ACAJOU
Parce qu’il n’existe naturellement pas, l’iris rouge a, de tous temps, tenté beaucoup d’hybrideurs. Aujourd’hui quelques-uns sont en train de l’obtenir (ou, du moins, le pensent-ils) au moyen de manipulations génétiques. Plutôt que de jouer ainsi aux apprentis sorciers, peut-être serait-il plus sage, et moins risqué, de rechercher l’amélioration des iris brun-rouge et, tout particulièrement, ceux qui se parent d’un beau brun acajou : ils sont peu nombreux bien qu’ils présentent un réel intérêt pour le jardin.
Avant d’entreprendre d’analyser l’évolution de ce coloris depuis les années 50, il faut faire une légère digression : les différences de couleurs, pour une même variété, selon les conditions de sol et d’ensoleillement, sont particulièrement nettes chez les iris brun-rouge qui, d’ailleurs, donnent de meilleurs résultats en climat tempéré. Telle variété qui offre de magnifiques fleurs acajou, c’est à dire brun-rouge mais teinté de pourpre, sous le ciel de l’Oregon, sera plus claire (mais aussi plus chétive) dans l’air torride de l’Arizona. Certains, comme Neva Sexton, se sont efforcés d’obtenir des iris brun-rouge adaptés aux climats chauds et secs, mais les résultats ont été dans l’ensemble assez décevants. Heureusement, en France, les différences de climat ne sont pas aussi importantes qu’aux Etats-Unis, et nos compatriotes n’ont pas à craindre les déboires éprouvés par les Américains des Etats du Sud.
La base par excellence des iris brun-rouge, et donc des iris acajou, se situe dans le croisement MEXICO X TOBACCO ROAD, deux variétés obtenues par le docteur Kleinsorge dans les années 40. De cette union sont nés, entre autres, BRYCE CANYON (Kleinsorge 44), PRETTY QUADROON (Kleinsorge 48), VOODOO (Kleinsorge 48) et, surtout, INCA CHIEF (52) issu d’un semis identique, réalisé par Grant Mitsch, un voisin de Kleinsorge, grand obtenteur d’hémérocalles, mais qui ne dédaignait pas pour autant les iris. De BRYCE CANYON, via GYPSY JEWELS (Schreiner 63), provient VITAFIRE (Schreiner 68), l’un des plus beaux iris brun-rouge, et, par lui, POST TIME (Schreiner 71), un iris vraiment acajou. Le même BRYCE CANYON est à l’origine de WAR LORD (Schreiner 68) et de SPARTAN (Schreiner 73). INCA CHIEF est à l’origine de deux autres variétés franchement acajou, qui s’appellent CREDO (Babson 64) et BURNISHED GLOW (Schreiner 68). Un autre enfant de TOBACCO ROAD, par un croisement avec CASA MORENA, est ARGUS PHEASANT (DeForest 48 – DM 52 -), lequel a engendré un grand iris acajou nommé TALL CHIEF (DeForest 55) qui a donné de nombreux descendants, mais plus spécialement dans les tons de bronze ou de miel, avec cependant au moins un brun-rouge, RED LION (Hager 86) dont on reparlera plus loin.
A ce stade de l’évolution on est donc en possession de BURNISHED GLOW, CREDO, POST TIME, SPARTAN et WAR LORD. Chacun de ces iris va être utilisé en hybridation et donner des variétés acajou. Parmi elles on remarque EVENING IN PARIS (Sexton 76), descendant de CREDO ; CLEAR FIRE (Stevens 81) et SHANIKO (J. Meek 83) qui proviennent de POST TIME ; de SPARTAN, HURRIN HOOSIER (Linda Miller 94) et MATAMORE (Anfosso 90) qui est aussi lié à POST TIME ; quant à WAR LORD il a donné MAHOGANY RUSH (Williamson 79) et SHANIKO déjà cité.
Il y a des voies bien détournées qui mènent aussi aux iris acajou. Par exemple celle empruntée par Bill Maryott pour obtenir AUSTRIAN GARNETS (91) et, bien évidemment, ses propres descendants comme TEXAS RENEGADE (2002), acajou comme il se doit. Dans le pedigree de cet iris il y a MALAYSIA (Ghio 76) qui est dans les tons de brun et qui a pour père SAFFRON ROBE (Moldovan 68), lequel a lui-même pour père GYPSY JEWELS, dont on a parlé plus haut, et qui provient de TOBACCO ROAD ! Ce MALAYSIA dont on vient d’évoquer les origines se trouve derrière un rouge très connu, LADY FRIEND (Ghio 81), et ce LADY FRIEND se retrouve dans MULBERRY ECHO (Maryott 97) qui fait partie des acajous. On n’en sort pas, TOBACCO RAOD est partout.
Donald Spoon, un hybrideur qui porte un intérêt très particulier aux iris rouges, a obtenu plusieurs variétés acajou, comme GUINEVERE’S KISS (2004) et MAROON MOON (95). Ce dernier n’est pas officiellement lié à TOBACCO ROAD, mais de son parent masculin, TIME LORD (Tompkins 87) on sait seulement qu’il descend d’une lignée d’iris « rouges », ce qui ouvre la porte de toutes les suppositions. En revanche on peut être plus affirmatif pour GUINEVERE’S KISS dont le père, RED LION, est un lointain descendant de TOBACCO ROAD, via INCA CHIEF et BRASS ACCENTS (Schreiner 58), lequel descend aussi d’ARGUS PHEASANT ! Donald Spoon s’oriente à présent vers le « rouge pompier » via d’autres voies mais celles-ci croisent cependant parfois les précédentes, notamment quand il fait usage de LADY FRIEND ou de ROGUE (Ghio 96) dans les gènes duquel on retrouve, comme par hasard, MALAYSIA qui figure comme on l’a vu dans la lignée de rouge acajou de Bill Maryott.
J’ai plus confiance dans la méthode Spoon pour atteindre le rouge que dans la méthode Ernst. Ce dernier a délibérément choisi la manipulation génétique, avec tous les risques qu’elle sous-entendra quand ses « rouges » (si tant est qu’il en obtienne !) seront croisés dans toutes les directions par les innombrables hybrideurs qui s’activent à travers le monde. Le premier s’en tient à l’amélioration de l’existant par des moyens naturels, et avec beaucoup de science et de patience. Je souhaite qu’il réussisse et qu’à travers les iris rouge-acajou il atteigne le rouge pratiquement pur dont beaucoup rêvent aujourd’hui.
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