15.8.08







OH ! HAPPY DAYS !
ou les tribulations de I. variegata


Comment, à partir d’un petit iris diploïde à pétales jaunes et sépales veinés de violet, obtenir des fleurs entièrement jaunes, orange ou roses ?

C’est l’un des défis que se sont lancés les hybrideurs pionniers. Et sans tourner autour du pot, on peut dire qu’ils ont réussi, et même au-delà de toutes les espérances. Mais les difficultés ont été nombreuses, les échecs répétés et les déceptions fréquentes. Il a fallu tout l’enthousiasme et toute la détermination de quelques-uns pour que le chemin ne soit pas abandonné et pour que, finalement, le résultat soit au rendez-vous.

Le fait que I. variegata possède des pétales jaunes, ce qui n’est pas courant chez les grands iris, a laissé à penser aux hybrideurs des origines que l’on pouvait partir de cette espèce pour parvenir à des fleurs uniformément colorées comme les fameux I. pseudacorus. Bien que les renseignements que l’on possède sur la question ne donnent aucune certitude, on pense néanmoins que la couleur jaune a été atteinte par l’union d’I. variegata et du classique I. germanica. On peut l’affirmer parce que les premiers jaunes présentaient sur les sépales des veines violacées que des années et des années de sélection ont réussi peu à peu à faire disparaître.

La route semée d’embûches qu’ont eue à parcourir ceux qui s’acharnaient sur la couleur jaune a commencé dès les années « diploïdes », mais avec bien peu succès. Et au moment du passage de la diploïdie à la tétraploïdie, le jaune n’est apparu que tardivement. Une première tentative a eu lieu dans les années 20 et a donné naissance à cette fleur fripée et marbrée de brun qui se nomme ‘W.R. Dykes’ (1926), du nom de célèbre obtenteur et exégète des iris. Quels que soient ses défauts, ‘W.R. Dykes’ est l’ancêtre des plus intéressants iris jaunes qui ont constitué la panel de base des jaunes modernes. Ainsi en est-il de ‘Yellow Jewel’ (K. Smith) et de ‘Golden Majesty’ (Salbach), mais aussi de ‘Golden Treasure’ (Schreiner) et de ‘Ming Yellow’ (Glutzbeck). Nous sommes alors dans les années 30. C’est Sydney Mitchell, toujours dans les années 30, qui a eu la bonne idée d’améliorer la pureté de cette couleur et alliant une variété d’un ton de bronze et une variété blanche ou vice-versa. Il a essayé et après une grande quantité de semis plus ou moins intéressants il a obtenu ce qu’il cherchait : du jaune vraiment jaune. C’est le cas de ‘California Gold’ (1933) et surtout de ‘Happy Days’ (38), qui est véritablement l’origine du jaune tel que nous le connaissons actuellement.

A partir du jaune, on a pu obtenir deux nouveaux coloris : le rose puis l’orange. Le phénomène de l’apparition du rose, subite et en différents endroits, a été maintes fois expliqué et analysé. Je n’y reviendrai pas aujourd’hui. Mais que l’on sache bien que le rose dont nous parlons ici est ce rose crémeux que la langue anglaise distingue sous le vocable « rose » du rose violacé que est appelé « pink ». Son origine jaune est évidente quand on regarde les premières variétés à avoir été qualifiées de roses : on est plutôt entre le crème et le chamois. Pour obtenir du rose aussi pur que possible, il a fallu éliminer tout ce qui pouvait en brouiller l’éclat, et notamment la couleur jaune, sous-jacente. Les hybrideurs ont donc concentré leurs efforts sur cette élimination. Peu à peu le rose est devenu cette couleur si délicate que l’on rencontre chez les variétés des grands maîtres qui ont pour nom Joseph Gatty, Glen Corlew ou Vernon Wood, et qui a obtenu des amateurs un accueil enthousiaste qui ne se démentit pas.

A ce niveau, on est bien loin de l’ancêtre I. variegata, néanmoins ses gènes sont toujours là. Notamment dans les iris orange qui ont hérité de lui un assez faible développement et une taille râblée caractéristiques.

Au début l’orange n’a pas été une couleur recherchée. Au contraire, puisque c’est cette teinte qu’il fallait éliminer pour obtenir du jaune, puis du rose. Les hybrideurs ne sont revenus vers les tons de pêche, d’abricot et d’orange que lorsqu’ils sont parvenus par ailleurs à un rose parfait. Ce n’est que dans les années 50 que l’on a obtenu des iris abricot valables, et il a fallu attendre les années 60 pour voir des oranges dignes des récompenses annuelles de l’AIS.

Pour les iris franchement oranges, ce n’est qu’au début des années 60 que cette couleur a pris son essor. L’un des tout premiers a être apprécié a été ‘Celestial Glory’ (Reckamp 61), même si son coloris n’était pas d’une grande pureté. Très vite, après celui-ci les oranges se sont améliorés et enrichis. Des variétés comme ‘Supersimmon’ (Parker 77) et ‘Fresno Calypso’ (Weiler 78) se sont révélés comme de grands succès. ‘Hindenburg’ (Maryott 83), ‘Montevideo’ (Ghio 87), ‘Orange Celebrity’ (Niswonger 84) ont pris la suite, jusqu’à ‘Craklin’ Caldera’ (Aitken 2003).
Parmi les plus beaux oranges que l’on peut qualifier d’anciens, citons 'Spanish Gift'.
Le petit I. variegata était devenu un fantôme, mais les amateurs ne peuvent pas l’oublier. Ils doivent même lui rendre les honneurs car en plus des jaunes, des roses et des oranges, ils lui sont redevables, évidemment, de ces iris qui sont toujours désignés comme « variegata » mais qui sont en réalité des bicolores dont seuls les pétales, dans les tons de jaune, rappellent la lointaine origine.

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