7.4.06

LES LEÇONS D’IRIS DANS UN PARC
Un parcours initiatique dans des jardins imaginaires

Cinquième leçon : les iris spurias

L’AMATEUR D’IRIS : « C’est mon grand-père qui a dessiné et planté ce parc. Il a eu l’opportunité d’acquérir cette grande parcelle, juste derrière sa maison, et comme il était pharmacien et passionné de botanique, il a pensé à aménager une sorte d’arboretum, où se trouveraient réunies les espèces d’arbres qu’il aimait. C’est à dire de nombreux conifères et presque tous les arbres endémiques du Limousin. C’était dans les années 1900, et vous voyez comme tout cela a magnifiquement poussé. »
L’AMIE DES PLANTES : « Ces arbres sont maintenant centenaires ! pas étonnant qu’ils aient atteint un tel développement ! D’autant que le sol acide n’est pas pour leur déplaire. Les plantes arbustives sont au moins aussi géantes. »
L’AMATEUR D’IRIS : « En particulier les rhododendrons. Et regardez ces bambous ! Et les cotinus ! »
L’AMIE DES PLANTES : « Je suppose que les iris ne sont pas aussi vieux ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Evidemment ! C’est moi qui les ai plantés. J’ai commencé la collection en 1983. Là où ils sont, il y avait une pommeraie. Mais les pommiers étaient trop âgés et ne donnaient plus rien. Ils ont été arrachés, le terrain a été retourné, enrichi et planté, peu à peu. Il y a maintenant plus de quatre cents variétés de grands iris, quelques dizaines de nains standard et les spurias, qui ne datent que de quatre et cinq ans. »
L’AMIE DES PLANTES : « Pourquoi des spurias ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Parce qu’ils prolongent agréablement la saison des iris. Ils commencent à fleurir quand les grands barbus se terminent, et ici, durent jusqu’au début de juillet. »
L’AMIE DES PLANTES : « On n’en voit pas très souvent. D’où viennent-ils ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « A l’origine les grands spurias, qui font partie du sous-genre Xyridion, sont des plantes assez largement répandues en Espagne et en France, en Afrique du Nord et en Asie Mineure. Ils ont de longs rhizomes fibreux qui mettent longtemps à s’installer, mais qui, une fois en place, produisent chaque année ces longues tiges que vous voyez. Ils ne sont pas exigeants en matière de sol et de soins. Ils sont particulièrement rustiques, en cela, le rude climat limousin ne les affecte pas. Il leur faut du soleil et un bon drainage. Mais ils demandent de la patience car ces messieurs ne se décident à fleurir qu’après plusieurs années de plantation. Ici ils n’ont commencé qu’au bout de trois ans. »
L’AMIE DES PLANTES : « J’ai entendu dire que c’est un Anglais qui les a ‘inventés’ »
L’AMATEUR D’IRIS : « Exact ! Il s’agit de Sir Michael Foster, vers 1890. Il a introduit un croisement interspécifique entre I. monnieri et I. spuria, et ce fut le point de départ des hybrides actuels. Ce n’est, ensuite, après la guerre 39/45, que des obtenteurs américains, avides de nouveauté, ont repris le travail. Ils ont ajouté à la sauce I. orientalis – qu’on appelle aussi I. ochroleuca – et peu à peu ont obtenu des variétés diversement colorées. »
L’AMIE DES PLANTES : « Surtout, tout de même, dans les tons chauds : du mordoré, du brun… »
L’AMATEUR D’IRIS : « Mais pas seulement ! Depuis que Ben Hager a introduit l’espèce I. carthalinae dans le mélange des spurias hybrides, on trouve des variétés vraiment bleues. Ce qui manque, c’est encore le rose pur et tout ce qui va vers le rouge. »
L’AMIE DES PLANTES : « Leur haute taille est-elle un handicap ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Non. Au contraire elle présente un véritable intérêt pour la fleur coupée. Les spurias ressemblent aux iris bulbeux chers aux fleuristes, mais les fleurs sont plus hautes et plus larges. »
L’AMIE DES PLANTES : « Vous parliez tout à l’heure de Ben Hager, le grand obtenteur américain. Est-il le seul à s’intéresser aux spurias ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « Hager est maintenant décédé. Mais il est curieux de constater que ce sont pratiquement les mêmes obtenteurs qui hybrident les grands iris et les spurias, Joë Ghio, David Niswonger, Glen Corlew et l’infatigable australien Barry Blyth en sont aujourd’hui les plus grands pourvoyeurs. »
L’AMIE DES PLANTES : « En fin de compte, ce sont des hybrides d’origine récente. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Tout à fait, et on peut présumer que les spurias ont beaucoup d’avenir et que leur hybridation nous réserve encore bien des évolutions. »

Le mois de juin est souvent superbe en Limousin. Cette fois, un souffle tiède caressait les grands spurias en fleur. Le soleil commençait à descendre derrière les croupes imposantes des Monts de Blond, qui se découpaient en bleu profond sur l’horizon doré. La brume n’allait pas tarder à s’élever au-dessus de la vallée de la Glaïeule : déjà l’air se troublait, et les deux visiteurs du parc prenaient tranquillement le chemin de la maison.

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