30.10.20

VOUS LES AIMEZ ONDULÉS ?

En littérature on parlait, au début du XVIIIe siècle, de la guerre des Anciens et des Modernes. Elle opposait deux courants distincts : 

les Classiques, ou Anciens, menés par Boileau ; 

les Modernes, représentés par Charles Perrault. 

Les iridophiles connaissent quelque chose d'assez voisin : la controverse entre les « modernes » qui apprécient les iris ondulés (ou frisés) et les « classiques » qui préfèrent les iris sans ondulations tels ceux des années 1920/30. 

Les iris ondulés sont aujourd'hui très largement représentés, surtout chez les grands iris (TB) et les iris médians (BB), (IB), et d'une manière générale chez les iris tétraploïdes. Mais les fleurs « plates » sont encore bien présentes là où la diploïdie règne encore. Les diploïdes sont les plus proches des iris indigènes de l'Europe. Et quand on examine un iris diploïde on remarque que les tépales ne comportent pas d'ondulations. Celles-ci en effet n'ont aucun rôle dans ce qui est la vocation de la fleur : assurer la pérennisation de l'espèce. Les pétales, disposés en dôme au-dessus des du cœur de la fleur ont pour mission de protéger les parties sexuelles : ce sont les éléments d'un parasol (et d'un parapluie) qui évitent que lesoleil ne déssèche le pollen ou que la pluie ne le disperse ; les sépales servent à faciliter l'atterrissage des bourdons chargés de la pollinisation : ils ne doivent en aucune façon gèner cette opération et toute ondulation pourrait l'entraver. Les iris les plus proches des iris « sauvages » sont donc sans ondulations. C'est l'aspect que présentent les iris que l'on qualifie d'anciens, c'est à dire ceux qui sont apparus avant la révolution tétraploïde, cependant les fleurs plates ont encore duré plusieurs années avant d'être supplantées par des variétés plus modernes . C'est le cas de 'Pluie d'Or' (F. Cayeux, 1928) ou de 'Polichinelle' (F. Cayeux, 1929). 

Les iris tétraploïdes doivent résoudre un autre problême, en effet leurs fleurs sont beaucoup plus volumineuses que celles des précédents et leur poids aurait tendance à les laisser s'écrouler le long des tiges. Il faut éviter ça, c'est pourquoi, naturellement, des ondulations sont apparues : elles rigidifient les tépales. Les premiers iris tétraploïdes présentent donc de douces ondulations qui, à nos yeux d'humains, confèrent plus d'élégance à la fleur. Mais c'est une appréciation qui relève de l'esthétique, et pas de la botanique, laquelle a d'autres préoccupations ! Quand, spontanément, d'agréables ondulations sont apparues sur des iris hybrides, ce fut un événement considérable. Cela a fait le succès planétaire de 'Snow Flurry' (Rees, 1935) qui fut la première variété véritablement ondulée. Les gènes de 'Snow Flurry' sont présents maintenant dans pratiquement tous les TB et BB et, puisqu'ils en constituent l'un des éléments de base, dans les IB et SDB ; d'où les ondulations de la plupart de ces variétés. Un iris comme 'Roaring Twenties' (K. Keppel 2009) est un bel exemple de ce que peut être un iris récent et fortement ondulé. Par la suite, tout aussi fortuitement, sont apparues les fleurs frisées. On entend par là celles dont les bords (surtout ceux des sépales) présentent de fines dentelures qui les rapprochent des fleurs d'oeillet. On attribue la survenue de ce phénomène à 'Chantilly' (D. Hall, 1943), une variété blanche qui, en dehors de ça, n'a rien de sensationnel. Mais les hybrideurs, et le public, ont plébicité ce nouvel aspect des fleurs d'iris, de sorte que de très nombreux iris contemporains, héritiers de 'Chantilly', ont des fleurs dentelées. Avec le temps ce caractère a pris des proportions considérables et de nombreux iris actuels offrent des pétales et des sépales très vivement dentelés, au point que cela est arrivé parfois à contrarier l'éclosion des fleurs, les plumetis des bords s'entremêlant un peu comme font les picots du tissu Velcro, et entravant épanouissement des pétales. Quand on voit 'Super Model' (T. Johnson, 2007) on ne peut pas être surpris de ce phénomène. 

Tout excès entraînant une réaction en sens inverse, quelques hybrideurs ont décidé de rechercher l'obtention de fleurs dépourvues des ornements ci-dessus décrits. C'est ainsi que sont venues sur le marché des variétés aux fleurs plus petites et ni ondulées ni dentelées. En anglais on parle de fleurs « dainty », qui se rapprochent des fleurs anciennes et de celles des iris restés à la diploïdie, comme les MTB ou les MDB. Lawrence Ransom était un adepte de ces fleurs toutes simples. Il en a enregistré plusiuers, comme 'En Douceur' (2006). 

Un retour aux pétales lisses s'est produit accidentellement lorsque ont été développées certaines variétés du modèle « space-age ». En effet l'extension des appendices pétaloïdes a eu pour conséquence de créer des tensions à l'intérieur des sépales, ceux-ci de ce fait s'effondrant de chaque côté des appendices, en oubliant tout le reste. D'où certaines fleurs dotées d'éperons extravagants mais dont les sépales avaient retrouvé l'aspect récurvé des variétés du XIXe siècle. Lloyd Austin, qui par ailleurs a fait beaucoup progresser les space agers, s'est quelques fois laissé emporter par son enthousiasme et a enregistré des variétés qui ne méritaient pas tant d'honneurs. 'Lemon Spoon' (1960) fait partie de ces « nanars ». Les amateurs, passé l'effet de nouveauté, se sont rendu compte de ce que la fantaisie avait supplanté l'élégance et ont vite rejeté ces fleurs de mauvais goût. 

De nos jours on trouve des iris à fleurs plates, des iris à fleurs frisées et des iris à fleurs plus ou moins ondulées. Il y en a pour tous les goûts ! Néanmoins ceux qui semblent pour l'instant avoir le plus de succès sont ceux qui présentent des fleurs bouillonnées, qui font penser aux jupons des danseuses de french-cancan. 'All the Talk' (T. Johnson, 2016) est de ceux-là. Ce n'est pas ceux que je préfère, on l'aura compris. Dans ce domaine comme dans bien d'autres la mesure et la raison finiront par l'emporter et l'on reviendra aux fleurs aux ondulations modérées dont chacun admirera le chic et la grâce. C'est d'ailleurs ce qui se fait jour dès maintenant chez beaucoup d'obtenteurs comme chez Sébastien Cancade où 'Cé Cédille » (2017) réunit toutes les qualités : fleurs glamour, pétales légèrement ouverts et dentelés, ondulations raisonnables et petits éperons discrets. 

Illustrations : 

 'Polichinelle' 

 'Roaring Twenties' 

 'Super Model' 

 

'En Douceur' 

 'Lemon Spoon' 

 'All the Talk' 

 'Cé Cédille'

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