29.3.20

LE THÉORÈME DE GIBSON

En relisant, il y a quelques semaines, un article signé de Keith Keppel, publié dans le Bulletin de l'AIS 1/1994, et dont je me suis d'ailleurs inspiré pour une chronique parue ici en 2004, j'ai compris que la plupart des bons hybrideurs avaient adopté la méthode de travail de Jim Gibson, que Keppel a expliquée.

Ce ne sont pas les renseignements fournis lors de l'enregistrement des variétés de Jim Gibson qu'on peut avoir une idée précise des variétés croisées et recroisées qu'il a utilisé. Il s'est contenté le plus souvent d'indiquer des numéros de semis. Pour en savoir plus, il faut, comme Keppel, avoir accès aux carnets de notes de Jim Gibson. C'est ainsi qu'on apprend que parmi les variétés de base les plus utilisées on trouve :
'Tiffany' (Hans Sass 38), plicata bronze rosé sur fond jaune clair ;
'Siegfried' (Hans Sass 36), premier plicata sur fond réellement jaune ;
'Orloff' (Hans Sass 37), fort plicata brun rougeâtre sur fond crème ;
'Firecracker' (Hall 43) très intéressant plicata bourgogne sur fond jaune ;
'Misty Rose' (Mitchell 39), bitone rose violacé ;
'Madame Louis Aureau' (Cayeux 34), le plus beau des plicatas français de Ferdinand Cayeux ; 'Sacramento' (Mitchell 29), plicata violacé ultra célèbre...
Voilà les ingrédients de départ, auxquels se sont joints quelques autres variétés, pour compléter le cocktail. Un peu comme dans une série télévisée, à côté des vedettes habituelles interviennent des « guest stars » !

 Le théorème de Gibson, cela pourrait être : « Prenez une base éprouvée dont vous connaissez les aptitudes et ajoutez un ou des éléments au gré des résultats que vous espérez obtenir ». Son inventeur en a fait usage tout aulong de sa carrière. C'est en l'appliquant qu'il est parvenu à cette sorte de perfection que fut 'Kilt Lilt' (1969), sans doute son chef-d’œuvre, couronné par la Médaille de Dykes de 1976. Dans la description notée sur la check-list de l'AIS, cela n'apparaît pas à l'évidence puisque le pedigree déclaré est : « Seedling# 1-2 PLD X 'Golden Filigree' ». On connait 'Golden Filigree' (1964), c'est un plicata maison jaune orangé sur fond blanc, mais le semis numéroté n'est connu que de ceux qui ont accès aux archives de Jim Gibson. C'est frustrant pour ceux qui aimeraient bien mieux comprendre le cheminement ayant abouti à ce superbe 'Kilt Lilt'...

 Bien des illustres obtenteurs ont fait application du théorème de Gibson. Il y a bien sûr ses h »ritiers, Keppel et Ghio, mais aussi d'autres qui ont retenu la leçon. Joë Ghio qui en a fait une de ses règles de conduite appelle cela « la merveilleuse cuisine ». C'est notamment le cas de son semis 73-122Z: ( 'Hi Top' x (('Ponderosa' x 'Travel On') x 'Peace Offering')) que l'on rencontre dans un grand nombre de ses variétés enregistrées, de même que le semis 76-181J: ((((('Commentary' x 'Claudia Rene') x 'Claudia Rene') x 'Ponderosa') x ('Ponderosa' x 'New Moon')) x 'Homecoming Queen') et de nombreux autres. Cela donne des pedigrees à rallonge qu'il n'est pas facile de déchiffrer. On se dit que cela serait plus commode si on disposait de noms de variétés enregistrées plutôt que d'abstraits numéros de semis, mais cela ne résoudrait pas totalement la difficulté ! Chez Keppel on est devant le même cas par exemple le semis 68-40B: ((('Irma Melrose' x 'Tea Apron') x (('Full Circle' x 'Rococo') x 'Tea Apron')) x 'April Melody') présent dans 'Classmate' (1990), 'Daredevil (1988), 'Champagne Wishes' (1991)... Ce sont ces interminables parenthèses que j'appelle des « clusters » (pour une fois j'utilise un terme anglais, alors que je m'efforce le plus souvent d'employer l'équivalent français de ces termes). Chez les autres obtenteurs on applique souvent ce fameux théorème. On le constate souvent chez Schreiner, aux USA, chez Blyth en Australie, chez Cayeux, en France, et Roland Dejoux, fidèle élève de Barry Blyth, ne s'en prive pas dans ses derniers semis issus de croisements réalisés en Australie.

L'idée de constituer un « fond de sauce » auquel on ajoute des ingrédients variables selon ce que l'on veut obtenir est une innovation qui a fait ses preuves et s'est révélée fort efficace. Jim Gibson a de cette façon obtenu non seulement des iris inoubliables mais aussi sa place dans le panthéon des hybrideurs.

 Illustrations : 


 'Orloff' 


'Madame Louis Aureau' 


'Kilt Lilt' 


'Beauty Within' (Ghio, 2011) (une variété qui provient du « cluster » 73-122Z) 


'Daredevil' (Keppel, 1987) (une variété qui provient du « cluster » 68-40B)

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