1.11.19

LES INTERMÉDIAIRES GRANDISSENT !

Que ne ferait-on pour avoir un titre accrocheur ! Non, les iris intermédiaires ne prennent pas de la hauteur ; s'ils grandissent c'est en renommée et en intérêt pour les amateurs.

Tant qu'ils sont restés stériles les iris intermédiaires n'ont pas présenté beaucoup d'intérêt pour les jardiniers qui sont très souvent tentés de se risquer à effectuer des croisements. Pas beaucoup d'intérêt non plus pour les hybrideurs professionnels qui mesuraient la difficulté à développer cette catégorie de plantes uniquement en réalisant des croisements entre grands iris et iris nains, avec la difficulté supplémentaire constituée par l'obligation de conserver d'une année sur l'autre le pollen des grands iris à déposer sur les lèvres stigmatiques des iris nains. Mais les choses ont évolué lorsque, un peu comme ce fut le cas pour les grands iris, un jour, les intermédiaires sont devenus fertiles. Du coup, ils ont attiré l’attention. Dans un article sous-titré « Un mythe anéanti », publié en 1998 dans la revue «The Medianite» dédiée, comme l'indique son nom, aux iris moyens, l’obtentrice américaine Marky Smith, celle qui aura la chance de voir son IB ‘Starwoman’ remporter la Médaille de Dykes en 2008, a fait une synthèse de ses travaux sur les iris intermédiaires. Elle a effectué de nombreux croisements entre des intermédiaires utilisés comme parent femelle et, soit des nains standards, soit des grands iris. Au début de 98 elle a choisi trente-trois IB (intermédiaires) qu'elle a d'abord fécondé avec du pollen prélevé sur des SDB (iris nains), alors en fin de floraison, puis, un peu plus tard, avec du pollen de TB (grands iris). Cette expérience a été tentée avec des variétés dont elle pouvait espérer obtenir des semis intéressants et dont la fertilité pollinique était reconnue. Une démarche identique a été suivie par l’amateur franco-néerlandais Loïc Tasquier, qui en a rendu compte dans le n° 158 de Iris & Bulbeuses (2008) et par l’obtenteur russe, depuis décédé, Sergeï Loktev.

Certains des iris fécondés n'ont rien donné, mais les plus nombreux ont produit, au moins dans l'un ou l'autre des croisements, quelques voire de nombreuses graines. En dépit d'un taux assez faible de germination des graines provenant des ces croisements, cette expérience a été un véritable succès. A tel point qu’aujourd’hui, on peut dire que les IB sont des iris fertiles à peu près comme les autres.

Pour faire simple, disons que les iris intermédiaires, dits IB, résultent d'un croisement entre iris nains et grands iris. Cependant, comme ce type de croisement n’est pas homogène, la classification des iris préfère s’en tenir à une notion de taille : les iris intermédiaires sont ceux dont la hampe florale mesure entre 40 et 69 cm et qui sont en fleur entre les SDB et les TB. Cependant en rester là ne serait pas satisfaisant : il faut entrer dans la « fabrication » de ces iris pour bien comprendre l’origine de leur taille et les particularités qui les caractérisent. Si, au début, les iris intermédiaires vrais étaient issus de croisements TB X SDB ou vice-versa, dans la proportion 50/50, au fil du temps on a essayé des croisements plus complexes qui ont abouti à des produits classés IB en raison de leur taille mais résultant de croisements 75% TB X 25% SDB comme ‘Vamp’ (Gatty 71) ou ’Oklahoma Bandit’ (Nichols 79), 75% BB X 25% SDB, voire 50% TB X 50% IB comme ‘Voilà’ (Gatty 72) ou ‘In a Flash’ (P. Black 2000). Ce sont ces variétés mixtes qui ont réussi à donner naissance à des IB fertiles. Mais certains croisements classiques se sont également montrés fertiles. Vous me suivez ?

