28.12.18

LA PUISSANCE ET LA GLOIRE

Le titre de cette chronique est emprunté au formidable roman de Graham Greene, qui connut dès sa parution un succès retentissant et reste l'œuvre la plus forte du grand écrivain anglais. Mais le sujet d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celui du roman puisqu'il s'agit de la période dorée de l'activité d'hybrideur de Ferdinand Cayeux : les années1928/1938.

C'est aussi la période d'existence de la Médaille de Dykes Française, laquelle a débuté en 1928 et a cessé en 1938, interrompue par la guerre, et jamais remise à l'ordre du jour. Pendant cette décade Ferdinand Cayeux a joui d'une gloire mondiale et exercé sur le monde des iris une puissance jamais plus égalée.

Au cours de ces dix ans Ferdinand Cayeux a enregistré environ 260 variétés nouvelles ! Une telle production en dit long sur l'importance de l'entreprise et le travail fourni par son propriétaire. A l'époque on venait de partout en Europe, et même des Etats-Unis pour admirer les nouveautés dont un grand nombre a été distribué à travers le monde. Et ce succès commercial s'est trouvé doublé d'une abondante utilisation chez la plupart des hybrideurs, de sorte que l'on ne doit pas beaucoup exagérer si l'on dit que dans chaque iris d'aujourd'hui il y a un peu des variétés de Ferdinand Cayeux. Dans « The World of Irises », dans le chapitre consacré aux débuts de l'hybridation, Melba Hamblen a écrit : « Ferdinand Cayeux est entré en scène quelques années après ses compatriotes, mais il les a vite distancé à la fois par la quantité et la qualité des iris qu'il a introduits. Ces vainqueurs de la Médaille de Dykes (10 en dix ans!) comprennent des variétés bien connues des amateurs et des hybrideurs du monde entier ; et 'Pluie d'Or', Député Nomblot', 'Jean Cayeux' et 'Madame Louis Aureau' figurent au premier rang dans l'évolution des iris modernes. » Un peu plus loin, dans le même ouvrage on lit : « La Maison Cayeux et LeClerc a introduit le brun doré 'Jean Cayeux' en 1931 et le bitone chocolat 'Louvois' en 1936. L'un et l'autre furent immensément populaires, et 'Jean Cayeux' se trouve à l'origine de nos meilleurs bruns modernes. » Puis, encore plus loin, « Le plicata délicatement marqué 'Séduction' fut introduit en 1933 ; l'année suivante 'Madame Louis Aureau', plicata rose pourpré, ondulé et richement dessiné, a fait ses débuts et a remporté immédiatement la Médaille de Dykes française. Ces deux variétés ont été des ancêtres importants pour les plicatas modernes. » Et ce n'est pas fini ! Au chapitre des bicolores, « The World of Irises » cite les variétés 'Nene' (1928), 'Marquita' (1930) et 'Madame Maurice Lassailly' (1937). Autant dire que Ferdinand Cayeux s'est imposé dans tous les domaines.

Tout au long de la période considérée des variétés remarquables sont apparues. Nous allons nous arrêter sur quelques-unes.

La grande vedette de l'année 1928 est à coup sûr 'Pluie d'Or'. Le Bulletin de la Société nationale d'horticulture de France le décrit comme suit : « Tiges solides, bien ramifiées, portant un grand nombre grandes fleurs jaune franc. Plante vigoureuse dont les hampes atteignent 1 mètre de hauteur. C'est le premier iris à grandes fleurs jaune pur que nous connaissions à ce jour. » Et Ferdinand Cayeux explique : « Nous avons longtemps dirigé nos recherches à l'effet d'obtenir des iris jaune pur, à grandes fleurs, aux divisions ou semi-étalées, ou même presque horizontales. Nous sommes parvenus à obtenir des variétés jaune crème, jaune primevère comme 'Pluie d'Or', 'Phébus', jaune franc comme 'Tapis d'Or', 'Fleur d'Or', 'Toison d'Or', 'Eclador' et aussi jaune foncé presque jonquille comme 'Roi Soleil', 'Erromango', 'Raboliot'. » A côté de ça 'Don Juan', 'Nene', 'Zampa' savent aussi tenir leur place.

