25.9.21

DU JAUNE, SINON RIEN

Dans un post du 19 juin dernier Milan Blazek, l'un des plus érudits des irisariens, expliquait : « Parmi les ancêtres sauvages des grands iris barbus des origines, on ne trouve qu'une seule espèce à fleurs jaunes : I. variegata. » On dit aussi que cette couleur jaune proviendrait de I. flavescens (De Candolle, 1813) mais on se demande toujours sI cet I. flavescens est une véritable espèce ou plutôt un hybride naturalisé de I. germanica et de I. variegata. Cet hésitation va dans le sens de ce qu'affirme Milan Blazek. Cependant ce dernier ajoute : « Il existe une seule exception : I. imbricata à floraison jaune clair, qui est devenu dans les années 1950 une source de qualités précieuses pour les hybrides. » Nous voici donc avec deux, voire trois, origines possibles pour les iris jaunes. De ces trois sources, néanmoins, la source I. variegata est la plus certaine et la mieux représentée. 

 Dans l’ère contemporaine on est à peu près d’accord pour dire que le premier jaune véritable se nomme ‘Aurea’ (Jacques, 1830). C’est à coup sûr un hybride de I. germanica, croisé depuis longtemps avec I. variegata, donc comportant la couleur jaune, mais aussi des veines ou des traces violacées sur les sépales. En tout cas le point de départ de la quête de l’iris jaune se situe bien à ce niveau car les premiers présentaient sur les sépales des veines violacées que des années et des années de sélection ont réussi peu à peu à faire disparaître. Ce n’est que dans les années 20 que l’on a vu venir des iris vraiment jaunes. C'est à ce moment qu'intervient William Dykatson Dykes, en Grande Bretagne. Peu après la mort prématurée et accidentelle de ce grand savant, ses héritiers ont baptisé ‘W.R. Dykes’ un iris tétraploïde de sa production que l’on a, à l’époque, qualifié de jaune mais qui, à nos yeux d’aujourd’hui, reste éloigné du but recherché. Personne ne sait exactement d'où provient cet iris. La théorie la plus soutenue est qu'il serait issu d'un croisement entre 'Moonlight' (Dykes, 1923), un iris blanc marqué de jaune pâle, et 'Peerless' (Dykes, 1924), aux fleurs couleur acajou. Mais comme on n'a aucune indication sur le pedigree de ces deux variétés on n'est pas plus avancé ! Quoi qu’il en soit, ses indéniables qualités ont fait qu’elle a été largement utilisée au début des années 1930 par tous ceux pour qui la couleur jaune était un défi à relever même si, en France, F. Cayeux a proposé ‘Eclador’ (1932) et ‘Alice Harding’ (1932), tous deux issus de la souche « variegata ». Dans les mêmes moments, Sidney Mitchell, en Californie, a tenté d’améliorer la pureté de la couleur jaune en alliant une variété d’un ton de bronze et une variété blanche ou vice-versa. Après une grande quantité de semis plus ou moins intéressants il a fini par obtenir ce qu’il cherchait : du jaune vraiment jaune et la variété emblématique de cette recherche se nomme 'Happy Days' (1938). Malgré tout, de 'Aurea' à 'Happy Days' une seule origine certaine est ce petit I. variegata dont Milan Blazek est convaincu qu'il est la seule. 

Il a fallu attendre les années 1950 pour que quelque chose se produise dans le sens de l'amélioration des iris jaunes. Et ce sont deux découvertes qui sont entrées en jeu. En premier lieu, pour accroître encore l’éclat du jaune, les hybrideurs ont eu l’idée d’ajouter au cocktail une pointe d’orange qui a eu pour résultat de colorer plus vivement les barbes et donc de mettre mieux en valeur le jaune de la fleur. ‘Solid Gold’ (Kleinsorge 51) est dans ce cas. Mais la grande découverte est, elle, purement due au hasard. Comme le dit « The World of Irises » : « La recherche sur les barbes mandarine a donné naissance à des sous-produits inespérés. Des jaunes sont apparus parmi les descendants de croisements destinés à obtenir des iris roses, et les hybrideurs ont été étonnés et ravis de leur qualité. Ces jaunes avaient un éclat, un brillant et une abondance de dentelle rarement rencontrés chez les jaunes conventionnels. » Les variétés les plus marquantes furent certainement le jaune canari ‘Limelight’ (Hall, 1952) et le jaune paille ‘Techny Chimes’ (Reckamp, 1955) ; mais on peut également citer ‘Cream Crest’ (Muhlestein, 1958) ou ‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959). 

Le reste de l'histoire s'écrit encore aujourd'hui. Chaque année amène son lot d'iris jaunes qui font plaisir à voir. On peut commencer par 'Royal Gold' (Melba Hamblen, 1964) qui a eu une carrière tant commerciale qu'honorifique remarquable et 'Shining Light' (Gatty, 1972), son descendant, a été largement apprécié dans la profession. Lors de la décennie suivante, 'Speculator' (Ghio, 1982), typique de la production de son obtenteur, a marqué les esprits. Avec la mondialisation et l'ouverture à l'Est des iris jaunes sont apparus un peu partout : en France, bien sûr comme avec 'Samsara' (Ransom, 1997), mais aussi en République Tchèque – 'Pozdni Léto' (Seidl, 1997)- en Slovaquie – 'Lacy Modeling' (Muska, 2002), en Allemagne - 'Halberstädter Dom' (Diedrich, 2002), sans oublier ni l'Italie où Augusto Bianco se distingue – 'Land Art' (2008), ni l'Australie parmi les nombreuses créations de Barry Blyth – 'Tuscan Villa' (2001). Ils résultent tous du mélange de tous les ingrédients énumérés ci-dessus, car on ne parle plus de lignée ou de recherches isolées. A ce jeu on pourrait se dire que le progrès va cesser. Mais en fait ce sont de menus apports qui interviennent générant des améliorations qui rendent les iris chaque jour plus attrayants. Cela concerne la forme et la tenue des fleurs, le nombre de tiges florales et le nombre de boutons par tige, la vigueur de la plante et la générosité de son développement. Cela concerne aussi l'éclat de la fleur et la couleur de ses barbes et dans ce domaine il y a encore bien des opportunités à saisir.

 On ne se lasse pas des iris jaunes qui enflamment nos jardins. 

Illustrations : 


'Shining Light' 


'Lacy Modeling' 


'Halberstädter Dom' 


'Tuscan Villa'

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