16.7.21

NOIR PROGRÈS

Une persuasion volontaire, autrement dit la méthode Coué, a fait longtemps dire des iris les plus sombres qu'ils étaient noirs. C'est le grand désir qu'en avaient les amateurs et les obtenteurs. Mais si l'on regarde les choses avec objectivité, il faut bien avouer que ce noir supposé n'est qu'un violet très foncé. Pourtant, de toutes les couleurs dont se parent les iris, le noir est celle qui a connu au fil des années le progrès le plus remarquable. 

Il y a eu plusieurs cheminements pour parvenir aux iris noirs actuels. Cependant celui qui est considéré comme l'ancêtre des iris de cette couleur s'appelle 'Black Forest' (Schreiner, 1945). Auparavant il y avait bien eu des approches, comme avec 'Ethiop Queen' (Schreiner, 1936) ou 'Sable' (P. Cook, 1936) mais on restait dans une teinte violet sombre qu'il fallait un peu d'imagination pour appeler « noir ». Avec 'Black Forest' un grand pas a été franchi dans la poursuite du vrai noir. D'ailleurs les hybrideurs ne s'y sont pas trompés et les descendants de 'Black Forest' sont plus deux cent, la plupart dans les tons de noir (ou de violet foncé tirant sur le noir). Un autre pas a été franchi avec 'Sable' qui est à l'origine d'une grande famille d'iris sombres (près de deux cent descendants lui aussi) ainsi que son descendant 'Sable Night' (Cook, 1950) qui en est une visible amélioration. Très vite les différentes lignées se sont mêlées, de sorte que les descendants des uns sont aussi les descendants des autres ! Il semble bien néanmoins que ce soit la souche 'Black Forest' qui ait pris le dessus et ce n'est pas sans raison que la famille de ‘Black Forest’ s'est développée à tel point que l’on ne peut plus parler aujourd'hui d’iris noir sans faire y faire référence. 

L'amélioration de l'intensité du coloris a été essentiellement obtenue par la technique de l'endogamie, un procédé bien connu et qui a fait ses preuves, même s'il a pour corrélat un affaiblissement des autres caractéristiques de la plante (consanguinité), ce qui oblige à introduire dans la lignée les gènes de variétés différentes mais qui ont pour rôle d'apporter plus de vigueur et plus de résistance aux iris qui vont résulter de l'apport de ces qualités « extérieures ». 

Pour se rendre compte des améliorations qui sont apparues au cours du temps, on ne peut pas se contenter d'un tableau généalogique : en plus il faut des photos. Mais commençons par représenter la lignée d'un iris remarquable par la proximité à laquelle il parvient en matière de couleur noire. 

 ‘Raven Girl’ (2008)

‘Ghost Train’ (2000)

‘Hello Darkness’ (92)

‘Midnight Dancer’ (91)

                                                     3                         4                          2

‘Matinata’ (68) ‘Black Swan’ (60) ‘Tuxedo’ sib

                                               2                               2                                  2

‘Storm Warning’ (52) ‘Black Hills ‘ (50) ‘Storm Warning’ (52)

 ‘Black Forest’ (45) 

Le cheminement s'étale sur 12 générations, ce qui prouve combien le métier d'hybrideur exige de patience et de persévérance. On pourrait suivre de la même façon le cheminement qui aboutit aux jumeaux d'Iris en Provence, 'Nuit Fauve' et 'Nuit de Chine' (P. Anfosso, 2012). Dans la généalogie de ces deux-là, il y a au moins cinq descendants de 'Black Forest' ('Storm Warning' (Schreiner, 1952), 'Licorice Stick' (Schreiner, 1960), 'Black Swan' (O. Fay, 1960)', 'Swahili' (G. Plough, 1964) et 'Dusky Dancer' (W. Luihn, 1966)), ce qui confirme le cousinage entre nos variétés françaises et leurs contemporaines américaines. Et comme on pouvait s'y attendre on trouve bien des traits communs entre les deux familles. Examinons ensuite les photos. Il faut apporter à ce moment un certain aveu de faiblesse. Il est difficile voire impossible de disposer de photos des différentes variétés prises par le même opérateur, avec le même appareil (ou un appareil équivalent), dans les mêmes conditions (météorologiques, horaires...)... Cela entraîne des différences qui peuvent être sensibles et qui perturbent la perception que l'on peut avoir de la teinte de la fleur, mais cette teinte elle-même peut être influencée par la nature du sol, le climat etc. Autant dire que le résultat du rapprochement des différents clichés peut nuire à la démonstration ! Néanmoins, aussi imparfaite soit-elle, la comparaison parvient à se faire. Entre 'Black Forest' et 'Raven Girl' ou 'Nuit Fauve', en 6o et quelques années, la couleur noire s'est approfondie. Et cet approfondissement n'a pas son égal dans les autres couleurs. Cela tient certainement au fait que chez ces autres couleurs la saturation a été obtenue bien plus tôt et que celle du noir était encore imparfaite. Peut-on dire d'ailleurs affirmer qu'elle a atteint la perfection ? On devine toujours le violet derrière le noir et la profondeur de celui-ci se situe surtout dans le velouté de la fleur. Il peut donc y avoir encore du progrès, mais tel qu'il est ce dernier a fait faire au cours des cinquante dernières années un grand bond en avant dans la qualité des iris noirs. 

Illustrations : 


'Black Forest'

 


'Storm Warning' 


'Black Swan' 


'Hello Darkness' 


'Raven Girl'


'Nuit de Chine'.

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