1929 est l'année de 'Député Nomblot', mais aussi de 'Evolution', 'Polichinelle', 'Toison d'Or' ou 'Vert Galant' , sacré Médaille de Dykes cette année-là et qualifié de « plus bel iris de l'année ».

En 1930, 'Député Nomblot' qui n'avait pas pu être récompensé comme il le méritait l'année précédente a reçu à son tour la Médaille de Dykes. Il a été aidé en cela par le fait que les enregistrement de l'année n'atteignaient pas le niveau des années précédentes. Signalons néanmoins 'Dona Sol' « divisions supérieures lie-de-vin ardoisé ; divisions inférieures grenat pourpre velouté », et aussi 'Helios' qui « marque une grande avance dans a recherche des variétés de teinte jaune à grande fleur ; divisions supérieures très grandes et particulièrement bien faites, jaune citron très pur ; divisions inférieures de même nuance, portant de fines et légères réticulations ou stries brun clair (...) ».

Avec 1931, on atteint un sommet où se distinguent plusieurs iris de grande valeur. 'Jean Cayeux', bien sûr, dont le portrait n'est plus à faire, mais aussi 'Madame Maurice Lassailly', 'Marquita', 'Président Pilkington', 'Sérénité' autant d'iris que l'on trouve encore souvent dans nos jardins.

1932 fut tout aussi riche et l'on ne sait qui il faut citer de préférence. Que ce soit 'Eclador', Médaille de Dykes, 'Beotie', 'Directeur Pinelle', 'Raboliot' ou 'Redalga', tous démontre la grande maîtrise de leur obtenteur.

Moins chargée, l'année 1933 comporte néanmoins des variétés exceptionnelles. A commencer par la Médaille de Dykes 'Alice Harding', d'abord baptisé 'Roi Soleil' (voir plus haut) mais dédié à Alice Harding après que cette dernière soit venue en France et l'ait admiré. A part ça, quelques autres nouveautés méritent l'attention, comme 'Plurabelle', 'Séduction' ou 'Volupté', décrit comme « fleurs de la plus grande dimension et d'une forme parfaite, divisions supérieures cuivre rouge, les divisions inférieures rouge grenat vif et chaud ».

En dehors de 'Madame Louis Aureau', variété-événement, les années 1934 et 1935 présentent moins d'intérêt. C'est si vrai que la Médaille de Dykes de 1935 n'a pas été attribuée à une nouveauté de l'année, mais à 'Madame Maurice Lassailly', introduite en 1931. En dehors de ces deux variétés, on peut retenir 'Voltigeur' (1934), 'Aubanel' (1935) ou 'Madame Ulmann', descendant direct de 'Madame Maurice Lassailly'.

Petite production en 1936, mais plusieurs variétés importantes : le variegata 'Agrippa', le jaune pur 'Drap d'Or', le célèbre bicolore 'Louvois', le bitone rouge betterave (et Médaille de Dykes) 'Olympio'.

Puis voici la dernière année de notre inventaire, 1937. C'est comme si, pressentant la conflagration à venir, Ferdinand Cayeux lançait son bouquet final. Près de soixante nouveautés ! Le choix des meilleures n'est pas facile :
le « petit » 'Ileana', « divisions supérieures jaune clair, les inférieures étalées, jaune bronzé bordé d'or » ;
le très pur 'Dame Blanche', d'un blanc éclatant ;
le bleu violacé 'Pulcinella' ;
le très traditionnel violet 'Symphonie'.
La Médaille de Dykes est revenue à une variété non encore enregistrée (mais qui le sera l'année suivante par René Cayeux au nom de son père), 'Nicole Lassailly', une variété très moderne, néglecta aux pétales bleu ciel, au-dessus de sépales indigo clair se dégradant vers le bleu pâle en allant vers les bords, et équipés de barbes blanches.

Ces très nombreux iris ne sont pas tous parvenus jusqu'à nous. Mais ceux que l'on trouve encore dans nos jardins, par leur fière allure et la multiplicité de leurs coloris confirment la puissance du génie de Ferdinand Cayeux et justifient sa gloire.

Iconographie : 


'Pluie d'Or'


'Député Nomblot' 


'Jean Cayeux' 


'Madame Louis Aureau' 

Au cours des prochaines semaines, une collection de photos va venir compléter l'échantillonnage présenté aujourd'hui.

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