23.1.09

ECHOS DU MONDE DES IRIS
Progrès ou tradition ? Suite du débat.

Un commentaire a été publié ici par un lecteur anonyme mais à l’évidence bien informé. Le voici : « Je pense qu’il faut faire la différence entre l’appréciation individuelle d’une plante et un jugement officiel, soit en situation de concours ou exhibition, avec des prix est des distinctions à la clé. Tandis que c’est effectivement la couleur d’une fleur qui nous attire le plus souvent au premier abord, une belle fleur---quelque soit son originalité---sur une plante faible n’a pas beaucoup d’intérêt comme « bonne plante de jardin ». En revanche, dans une situation de concours ou d’exhibition avec jugement officiel, la couleur de la fleur ne compte que pour 5 points sur 100, tandis que les critères de durabilité/qualités végétatives et celui du nombre de boutons/séquence de floraison compte pour 30 points (15 points chacun) ! Un bon juge est supposé regarder la plante qu’il évalue «en noir et blanc» et, s’il est honnête, il évitera de récompenser les plantes sans qualités végétatives*. Même si ces belles mais faibles nouveautés peuvent intéresser les hybrideurs pour leur éventuel potentiel génétique, à croiser avec des plantes de bonne qualité végétative, bien sûr, ils ne méritent pour autant pas tous des récompenses et distinctions en concours ! Pour les gens qui habitent une région avec un climat doux et qui ont le temps pour les bichonner et chouchouter, l’achat de ces plantes fragiles se défend, mais pour ceux qui habitent n’importe quel région avec un vrai hiver, c’est prendre le risque de les perdre après une ou deux saisons.
*Référence : Handbook for Judges and Show Officials 1998 Ed American Iris Society - ISBN # 1-892400-00-6. Cet ouvrage est la référence de tous les juges officiels, reconnus par l’AIS pour les compétitions internationales. »

Ce commentaire rebondit sur la conclusion de l’article ainsi rédigée : « Dans ces conditions, placer Schreiner au pinacle me semble aussi excessif que rejeter Ghio. Cela dit, il faudrait bien, tout de même que chacun redresse le tir. Les progressistes devraient bien songer à rendre leurs nouvelles variétés plus robustes, et les classicistes auraient intérêt à sélectionner des semis plus innovants. C’est à ces conditions qu’on réconciliera les anciens et les modernes, et que les amateurs retrouveront leur compte. »

Les juges américains auraient-ils perdu de vue les recommandations du petit livre édité à leur attention ? Toujours est-il qu’aujourd’hui les variétés Schreiner, belles fleurs et plantes splendides, n’ont plus la cote, et que les variétés primées semblent être celles qui présentent beaucoup plus d’originalité. Cependant il faut noter, par exemple, que ‘Starring’ (Ghio 99), iris moderne mais sûrement fragile, s’est fait souffler en 2008 la Médaille de Dykes par une variété bien traditionnelle dans son apparence… Les bons principes ne sont donc pas oubliés. C’est rassurant pour le maintien de la valeur des plus hautes récompenses.

4 commentaires:

Jean-Luc a dit…

S'il est vrai que les collectionneurs et les amateurs avertis se "penchent" sur plusieurs critéres avant d'acquerrir un iris, n'oublions pas que les jardiniers amateurs achétent la plupart du temps en fonction de la couleur ou de la forme de la fleur ...sans s'occuper de la robustesse .

Anonyme a dit…

Bonjour. . . il est très naturel de la part des amateurs de vouloir planter des iris dernier cri dans leurs jardins. Il suffit de regarder n’importe quel catalogue de ces plantes pour le comprendre : des photos magnifiques à couper le souffle, des commentaires vantant les qualités de la plante, le nombre de boutons, des hampes dignes d’une plante d’exhibition et j’en passe. Ceci dit, quand on a que le catalogue comme référence, il est difficile, voire impossible d’apprécier les qualités végétatives de la plante et c’est pour cela qu’il faut faire l’effort---dans la limite du possible---d’aller les voir « en vrai » dans un jardin. Je pense honnêtement que n’importe quel amateur est capable de voir si la plante qui l’intéresse est vigoureuse ou non quand il peut observer toute la plante, de préférence dans un jardin qui subit les changements de saison et aussi comment elle réagit au vent, à la pluie et même au soleil (dans le cas des iris foncés : est-ce que les pièces florales brûlent au soleil ?). Il faut aussi garder en tête les conditions climatiques, l’exposition, le type de sol et autres particularités qu’on a dans son jardin et se demander si cette plante va s’y plaire. Poser une question comme : « D’ou vient cet iris ? » à l’horticulteur professionnel qui le vend est à la portée de tout le monde et une manière d’éviter l’achat d’une plante qui va vite périr chez soi.

J’aimerais maintenant mettre mon chapeau d’hybrideur. Quand j’ai commencé à hybrider il y a une bonne dizaine d’années, on m’a dit que pour commencer, il valait mieux que je vise l’amélioration soit d’une couleur déjà existante, la forme et la substance de la fleur, la robustesse de la plante, le nombre de boutons ou la résistance à la maladie plutôt que d’essayer de créer quelque chose de nouveau. J’ajouterais que depuis mon début dans cette noble profession, j’ai lu d’innombrables articles visant les amateurs qui commencent l’hybridation et qui disent grosso modo la même chose. Combien de gens qui cultivent ces iris modernes et magiques n’ont pas été un jour tentés d’essayer eux-mêmes l’hybridation ? Mais, après été exposés à tous ces recommandations à rester sur les sentiers battus, comment voulez-vous que ces gens soient incités à créer de la nouveauté ? A ce moment-là, il faut un sacré caractère pour aller de l’avant, faire cavalier seul et oser la création, sauf qu’il faut aussi avoir de la chance et. . . du temps à perdre, sans parler du courage pour jeter les plantes faibles qu’on va inévitablement obtenir sur la route de la création de la perle rare. C’est l’autre côté de la pièce. Il ne faut pas se leurrer : même l’hybridation en vue d’améliorer un aspect de la plante va produire beaucoup de canards boiteux qu’il ne faut pas garder. En fait, on n’a pas forcément besoin de posséder toutes les plantes que l’on veut utiliser en hybridation. L’hybrideur peut demander à quelqu’un qui réside dans un climat plus doux et qui possède un cultivar réputé difficile de lui envoyer du pollen. Bien sûr, il y a des cas où ces plantes n’ont pas ou très peu de pollen, mais c’est quand même moins cher d’essayer cette méthode, sans parler du gain de place---toujours un problème pour les hybrideurs !---que d’acheter soi-même tous les cultivars que l’on veut utiliser en croisement.

