7.12.18

BIEN DE CHEZ NOUS

Il y a plus d'une douzaine de personnes en France à l'heure actuelle qui enregistrent de nouvelles variétés. Cela signifie que nos compatriotes ont surmonté leur apréhension et pris conscience de la qualité de leur travail d'hybrideurs. Richard Cayeux est le seul qui fasse ça de façon vraiment professionnelle, deux autres bénéficient de la pépinière familiale pour diffuser leurs nouveaux iris ; les suivants soit hybrident par distraction, pour le seul plaisir, soit essaient de commercialiser eux-même leurs cultivars. Mais le marché des iris est un marché de niche et il n'y a pas la place dans notre pays pour un grand nombre d'entreprises commercialement rentables. Comment faire alors pour accroître le rayonnement de la production française et offrir aux hybrideurs une reconnaissance de l'excellence de leur travail ?

A vrai dire la situation française n'est pas tellement différente de celle des autres pays européens. Parce que depuis quelques années, ailleurs comme en France, l'enregistrement de nouvelles variétés explose. Il y a dix ans, en 2008, le fascicule des enregistrements et mises sur le marché (R&I) édité par l'AIS notait 107  variétés européennes nouvelles, tous groupes confondus. Sur ce nombre, dis ans plus tard, combien ont réussi à être mises sur le marché ? En Italie 2 ou 3 entreprises vendent des iris ; en Allemagne elles ne sont pas plus nombreuses, en Grande-Bretagne, c'est pire et dans l'Est de l'Europe, c'est quasiment inexistant. Et ces pépinières distribuent surtout des variétés américaines ou australiennes. Et quand on dit australiennes, il s'agit essentiellement des nombreuses variétés obtenues par Barry Blyth, le seul à voir ses produits sur tous les marchés du monde. Les autres hybrideurs australiens sont beaucoup moins bien représentés. A l'avenir la place de l'Australie risque de s'amoindrir car Blyth vient de cesser son activité et les deux beaux-frères Grosvenor et J.C. Taylor ont plus de 80 ans...

Dans les Etats de l'ancienne URSS, où la production iridistique est considérable, ce sont les obtenteurs eux-même qui se chargent de vendre leurs produits et quelquefois ceux de leurs collègues, mais il n'existe pas de véritable réseau commercial et les variétés occidentales y sont bien représentées.

Ces constatations amènent à la conclusion que seuls les variétés nord-américaines et celles, australiennes, de Barry Blyth sont correctement distribuées à travers le monde (mais pour ces dernières leur présence va aller en diminuant puisque, comme on vient de le voir, leur auteur a pris sa retraite). Avec plus ou moins de réussite des obtenteurs européens ont conclu des accords de commercialisation avec de petites pépinières américaines mais on est loin d'une franche réciprocité ! Y a-t-il un remède à cette situation frustrante ?

Je n'en vois guère dans l'immédiat, tout au moins au plan strictement français. Parce que la vénérable maison Cayeux fait de plus en plus de place à ses propres obtentions et que ce choix, respectable, n'ouvre pas beaucoup la porte aux variétés d'autres obtenteurs : on ne peut pas tout faire ! La maison Bourdillon suit un peu le même chemin puisque les variétés « home made » vont en se multipliant et que sa collection reste très conventionnelle. Iris en Provence manifeste actuellement un plus large esprit d'ouverture. C'est une attitude encourageante dont j'espère qu'elle va prendre de l'ampleur car il n'y a plus lieu d'être circonspect à l'égard des productions françaises et européennes en général, alors que la qualité des variétés américaines apparaît de plus en plus délicate (ou compliquée comme on dit en parlant moderne !). Alors que là-bas la course à la rentabilité et au chiffre d'affaire prend une ampleur inquiétante, au détriment de la vigueur et de la floribondité, il me semble que les pépinières européennes ont tout intérêt à se tourner vers les variétés de notre vieux continent – et françaises en particulier – pour renouveler leurs catalogues. On peut rêver d'une offre où les variétés américaines se limiteront aux iris de quelques obtenteurs chevronnés et portés sur le qualitatif, et où la plus grande place sera attribuée aux variétés bien de chez nous.

Iconographie : 

Cinq variétés récentes et françaises (parmi tant d'autres) qui mériteraient une plus large diffusion : 


 'La Grande Mademoiselle' (Martin Balland - 2016) 


'Princesse Laura' (Sébastien Cancade - 2014) 


'Contre Allée' (Jérôme Boulon - 2017) 



'Aime Bay' (Stéphane Boivin - 2015) 


'Vin du Sud' (Bénédicte Habert - 2017)

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