4.1.19

LA FLEUR DU MOIS

'Mary Senni' (Millet et fils, 1930) 

Origines non communiquées 



Dans son catalogue de 1931 la famille Millet décrit sa nouvelle variété 'Mary Senni' comme « ...lilas rosé avec des reflets irisés et une barbe jaune ; cela constitue un ensemble harmonieux et délicat. La diversité dans la structure des pétales donne l'impression d'un voile de soie sur du velours du même ton. » Ce n'est pas la même vision que l'on trouve dans un ancien catalogue américain, daté de 1955, qui décrit comme suit 'Mary Senni' : « Cet iris a eu une grande renommée dans son temps. Les fleurs sont grandes et il fleurit bien. Les pétales sont d'un lilas tendre avec une nette infusion de brun-rouge. Les sépales sont d'un violet profond, lilas à la pointe. Nommé en l'honneur de la Comtesse Mary Senni qui vit près de Rome et qui est une ardente passionnée d'iris, avec de nombreuses obtentions à son crédit, même si elle n'en a mis aucune sur le marché. » La photo ci-dessous permettra à chacun de faire sa propre appréciation ...

C'est la première fois que je fais le portrait d'une variété que je n'ai jamais vue et qui, si elle existe toujours dans quelque jardin, doit avoir le plus souvent perdu son nom. Quoiqu'il en soit, 'Mary Senni' mérite bien en coup de chapeau. A la fois pour la personnalité de sa dédicataire, et pour l'importance de son obtenteur.

Mary Senni, la dédicataire, américaine mariée à un comte italien, avait acquis à cette époque une réputation de collectionneuse avisée et de rédactrice d'articles documentés sur les iris, publiés dans la revue italienne « Il Giardino Fiorito » ainsi que dans le bulletin de la British Iris Society (BIS). Elle avait aussi, dès l 'âge de 45 ans, entrepris de nombreuses hybridations et à la fin de sa vie, en 1972, elle avait à son actif environ deux cents variétés d'iris, essentiellement des TB, mais également quelques IB et Arilbreds. Jusqu'à un âge avancé elle déploya une intense activité liée aux iris, faisant partie des créateurs du Concours de Florence, auquel elle participa dès le début et remporta plusieurs trophées secondaires : en 1957, pour 'Giannandrea', un jaune orangé foncé dédié à son fils ; en 1958 pour 'Briano' (meilleur iris rouge) ; en 1959 pour 'Maremma', un brillant bleu ciel ; en 1964 pour 'Agnes' (autre iris rouge rubis). Elle était si connue et appréciée que la BIS, en 1959, lui attribua la fameuse « Foster Memorial Plaque », distinction prestigieuse s'il en est.

En offrant à cette dame l'une de ses variétés, la Maison Millet avait dès 1930 tenu à saluer cette passionnée d'iris. Chez Millet la coutume de la dédicace était bien ancrée dans les habitudes de cette grande maison qui rivalisait alors avec la Maison Cayeux sans jamais cependant réussir à lui ravir, ne fut-ce qu'une fois, la Médaille de Dykes Française offerte par la Grande-Bretagne à la France pendant les années 1930. Cet échec ne doit pas laisser à penser que les Millet n'était qu'une entreprise de second plan. Ils constituent en fait une dynastie d'hybrideurs qui a débuté au milieu du XIXe siècle avec Armand, lequel a été suivi d'Alexandre, à qui a succédé Lionel. C'est celui-ci qui gérait l'entreprise pendant l'entre deux guerres et qui, chassé par l'urbanisation de la région parisienne, a transporté sa pépinière de Bourg la Reine à Amilly, près de Montargis. Un peu comme les Cayeux ont été obligés de faire en se déplaçant de Vitry à Poilly lès Giens. Les Millet ont à leur actif plusieurs d'une importance majeure dans l'histoire des iris. Pour ne citer que les principaux, voyons le fameux 'Souvenir de Madame Gaudicheau' (1914), ainsi que 'Germaine Perthuis' (1924), 'Souvenir de Laetitia Michaud' (1923) ou 'La Bohémienne' (1926). Mais n'oublions pas 'Mady Carrière' (1905), 'Colonel Candelot' (1907), 'Madame Cecile Bouscant' (1923), 'Henri Rivière' (1927) ou 'Héliane' (1931).

On ne sait rien du pedigree de 'Mary Senni' : il n'était pas de coutume, à l'époque, de le diffuser systématiquement, et même les hybrideurs le dissimulait souvent de peur que leurs concurrents ne les plagient ! Pas étonnant dans ces conditions que cette plante n'ait pas été largement utilisée en hybridation ! Je ne sais pas si c'est dommage, mais, en l'état, 'Mary Senni' fait partie des iris classiques qui ont eu leur heure de gloire, mais qui sont retombés dans l'anonymat.

Sources :
Patrizia Verza-Ballesio : « Le iris tra botanica e storia »
AIS : Iris Encyclopedia.

Illustrations : 

'Mary Senni' (Millet, 1930) 


'Giannandrea' (Senni, 1957) 


'Luzzara' (Senni, 1939) 

'Germaine Perthuis' (Millet, 1924)

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