Quelques petites observations sur le récompenses. . . chaque année, je vois des listes de HM (Mention Honorable) et AM (Prix de Mérite) ou des prix plus prestigieux encore dans le Bulletin de l’AIS, distinctions parfois données aux iris qui ne les méritent pas. C’est au point où je me demande si les juges qui ont voté pour ces cultivars n’ont jamais vu la plante en question dans un jardin ! Ceci n’est que mon avis et, comme toujours, cela n’a que la valeur que l’on veut bien lui donner. Mais, Le Guide des Juges (Handbook for Judges and Show Officials)---encore lui---dit qu’un juge ne doit pas voter pour un iris dont il n’a pas apprécié les qualités « en personne » dans un jardin : « Tous les iris choisis par un juge sur le bulletin (de vote) officiel pour un prix donné sont basés sur un jugement au jardin. . ./Un vote ne doit jamais être donné à un iris quand il n’est pas conforme aux standards de la classe à laquelle il appartient. » Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin.

En guise de conclusion, j’invite tous les amateurs d’iris à réfléchir sur la question de nouveauté/classique et les mérites relatifs des deux côtés de cette question.

Sylvain Ruaud a dit…

Le commentaire d'"Anonyme" est très intéressant.

Oui, il faut essayer de se tenir à un projet simple, mais il arrive forcément qu'on dévie !
Oui, il faut aussi se lancer dans la recherche de la nouveauté, sans cela, il manquera qqch pour un véritable progrès.
Oui, il semble que certains juges ne fassent pas leur boulot, cela a fait l'objet d'une controverse, l'an dernier, dans le bulletin de l'AIS.
Mais il faut aussi reconnaître qu'une plante qui pousse bien sous le climat de la région dont elle est originaire, peut ne pas avoir les mêmes performances ailleurs... De même, un iris en pleine forme chez untel ne donnera pas forcément le même résultat chez tel autre. Enfin, il arrive qu'une année donnée un iris ne pousse pas bien et qu'il se rattrape l'année suivante. Celui qui le voit la mauvaise année peut émettre un jugement qui s'avérera erroné...

Anonyme a dit…

C’est vrai que la loi de Murphy ou, si vous préférez, la deuxième loi de la thermodynamique, intervient parfois dans un projet d’hybridation et on se retrouve avec un semis intéressant qui offre, au lieu de ce qu’on recherche, de la nouveauté et qui mérite d’être gardé et recroisé. Le seul problème est de bien choisir quels projets il faut poursuivre, en fonction de la place et du temps dont on dispose. Hélas, si on est seul à cultiver son jardin et que l’on n’a pas beaucoup de place, cela limite le nombre de ces projets à ajouter à ceux qui sont en cours. Mais on peut « jongler » un peu aussi et travailler sur un projet intensivement une année et donner plus de temps à un autre l’année suivante, en attendant les résultats du premier. A mon avis, la sélection des semis, une étape TRES importante, est parfois négligée. Chaque année, cela revient : à garder ou à jeter, question épineuse !

En ce qui concerne cette controverse à laquelle vous faites référence, je suis au courant, mais cela à commencé en 2006 (Bulletins de l’AIS du juillet 2006, octobre 2006, janvier 2007 et avril 2007 articles de George WATERS, Terry AITKEN, Eugene BAXLEY, Cindy RUST et Michèle BERSILLON). Pour moi, cela ressemble fortement à de la paresse de la part de certains juges. Je pense que s’ils ne sont pas prêts à respecter les bases de jugement dans le jardin et si effectivement ils votent pour des plantes qu’ils n’ont jamais vues dans un jardin après avoir entendu l’avis d’un autre juge, il vaut mieux qu’ils arrêtent d’exercer ! Le fait qu’un iris en pleine forme chez untel peut ne pas donner le même résultat chez tel autre est la raison pour laquelle ils sont plantés dans plusieurs jardins différents lors des conventions annuelles et aussi pourquoi ils sont plantés l’année précédant la convention, pour donner une chance à la plante de s’installer. Souvent les iris se montrent—-au moins pour ceux qui ont un taux de croissance correct---au mieux lors de leur deuxième floraison après leur installation. Mais je divague un peu . . . les juges résident dans d’autres régions des Etats-Unis que celle choisie pour la convention et le bons sens laisse supposer qu’ils ont fait l’effort d’aller voir ces plantes quelque part autour de chez eux aussi avant de décider de leur vote. C’est bien connu, la performance des iris lors des concours, exhibitions et les conventions peut être quelque chose de capricieux. . . !

Pour conclure, si nous pouvons accepter l’idée qu’un iris qui a eu l’honneur de gagner la médaille de Dykes peut ne pas toujours très bien fleurir tous les ans, peut-être qu’il faut aussi remettre les prix, récompenses et autres honneurs à leur juste valeur.