12.1.19

POURQUOI ?

On fait bien souvent des gestes dont ne connaît pas vraiment la raison. Si on se demandait pourquoi au lieu d'agir par routine, on modifierait peut-être nos comportements, ou, tout au moins, on saurait pourquoi on agit. C'est ainsi qu'il y a des comportements ou des actions que l'on pratique dans nos jardins d'iris qui méritent des explications.

Pourquoi coupe-t-on les feuilles à la fin de l'été ? 

La personne qui vient s'occuper du jardin de ma voisine, et qui se prétend jardinier, a coupé à 10cm du sol les feuilles de tous les iris. Je lui ai demandé pourquoi il faisait ça. Sa réponse a été : « parce que j'ai toujours vu faire ça ». Il est vrai que c'est une pratique courante. Mais dans quel but réduit-on ainsi le feuillage de nos iris ? Quand l'été se termine, en même temps que la période de dormance des iris, les feuilles, qui ont vécu au ralenti pendant près de trois mois, ont perdu de leur superbe. La chaleur et l'ensoleillement les ont pas mal desséchées et les bordures n'ont plus bonne allure. La solution ? On rabat tout. Pourtant ?...

Pourtant les feuilles ont un rôle important. En particulier au moment de la reprise de la végétation. Elles ont un triple rôle. Le premier consiste à drainer l'humidité. Leur forme effilée, leurs nervures verticales, leur point d'ancrage unique contribuent à recueillir la plus petite trace d'humidité et à la conduire là où la plante en a besoin, c'est à dire à la pointe du rhizome. N'oublions pas que les iris à barbes sont originaires des régions méditerranéennes et même du Moyen-Orient, des territoires où l'eau est rare, surtout en été. Ils sont conçus pour ne pas la gaspiller ! Or l'eau est tout à fait nécessaire au système de pompe que représente l'existence d'un végétal. Sous l'effet de la chaleur elle s'évapore par le feuillage et cela crée une aspiration qui fait monter l'eau (et les nutriments trouvés dans le sol) dans la plante. En sens inverse la sève qui s'est enrichie dans les feuilles par l'effet de la photosynthèse descend naturellement vers le rhizome des iris et va y constituer les réserves qui seront utilisées au printemps suivant en vue de la nouvelle floraison. Sans feuilles, comment notre iris peut-il reprendre sa végétation et prospérer ? Couper ses feuilles sans discernement c'est donc priver la plante de ses poumons ! La bonne solution c'est de commencer par enlever les feuilles complètement sèches et inélégantes. Puis, si l'on veux donner au jardin une apparence pimpante, on taille les autres feuilles, jaunies ou sèches à la pointe, en biseau de manière à reconstituer l'aspect des feuilles fraîches. Je vous l'accorde, c'est un travail long, pénible et fastidieux, mais c'est la bonne façon. Et parce qu'il est plus commode de tout ratiboiser, c'est la pratique qui a triomphé ! En procédant ainsi, assez haut au-dessus du rhizome, le mal n'est pas désastreux, et d'ailleurs nos iris, robustes et résistants, réussissent à surmonter les méfaits de ce traitement de cheval. Mais les puristes devraient bien vite l'oublier ! Il est une situation, cependant, où couper une partie du feuillage a une justification : c'est lors de la transplantation. A ce moment la plante subit le choc de son retrait du sol et d'une inévitable dessication. Il faut donc éviter qu'elle ne perde davantage de son humidité et réduire la circulation de la sève contribue à cela et à la reprise progressive, au fur et à mesure de la régénération des racines.

Pourquoi ne sarcle-t-on pas entre les touffes ? 

L'ennui avec les iris c'est qu'il y a toujours des adventices qui viennent se loger au plus près des rhizomes et les enserrent dans un réseau dense qui entrave leur développement. Il faut donc désherber continuellement, avant que ces envahisseuses ne deviennent trop difficiles à éradiquer. Quand la plantation d'iris atteint un nombre important de touffes, il est tentant d'utiliser un désherbant chimique. Mais beaucoup d'amateurs craignent les conséquences de ces traitements. Que ce soit au plan de l'empoisonnement des sols ou à celui des atteintes aux plantes elles-mêmes que l'on voulait protéger. Un petit coup de binette ne serait-il pas préférable ?

