1.2.20

TROIS ÉPOQUES, TROIS FLEURS

Depuis les débuts de l'hybridation artificielle, les hybrideurs n'ont eu de cesse d'apporter des améliorations constantes à l'apparence de la fleur d'iris de façon à la rendre plus résistante et plus belle. Les trois fleurs dont il va être question maintenant en apportent une agréable preuve. Il s'agit de trois fleurs bleues, la couleur la plus répandue mais dont on pouvait imaginer qu'elle n'intéressait plus les hybrideurs tant elle était courante et tant on pouvait penser qu'elle avait atteint son apogée. Mais il n'en est rien et l'on découvre chaque année de nouveaux iris bleus présentant toujours quelque chose de neuf qui renouvelle l'attirance des amateurs vers cette couleur.

 'Zampa' (F. Cayeux, 1926) 

Commençons par 'Zampa'. Peut-on faire plus bleu que ce bleu-là ? On n'est pourtant qu'en 1926. Ce qui frappe, c'est la pureté de la fleur : la couleur bleue est parfaitement uniforme. Pétales et sépales sont bleus presque pur - à peine une légère coloration violacée qui ne fait que souligner le bleu général – , marbrures blanches très discrètes sur les épaules, et superbes barbes jaunes. Quand il a réalisé cette splendeur, Ferdinand Cayeux n'en était pas à son coup d'essai. Déjà 'Gloriae' (1924) était une belle réussite, mais les sépales étaient plus violacés que les pétales. Avec 'Zampa' l'amélioration est indéniable. Dommage que les documents officiels ne fournissent aucune information sur le pedigree de l'un et de l'autre de ces variétés... Notons aussi la forme parfaite de la fleur ; les proportions sont excellentes , les sépales ne s'écroulent pas, les pétales forment un dôme parfait. Trait caractéristique de l'époque, il n'y a pas la moindre ondulation, c'est un classicisme absolu. En ce temps-là, ne l'oublions pas, les ondulations n'étaient pas considérées comme de gracieuses fantaisies mais au contraire comme des défauts à éviter autant que possible.

La Médaille Française de Dykes n'était pas encore instituée, mais l'aurait-t-elle été, il est à parier que 'Zampa' l'aurait obtenue.

 'Pacific Panorama' (N. Sexton, 1960) 

Analysons le chemin parcouru en trente et quelques années. Ce qui frappe ce sont les ondulations qui étaient totalement absentes chez 'Zampa'. Ici elles sont bien présentes, mais restes discrètes. Cela donne à la fleur de la légèreté et de la souplesse. En revanche du côté de la couleur il n'y a pas vraiment d'amélioration : le bleu semble même à la fois moins vif et moins lumineux. On ressent une impression de froideur accentuée par les barbes blanches, pointées de bleu et l'absence de marbrures aux épaules. 'Pacific Panorama' a obtenu la Médaille de Dykes en 1965, après un parcours sans faute dans l'échelle des honneurs. Ses qualités il les doit à ses deux parents : 'Swan Ballet' (T. Muhlestein, 1953) a également reçu la DM, en 1959 ; 'South Pacific' (K. Smith, 1952) était considéré comme le meilleur bleu de sa génération, avec tous les attraits de son parent féminin 'Cahokia' (E. Faught, 1948) et de 'Lady Ilse' (K. Smith, 1950), tous deux issus de 'Great Lakes' (L. Cousins, 1938), le plus fameux des bleus des origines.

Quels que soient ses mérites, je trouve que 'Pacific Panorama', néanmoins typique de son époque, n'a pas fait des progrès fantastiques depuis 'Zampa'.

'Sea Power' (K. Keppel, 1998) 

Près de quarante ans se sont écoulés depuis 'Pacific Panorama' au cours desquels bien des changements sont intervenus dans l'apparence des iris. 'Sea Power' en est la parfaite illustration. C'est un « bleu de chez bleu » puisque ses parents sont de cette couleur et qu'ils descendent l'un et l'autre d'une lignée de bleus où l'on retrouve d'ailleurs plusieurs racines déjà rencontrées chez 'Pacific Panorama' et 'Pacific Panorama' lui-même. C'est une famille où l'on collectionne les Médailles de Dykes et les autres décorations ! En ce qui concerne le coloris, on était parvenu bien avant à une quasi perfection, c'est à dire un coloris pratiquement exempt de violet et uniformément distribué. Reste la forme de la fleur. Et là on constate du changement ! Les ondulations modérées de 'Pacific Panorama' se sont accentuées ; elles apparaissent abondamment sur les sépales mais c'est essentiellement sur les pétales qu'elles règnent. A ce niveau, on ne parle plus d'ondulations mais de bouillonné. Un travail qui fait penser aux jabots de soie des cravates agrémentant les chemises des beaux messieurs de la cour de Louis XV, en France. Au milieu de ces flots de frisettes les barbes, blanches, sont à peine apparentes. La fleur y a gagné un raffinement qui séduit mais les puristes craignent que ces parures rococo ne compliquent l'épanouissement des pétales. Quoi qu'il en soit, et seulement sur le plan de l'esthétique, l'évolution saute aux yeux et la fleur y a gagné en élégance.

Que nous réserve l'avenir ? Est-on parvenu à un point de non-retour ? Y a-t-il des évolutions à attendre ? Si elles se produisent, seule la nature – même si les hybrideurs l'aident – en est détentrice. Mais on peut faire confiance au génie humain pour aboutir à toujours plus de beauté.

Illustrations : 
 



'South Pacific' 


'Pierre Menard' (Eva Faught, R. 1946), frère de semis de 'Cahokia' et au pedigree de 'Sea Power'.

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