pays est le plus éloigné de l'Europe. Si on va plus loin vers l'Est, on est déjà sur le chemin du retour ! Pas étonnant, dans ces conditions, que notre connaissance de l'iridophilie néo-zélandaise soit un peu succincte. Pourtant elle est bien vivante et fait partie d'une des plus anciennes. Souvenons-nous de Emily-Jean Stevens et de son ‘Pinnacle’ de 1945, qui a fait le tour du monde et se trouve encore dans de nombreux jardins. Cette variété est une référence en matière d’amoena jaune. Mais son obtentrice a aussi obtenu quelques amoenas roses qui valent la peine, comme ‘Youthful Charm’ (61) ou son descendant ‘Sunset Snows’ (65) qui ont l’un et l’autre acquis une certaine célébrité. Emily-Jean Stevens a été une obtentrice féconde et les variétés qu’elle a enregistrées couvrent la période des années 40, 50 et 60. Sa renommée s’est étendue bien loin de son île natale et, dans un moment où les transports n’étaient pas simples, elle a réussi le tour de force de placer ses iris partout dans le monde. En Nouvelle Zélande elle est aussi célèbre que peuvent l'être chez nous Ferdinand Cayeux ou Philippe de Vilmorin.

Après son décès la Nouvelle Zélande est un peu tombée dans l’oubli, dans le domaine des iris. Il a fallu attendre une trentaine d’années pour revoir son nom dans les listings de l’AIS.

Celui qui l’a relancée, c’est Ron Busch. On doit à ce franc-tireur une grande quantité d’iris de tous modèles, mais, comme il l'a dit lui-même, son travail a été longtemps un peu « tout fou » avant qu’il ne se décide à choisir une direction à suivre. En fait il en a déterminé trois : les plicatas et amoenas roses et les noirs à barbes oranges. Il n'a pas réussi avec les amoenas, mais il a été plus heureux avec les plicatas roses, sans pour autant parvenir à la perfection. Quant à son travail sur les noirs à barbes orange il a obtenu des tas de choses intéressantes, mais pas le noir qu’il espérait obtenir… Parmi ses nombreuses réalisations on peut citer celles des années 2007/08, comme ‘Irwell Gambler’ ou ‘Irwell Desert Sands’ ; une grosse quantité de variétés a été enregistrée en 2010, comme pour marquer la fin de l'ère Busch...

Après Ron Busch, c’est un couple d’hybrideurs plus jeunes qui a pris la succession. Ce sont les Nicoll, Allison et David. Leur pépinière est située à Nelson, tout à fait au nord de l’Ile du Sud et à 100 Km à vol d’oiseau à l’ouest de Wellington, la capitale. Leur première variété enregistrée, ‘It’s a Try’ (Alison Nicoll 99) fut peut-être un essai, mais, au pays du rugby, c’est un essai transformé, car il augurait bien de ce qui allait venir après. Les iris d’Allison se distinguent par leur côté simple et naturel, ceux de David étant souvent plus sophistiqués. Ils ont à leur actif un nombre important de nouveaux iris, dans un choix de coloris qui pose la question des pistes de recherche qu’ils ont décidé de suivre. On trouve de tout chez les Nicoll, comme l'étrange 'Early Beaut'' (David Nicoll, 2004) ou le très sage 'Maxene Susan' (Allison Nicoll, 2014) mais ils n’ont épuisé ni leurs ressources ni leur enthousiasme. Avec eux et avec quelques amateurs qui leur tiennent compagnie, comme le non-professionnel Eric Braybrook, la Nouvelle Zélande continuera de tenir sa place dans le monde des iris. Mais, freiné par les obstacles mis aux importations par les services phytosanitaires européens, leur travail n’a pas encore franchi les mers pour venir jusqu’à nous. C'est un problème qui limitera toujours les importations en provenance de ce joli pays.

 La Nouvelle Zélande continue de compter dans le monde des iris. Elle y a une place bien plus importante que ne le laisserait supposer la faible population de cet archipel. Quand on est au bout du monde, il n'est pas facile de franchir les mers pour des produits qui n'ont pas une grande valeur ajoutée, et pour des obtenteurs qui n'ont pas les moyens des grosses firmes américaines ou australiennes.

 Iconographie : 


'Youthful Charm' 


'Irwell Gambler' 


'Irwell Desert Sands' 


'Early Beaut'' 


'Maxene Susan'

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