1.1.21

LE PETIT MONDE DES IRIS

En Amérique on parle de l'irisdom, mais en français on se contentera de l'expression « petit monde des iris » pour définir ce groupe de personnes qui voue aux iris (et aux iridacées) une passion particulière, parfois dévorante. Sans doute les amateurs d'iris existent-t-ils depuis que se pratique la culture de cette plante. Car dès que quelqu'un s'intéresse à quelque chose, il cherche à rentrer en contact avec ceux qui ont le même centre d'intérêt que lui, pour en parler, pour échanger des idées, des connaissances et même des objets se rapportant à ce qu'ils ont en commun. Mais il y a bientôt trois cents ans, quand l'iris est devenu, pour certains, une passion, ce monde était très ténu et très lâche dans ses liens. Les écrits restaient rares et le téléphone n'existait pas encore... On peut dire que jusqu'aux années 1920, ce petit monde-là n'avait pas de structure et peu d'adeptes. Il a fallu les travaux de William Rickatson Dykes, et son considérable ouvrage « The Genus Iris », publié en 1913, pour que le monde botanique et horticole prenne conscience de l'intérêt des iris et commence à s'intéresser sérieusement à ces fleurs. Peu à peu s'est constitué ce qui forme aujourd'hui le monde des iris. 

 Ce sont les Britanniques qui ont amorcé la constitution de ce microcosme, et on peut situer la naissance d'une véritable iridophilie en 1925, à la mort tragique de W. R. Dykes. Sa veuve et quelques grands amateurs ont multiplié les échanges. Peter Barr, A. J. Bliss, Robert Wallace furent les premiers. Ils firent rapidement beaucoup de fidèles, d'autant que R. Wallace était un redoutable commerçant et qu'il faisait une promotion forcenée pour les plantes qu'il cultivait. On dirait de nos jours que c'était un roi du marketing ! 

 Les Américains ont emboîté le pas. Notamment avec Bertrand Farr. Les Français aussi, avec Philippe de Vilmorin et Ferdinand Cayeux, lequel n'allait pas tarder à devenir le leader mondial de la culture et de l'hybridation des iris. 

  Peu à peu tous ceux qui aimaient les iris ont structuré leur univers. Ils se sont rassemblés en associations et, sur ce plan, ce sont les Américains qui ont pris l'avantage. Dès 1920 ils ont fondé l'American Iris Society, plus connue sous son acronyme de A.I.S. Les Britanniques ont suivi et la British Iris Society (B.I.S.) date de 1922. C'est celle-ci qui, au début, a été la plus influente. En Anglterre existaient alors de nombreux personnages important dans le domaine de la botanique et de l'horticulture des iris. C'est la B.I.S. qui a mis en place les premières compétitions qui ont considérablement développé l'émulation entre hybrideurs et, ainsi, favorisé l'amélioration des plantes. Il n'est pas exagéré de dire que la création des différentes Médailles de Dykes a été un évènement essentiel pour le développement de l'iridophilie. Généreuse, la B.I.S. a financé dès le départ trois Médailles de Dykes, l'anglaise, l'américaine et la française. Les deux premières nt été distribuées dès 1927, la troisième apparaissant en 1928. 

Le monde des iris est donc véritablement né à ce moment. Il rassemble tous ceux qui ont cette même passion pour les iris, sans distinction d'espèces. Il fédère en fait trois composantes : les amateurs proprement dits, les hybrideurs et les producteurs, ceux qui commercialisent le travail des seconds au profit des premiers. 

 Au fil des années l'iridophilie s'est répandue dans le monde. Elle a conquis de nouvelles places en Europe Occidentale : L'Italie ,l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse... Elle a atteint l'hémisphère sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Elle a fait une incursion en Asie, avec le Japon er ses fameux iris ensata. En Amérique du Nord elle a conquis une place prépondérante, non seulement aux Etats-Unis, où l'American Iris Society compte aujourd'hui près de 6000 adhérents, mais au Canada qui est devenu en ce domaine une sorte d'extension nordique des USA. Dès la levée du joug soviétique l'Europe de l'Est a été conquise, la Russie est aujourd'hui sans doute le second pays par le nombre de ses amateurs d'iris, mais l'Ukraine tient aussi un rang important. La Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie sont maintenant des pays qui comptent, tandis que la Hongrie, la Roumanie et même la Lituanie et les autres pays baltes ont leurs passionnés d'iris. Et l'on trouve également des iridophiles dans les Pays d'Asie Centrale (Ouzbékistan, Kazakhstan), en Afrique du Sud, en République Argentine, au Chili. Je crois qu'il y a des amateurs presque partout où l'on peut faire pousser des iris. 

Cette extension a été très rapide. Son développement actuel a commencé avec la disparition du Rideau de Fer. Il s'est accru avec la mondialisation et l'apparition de l'Internet et des réseaux sociaux qui ont permis des discussions instantanées et sans contraintes, et banalisé les échanges de plantes limités seulement par les obligations sanitaires. 

Le petit monde des iris est devenu grand, très grand.

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