Aujourd'hui les IB ont acquis tous les traits des grands iris, y compris les éperons et les couleurs rubanées. Ils conservent en propre leur taille, moyenne, et une forme de fleur qui permet à l'oeil un peu exercé de faire la différence entre un IB et un BB malgré qu'ils fleurissent à peu près au même moment. Ils rencontrent un succès croissant auprès des jardiniers amateurs en raison de leur taille raisonnable et de la possibilité de les cultiver dans des jardins souvent exigus de nos villes. Ils font aussi l'affaire pour les jardins en forte pente ou sur les talus et, du fait de leur taille sans excès, dans les endroits exposés, puisqu'ils offrent moins de prise au vent. On peut ajouter le fait que le prix de vente de ces iris est des plus économiques. Avec tous ces avantages on pourrait imaginer un vaste succès commercial. Mais il n'en est rien. Prenons pour exemple le catalogue Cayeux 2019. Après 59 pages consacrées aux grands iris, tout juste trois pages sont affectées aux IB. Le choix est néanmoins remarquable, avec notamment 1/3 d'obtentions maison, ce qui compense un peu le petit nombre de variétés proposées. Dans ce choix on trouve des variétés plutôt anciennes, que les Américains rangeraient parmi les iris historiques, mais aussi les grands classiques et beaucoup de plantes récentes. Dans la première tranche on trouve, par exemple, 'Rare Edition' (Gatty, 1980), sympathique plicata, ou 'Maui Moonlight' (Aitken, 1986), en jaune pâle. Dans la seconde tranche des variété bien connues comme le brillant 'Bottled Sunshine' (H. Nichols, 1994) richement doté en récompenses, ou l'amoena jaune 'Protocol' (Keppel, 1994), qui a connu le même succès. Parmi les variétés plus récentes on découvre 'Delirium' (M. Smith, 1999), 'Star in the Night' (P. Black, 2009), ou 'Man's Best Friend' (P. Black, 2008), et bien entendu 'Starwoman' (M. Smith, 1997). La production autochtone n'est pas en reste, avec plein de très jolies choses comme le bleu pur 'Bel Azur' (Cayeux, 1993), le plicata pourpre 'Vitrail' (Cayeux, 2003) ou 'Fine Ecriture' (Cayeux, 2018), si proche de 'Rare Edition' qui à ouvert cette énumération et avec lequel on revient donc au point de départ !

Un coup d’œil chez les producteurs semi-professionnels qui tiennent maintenant une place non négligeable dans le paysage français des iris, fait apparaître des collections d'intermédiaires aussi importantes que chez lez grands professionnels.

En effet chez Bourdillon le choix se limite à seulement 47 produits. De son côté le catalogue de Iris en Provence, aussi peu fourni, s'est largement ouvert aux productions des nouveaux hybrideurs français, ce qui est réjouissant. Mais dans un catalogue comme dans l'autre on mélange allègrement IB et BB (1), ce qui crée une confusion que les véritables amateurs d'iris regretteront. Ce mélange est bien dommage, mais c'est aussi la démonstration que la maigreur du catalogue dans l'une et l'autre de ces deux catégories incite à les réunir pour donner plus de consistance aux pages qui leur sont dédiées. Il faut dire que si les catalogues sont si peu développés, c'est sans doute que la clientèle pour ces iris est encore trop peu consistante. Il y a donc encore beaucoup à faire pour vulgariser les iris de bordures qui, sans aucun doute, méritent d'être mieux connus et appréciés. ...Et qui en ce sens peuvent encore grandir !

(1) Même constat chez Cayeux, mais avec un seul exemple...

 Illustrations : 


 'Oklahoma Bandit' 


'Rare Edition' 


'Bottled Sunshine' 

'Delirium' 


'Vitrail'

1 commentaire:

Iris en Provence a dit…

Bonsoir,
Pour les jardins du Sud de la France, où le mistral souffle parfois fort, ce n'est pas la maigreur des dits catalogues qui a orienté le choix des semi-professionnels varois mais bien la commodité de compréhension pour la clientèle.
"Bordure" est plus explicite pour des gens (dont la majorité n'est pas composée d'amateurs éclairés) qui préfèrent acheter des iris moins hauts pour les mettre près d'un muret qui les abritera un peu.
Cordialement