En matière de protection de la nature, pas de problème. Mais ne risque-t-on pas d'autres conséquences ? Les iris ont un réseau racinaire dense, superficiel, mais charnu et fasciculé, ce qui réunit à la fois des avantages et des inconvénients. Le grand nombre de brins, proches les uns des autres, assure un solide ancrage, même s'il ne s'enfonce pas profondément. De plus, dans le but d’assurer à la plante une stabilité suffisante, les racines les plus latérales vont s’écarter en éventail, courant près de la surface du sol. Celles placées à l’avant de la plante vont avoir un rôle primordial à jouer dans cette recherche de la stabilité, en effet la partie la plus lourde de la plante se trouve là : la hampe florale est placée à cet endroit et il va falloir la tenir bien dressée. Tout ceci n'est pas favorable à un entretien par sarclage. En effet la binette va sectionner un grand nombre de brins et d'une part déstabiliser la plante, d'une autre amoindrir ses capacités d'approvisionnement en eau et en sels minéraux ; et enfin favoriser les infections bactériennes par les blessures provoquées. Par ailleurs ce traitement n'aura guère d'effet sur les adventices qui se sont insinuées entre les brins. Voilà pourquoi le sarclage n'est pas recommandé : les iris ne sont, certes, pas exigeants, mais pour les débarrasser des herbes nuisibles, rien ne vaut une intervention manuelle !

Pourquoi faut-il éliminer les capsules spontanées avant qu'elles n'arrivent à maturité ?

Une personne à qui j'avais donné il y a quelques années un certain nombre de variétés de coloris variés m'a dit récemment :  « Mes iris ont dégénéré, ils sont presque tous devenus bleus. » Je me suis retenu de lui répondre qu'elle avait manqué de soin, mais c'est pourtant ce qui est arrivé et qui lui a laissé croire que ses iris avaient changé de couleur.

 Non, les iris rhizomateux ne dégénèrent pas. C'est biologiquement impossible. Tous les éléments génétiques de la plante sont présents dans le rhizome et ne peuvent pas s'en échapper. Ils se rassemblent dans la pointe du bourgeon ainsi que dans les bourgeons latéraux et vont donner naissance, non pas à une plante nouvelle, mais à une reproduction à l'identique de la plante précédente , et ce type de reproduction peut durer éternellement. Alors, comment expliquer que des touffes solidement établies et apparemment en bonne santé semblent ne pas continuer pas à reproduire la plante initiale ? On a quelquefois l'impression que les iris change de couleur et qu'ils deviennent bleus, ou blancs. Voici l'explication. Un certain nombre de fleurs d'iris se trouvent fécondées par les bourdons. Cela n'a rien d'anormal, c'est même ce à quoi servent les fleurs et ces gros insectes. Tous les amateurs constatent que des capsules se développent à la base de certaines fleurs, grossissent puis, vers la mi-août, se dessèchent et s'ouvrent. Elles contiennent de grosses graines d'aspect voisin des grains de maïs, qui vont nécessairement tomber à terre. Certaines vont y germer au pied de la plante dont elles sont issues et celles qui vont se développer seront les plus vigoureuses, mais elles auront très souvent des caractères médiocres ce qui ne les empêchera pas d'étouffer la variété initiale et de se substituer à elle. Mais pourquoi ces nouvelles plantes sont-elles le plus souvent blanches ou bleues ? Tout simplement parce que les espèces originales qui constituent la base du cocktail variétal que sont les iris hybrides actuels, sont essentiellement de coloris bleu, ou blanc, et que leurs gènes ont tendance à prendre dans les graines le dessus sur les gènes plus fragiles des autres espèces. Et lorsque ceux-ci se mélangent pour donner naissance à une plante nouvelle, c'est au plus fort la poche ! La nature n'a que faire de nos choix humains et elle privilégie les spécimens robustes et résistants.

Voilà pourquoi, si l'on veut conserver les caractéristiques des hybrides que l'on a planté, il faut éliminer les capsules provenant des pollinisations naturelles, le plus tôt possible – ce n'est pas la peine que la plante s'épuise à faire mûrir des fruits qui ne seront pas conservés - et de toute façon avant qu'elles ne s'ouvrent et se déversent dans le jardin. Sauf bien entendu si on veut récolter les graines, auquel cas il faudra surveiller la maturation et procéder à la récolte avant l'éclatement des capsules .

Trois questions, trois réponses, pour trois gestes que l'on fait (ou que l'on de fait pas) dans nos jardins d'iris. Trois gestes qui ne sont pas sans conséquences, et dont il vaut mieux connaître les tenants et aboutissants. Car il vaut mieux se poser des questions avant qu'après une surprise désagréable.

Aucun commentaire: