24.9.10


ECHOS DU MONDE DES IRIS

Encore un décès

J’apprends aujourd’hui, donc avec un retard certain, la disparition au début de l’année de Allan Ensminger.

Allan Ensminger a été parmi les premiers à exploiter le modèle « broken color ».

Coïncidence, j’ai prévu depuis longtemps de consacrer la prochaine « fleur du mois » aux BC d’Ensminger ! Rendez-vous la semaine prochaine.

Un nouveau blog

Depuis quelques semaines un nouveau blog dédié aux iris est apparu. Son auteur se nomme Laurent Couton. C’est un jeune amateur passionné, installé depuis peu dans le Tarn, qui nous fait partager son enthousiasme.

Espérons que ce nouveau blog aura une pérennité plus évidente que ceux qui l’ont précédé, dont les communications sont épisodiques, voire abandonnées. Pour vivre un blog a besoin d’être régulièrement alimenté ; sinon les lecteurs l’oublient…

http://l-arc-en-ciel-des-iris.overblog.com/
LA COMPAGNIE DES PETITS

Pour des raisons techniques ( un ordinateur qui fait des caprices) il n'y a pas cette semaine de "Compagnie des Petits". On verra ça la semaine prochaine !










ANALYSE DE ‘CODICIL’
en hommage à Sterling Innerst

‘Codicil’ (Innerst, 1980) est une variété bien connue des amateurs européens. On la trouve encore dans plusieurs catalogues, ce qui garantit qu’elle a un certain succès. C’est d’ailleurs un succès mérité, non seulement parce que la fleur est jolie, mais aussi parce qu’elle présente pas mal d’originalités.

Ce qui caractérise ‘Codicil’ c’est d’une part sa couleur bleue très pure, d’autre part et surtout ses barbes d’un bleu marine profond. Tout son intérêt est là. Comme dans toutes les analyses similaires, j’ai établi un arbre généalogique sur sept générations qui m’a permis de relever plusieurs traits ou événements intéressants. Le pedigree est le suivant : (Appalachian Spring x Navy Strut) X Evening Echo. ‘Appalachian Spring’ (Thomas, 1969) est une variété fort peu connue, décrite comme étant de couleur blanche teintée de vert, avec des barbes orange. Quant à ‘Navy Strut’ (Schreiner, 1974), c’est un iris qui, lui, a acquis une grande célébrité et a été croisé un grand nombre de fois. Deux de ses descendants ont reçu la Médaille de Dykes : ‘Titan’s Glory (Schreiner, 1981) en 1988, et ‘Silverado’ (Schreiner, 1987) en 1994 ; trois autres ont également été hautement récompensés : ‘Superstition’ (Schreiner, 1977) qui a failli remporter la DM en 1984, ‘Master Touch’ (Schreiner, 1980) et ‘Evening Canticle’ (Carr, 1989) qui l’un et l’autre ont terminé en deuxième position au Concours de Florence, le premier en 1983, le second en 1990. Le semis qui fut la « mère » de ‘Codicil’ est donc issu d’un croisement blanc par violet, et on ne s’avance pas beaucoup en imaginant qu’il est violet, ou indigo, voire bleu. Si on sait que ‘Appalachian Spring’ remonte au fameux amoena ‘Whole Cloth’ (Cook, 1957), on ignore tout de la famille de ‘Navy Strut’, la maison Schreiner n’ayant fourni pour pedigree que des numéros de semis. Il y a donc beaucoup de trous dans la généalogie maternelle de ‘Codicil’. On est un peu mieux renseigné du côté paternel, même si, sur 32 noms d’ancêtres, il en manque tout de même 20 ! C’est cependant dans cette branche que les renseignements les plus intéressants apparaissent.

‘Evening Echo’ a fait ici l’objet d’une chronique il y a plusieurs année et je vais donc aller chercher là les informations utiles aujourd’hui. ‘Evening Echo’ est le descendant de trois variétés très différentes, dont ‘Azure Accent’ (Durrance 67), un gris-bleu à barbes sombres qui lui viennent d’un parent aril, ‘Arabi Pasha’ (Anley, 1951). Le côté blanc provient de ‘Swan Ballet’, une variété de Tell Muhlestein qui a obtenu la médaille de Dykes en 1959. A ces variétés j’en ajouterais une autre, tout aussi importante, l’aril bien connu ‘Lady Mohr’ (Salbach, 1943). On peut donc dire sans se tromper que la couleur bleu pâle de ‘Evening Echo’ vient de son parent ‘Azure Accent’ – dont je n’ai pas trouvé de photo – et ses barbes foncées de ses ancêtres arils. Pour ce qui est de ‘Codicil’, on peut attribuer à son ascendance aril son aspect assez ramassé et ses fleurs un peu raides ; peut-on aussi mettre au compte de cette ascendance une certaine paresse à se développer ? En tout cas on peut sûrement dire que son bleu si pur vient de son côté ‘Navy Strut’ et que ses barbes bleu marine ont leur origine chez ‘Evening Echo’ : Sterling Innerst est donc parvenu à ses fins.

La descendance directe de ‘Codicil’ n’est pas très importante. Dans ma base de données, très partielle évidemment, je n’en compte que sept… Sur ces sept, six ont hérité des barbes foncées et six également tournent autour de la couleur bleue. Celui qui n’est pas bleu, c’est ‘Sister My Karen’ (Pinegar, 2002) qui donne dans le pourpre, celui qui n’a pas les barbes sombres est ‘Krimskoye Primoryie’ (Loktev, 2007) chez qui elles sont jaune cuivre. Une forte majorité a donc conservé les éléments essentiel de leur parent ‘Codicil’. Certaines de ces variétés en sont même tout à fait proches, comme le démontre les photos ci-dessus de ‘Continuity’ (Innerst, 1994), ‘Meadow Creek’ (Opal Brown, 1996) et ‘Space Station’ (Darlene Pinegar, 1997).

Quelle que soient ses petites faiblesses, ‘Codicil’ reste une variété charmante et originale qui mérite bien son succès et sa longévité commerciale.

17.9.10




ECHOS DU MONDE DES IRIS

« Infusion d’iris »
Un nouveau parfum qui met en avant la senteur douce des iris. Celui-ci s’appelle « Infusion d’iris ». C’est une création Prada. Très fraîche, cette nouvelle senteur devrait plaire aux plus jeunes des fans d’iris (et, pourquoi pas, aux iridophiles plus mûres !).

Mauvaise nouvelle
Je n’avais plus de nouvelles de Ladislaw Muska depuis plusieurs mois. Je viens d’apprendre qu’il est malade et qu’il a renoncé à hybrider les iris. A 78 ans, il range ses brucelles… Ses derniers enregistrements datent de 2006. Mais dans son petit catalogue on découvre des variétés non enregistrées, bien dans le style de ce qu’il a fait pendant 30 ans. ‘Andrea’ (2006) et ‘Carnavalita’ (2009) en sont de bonnes illustrations.






LA COMPAGNIE DES PETITS
1. Made in France


La semaine dernière s’est achevée la série des « médaillés ». Pour lui succéder, voici une série consacrée aux iris nains. Bien souvent les photographies ne leur rendent pas justice. Prises par le dessus des fleurs, elles les écrasent et les réduit à une sorte de galette assez disgracieuse. Il manque le relief, qui change tout ! Les photos de SDB qui seront publiées, seront prises au niveau de la fleur. C’est plus difficile de photographier ainsi les petits iris, parce qu’il faut se mettre plus ou moins à plat ventre pour réaliser ces photos-là. Mais le relief est mieux rendu et on voit mieux les différentes couleurs.

Pour commencer, trois obtentions de Lawrence Ransom, qui est un véritable spécialiste des iris nains. Lawrence est un fou d’iris, qui se moque un peu des questions commerciales et cultive les plantes qu’il aime, même si ce n’est pas celles-là qui lui feront gagner une fortune ! Bravo !

‘Ange Bleu’ = (Ransom, 2003) (Violet Lulu X Couture Star)
‘Mamours’ = (Ransom, 2003) (Rosie Lulu X Troubadour's Song)
‘Satyre’ = (Ransom, 1999) (Clay's Caper X (Planet Iris x pumila))





















GLISSEMENTS PROGRESSIFS DU DESSIN

La combinaison des couleurs dans les fleurs d’iris est infiniment variée. Il y a les classiques fleurs unicolores, dans un vaste choix de teintes, avec souvent une légère différence entre la coloration des pétales et celle des sépales ; il y a les bicolores traditionnels, avec une teinte claire aux pétales et une teinte plus sombre aux sépales (à moins que cela ne soit le contraire !) ; il y a des dégradés de couleurs, dans tous les sens, comme ces sépales qui s’éclaircissent quand on s’approche des bords ou bien la couleur des sépales qui infuse les pétales à partir de leur base ; il y a ces taches plus ou moins étendues qui éclairent ou assombrissent le centre des sépales ; il y a ces couleurs rubanées qui semblent disposées de façon absolument aléatoire qu’on appelle « couleurs brisées » ; il y a enfin la distribution originale que l’on désigne sous le nom de « plicata », et qui est celle dont on va parler aujourd’hui.

Les plicatas existent depuis toujours. Le premier iris horticole ayant été baptisé, qui s’appelait ‘Buriensis’, était un iris plicata. C’était dans les années 1830, et la sélection de plicatas parmi les semis naturels, telle que la pratiquaient, de Bure, Lémon ou Jacques, n’a jamais cessé, certains des ces iris étant devenus des pierres angulaires de l’hybridation. C’est le cas de ‘Mme Chéreau’ (Lémon, 1844) ou ‘Mme Louesse ’ (Verdier, 1860).

La pratique de la fécondation artificielle a favorisé l’apparition de semis ou l’aspect plicata prenait des formes très diversifiées : fins dessins bleus de ‘Ma Mie’ (Cayeux, 1903), ou violets de ‘Parisiana’ (Vilmorin, 1913) ou ‘San Francisco’ (Mohr, 1927) ; dessins plus chargés de ‘Mme Chobaut’ (Denis, 1916), ‘Midwest’ (Sass, 1923) ou ‘Sacramento’ (Mohr, 1928).

L’obtenteur américain Keith Keppel, qui est le maître incontesté des iris plicatas en donnait récemment une description générale qui se passe de commentaires : « Une fleur dont le fond est blanc ou de couleur claire, piqueté, pointillé ou lavé d’une couleur plus sombre et contrastante. (…) La couleur du fond peut être blanche, jaune, rose ou orange – avec toutes les teintes intermédiaires et tous les niveaux de saturation. Les dessins sont en bleu, violet, pourpre, orchidée (des couleurs froides), mais peuvent paraître rouges, bruns, ou même verdâtre quand ils recouvrent un fond coloré. Ces dessins partent des épaules et, de là, peuvent (mais pas obligatoirement) gagner les bords de tous les tépales, à moins que des bords ils ne gagnent l’intérieur des tépales. Ils peuvent être très denses ou si discrets qu’ils vous faillent aller à la chasse pour les trouver » Les plicatas mettent donc en jeu les deux catégories de pigments qu’on trouve dans les iris, les pigments caroténoïdes, qui, en l’occurrence, tapissent le fond des pièces florales, et les pigments anthocyaniques qui constituent les dessins. La couleur de fond peut être appliquée uniformément, mais cela n’est pas toujours le cas, par exemple la plupart des plicatas roses auront des épaules teintées de saumon en raison de la présence de plusieurs pigments. Le fond est ensuite plus ou moins recouvert par le motif plicata. Celui-ci est constitué par des pigments anthocyaniques violacés (lavande, bleu, violet, pourpre ou rose orchidée) qui ne se mélangent pas avec les pigments du fond. C’est un gène spécifique qui, inhibant plus ou moins le développement des pigments anthocyaniques, fait que l’on trouve une infinité de nuances dans les plicatas et qu’on peut constater ces glissements progressifs du dessin qui expliquent le titre de cette chronique.

Il arrive que le gène inhibiteur se montre d’une activité très restreinte. Dans ce cas le dessin plicata sera très peu apparent, et il faudra examiner attentivement la fleur pour en constater les effets, ceux-ci se manifestant surtout par quelques apparitions du fond sous les barbes. C’est là que l’on distingue le plumetis. On peut en prendre pour exemple la variété ‘Chief Hematite’ (Gibson, 1983). Le fond est presque totalement recouvert par les pigments qui constituent la coloration brun-rouge de cet iris.

Plus le gène inhibiteur manifestera son activité, plus la couleur de fond deviendra apparente et plus le dessin plicata deviendra discret. On glisse d’une coloration quasi totale, vers une coloration quasi absente, et, bien sûr, il y a un juste milieu qui constitue le dessin le plus classique, celui qui orne l’inoxydable ‘Stepping Out’, mais aussi une foule d’autre plicatas, depuis le fameux ‘Mme Louis Aureau’ (Cayeux, 1934) jusqu’à, par exemple, ‘Straight Up’ (M. Sutton, 2004), vu à Jouy pendant le concours FRANCIRIS 2007.

Quand les pigments anthocyaniques s’effacent, la fleur devient de plus en plus claire. Les pétales sont en majorité blancs (ou clairs), de même que les sépales. La coloration se réfugie tout au bord et forme un liseré plus ou moins large et dense. C’est le cas pour la variété fétiche de K. Keppel : ‘Tea Apron’ (Sass, 1960) ou le bien connu ‘Stitch in Time’ (Schreiner, 1978). Mais le dessin plicata peut aussi n’apparaître qu’au cœur de la fleur, comme dans ‘Lightly Seasoned’ (Zurbrigg, 1979).

Quelquefois la trace des pigments bleus est presque insaisissable : juste une petite marque, quand la fleur vient de s’ouvrir, comme dans ‘Laced Cotton’ (Schreiner, 1980) ; et Keith Keppel nous confirme que cet iris est bien un plicata car, dit-il, en le croisant avec un plicata, on obtiendra des plicatas (le modèle plicata étant récessif, il faut que les deux parents soient plicatas pour qu’il réapparaisse).

Il peut même arriver que la dépigmentation anthocyanique soit totale, et dans ce cas la fleur aura une couleur d’une pureté absolue : on parle alors d’iris « glaciata ».

D’une couverture quasi parfaite par la couleur, jusqu’à la disparition de celle-ci, on assiste à des glissements progressifs du dessin, qui font le charme et l’originalité de ce modèle de coloration, et mérite bien un clin d’œil à Alain Robbe-Grillet !

10.9.10







ECHOS DU MONDE DES IRIS

Disparition


L’obtenteur américain Sterling Innerst vient de décéder le 6 septembre. C’était une grande figure de notre petit monde. Il était domicilié en Pennsylvanie. Ses derniers enregistrements remontent à 2004. Il faisait partie du petit nombre d’élus qui ont obtenu une Dykes Medal, avec ‘Before the Storm’ (1989) DM 1996, et il avait aussi obtenu un Florin d’or à Florence en 1987 avec ‘Missy Yorktowne’ (1984), un plat d’argent et un troisième prix : Florence lui réussissait. Il a également obtenu deux fois la President’s Cup (‘Before the Storm’ en 1995, ‘Anvil of Darkness’ en 2001).

Dès que je disposerai d’éléments suffisants, je rédigerai une biographie de cet intéressant personnage.

‘Sterling’s Ladylove’ (1984) et ‘Sterling Flurry’ (1992) sont de bons exemples de ses iris plicatas, où l’on trouve aussi ‘Sterling Prince’ (1983) ou ‘Sterling Stitch’ (1984).

MEIS

La compétition 2010 de la MEIS, a couronné, parmi les iris provenant de l’Europe de l’Est, ‘Forest of Tjaru’ (Zdznek Krupka, 2006). Krupka est un obtenteur et producteur bien connu maintenant dans notre pays, où les collectionneurs font appel à lui en raison de son vaste choix et de ses prix fort avantageux.










LA COLLECTION DES MÉDAILLÉS

2009

USDM : ‘Golden Panther’ (Tasco, 2000) (Guadalajara X (Marshlight x Dazzling Gold)) devant ‘Happenstance’ et ‘Starring’. ‘Golden Panther ne l’a emporté qu’avec très peu de votes (mais plus que ses concurrents !) la lutte a été chaude ! ‘Starring’ échoue à la troisième place pour la troisième fois…

Wister Medal : ‘Drama Queen’, ‘Italian Ice’, ‘Paul Black’ et ‘Slovak Prince’ se classent ex-aequo. Un beau paquet !

President’s Cup : ‘Whoopsidaisy’ (BB) (Hedgecock, 2009) (Wall’s Glory X Galactic Warrior) : brun rouge, plus clair aux pétales, avec un gros spot lavande sous les barbes orange.

Franklin-Cook Cup : ‘Pursuit of Happiness’ (Johnson T. , 2007) (My Ginny X Queen's Circle)

Hager Cup : ‘Dividing Line’ (MTB) (Bunnell, 2004) (Lucky Mistake x I. germanica “zebra”) X (Welch’s Reward x Oshel Blue)

Walther Cup : ‘Bundle of Love’ (BB) (Black, 2007) (Procession x (Abridged Version x semis)) X Dolce.

Fiorino d’Oro Florence (Italie): ‘Ravissant’ (Cayeux, 2005) (Bold Fashion X (Chevalier de Malte x Conjuration)) devant ‘Noctambule’ (Cayeux, 2005) (((Rebecca Perret x semis) x (Bal Masqué x semis) X Futuriste x (InTown x Night Edition)) et ‘Fortunate Son’ (Shreiner, 2006) (de Warrior King, Chief Quinaby, Inca Chief; Orelio, Pacemaker, Quetchee, Vitafire...). Cette année peut être qualifiée de « année Cayeux », grâce aux succès à Florence et à Moscou.

British Dykes Medal : non attribuée

Austral Dykes Medal : résultats non communiqués.

Iris Bewertung München (Allemagne) :
National = ‘Maschseefest’ (Moos, 2010)
International = ‘Ecume de Mer’ (Bersillon, 2009) (Sapphire Hills X Surf Rider).

Meis (Europe Centrale) :
National = non attribuée
International = non attribuée

RIS (Russie) :
National = ‘Henri Bergson’ (Loktev, 2005) (Swing and Sway X World Premier)
International = ‘Ravissant’ (voir ci-dessus).






LES QUATRE THEORIES

Douglas Kanarowski n’est pas à proprement parlé un nouveau venu dans le monde des iris, néanmoins son rôle y est encore modeste et sa pépinière une toute petite entreprise. Son nom apparaîtra pour la première fois dans les listes du R&I de l’AIS dans le petit livre de 2010, avec ses sept premières variétés. Tout ceci n’a rien d’exceptionnel. Mais ce qui fait son originalité c’est la façon dont il aborde le thème de l’hybridation dans une chronique qui occupe une partie de son site Internet.

Cette chronique est intitulée : « Les quatre théories ». elle mérite d’être ici analysée et commentée.

Quatre « théories », donc, à propos de l’hybridation.

L’Affaire des abeilles.
La plus simple façon d’obtenir des graines d’iris c’est de laisser aux bourdons le soin d’assurer la pollinisation. Ils sont là les premiers, ils vont de fleur en fleur avec un imperturbable sérieux, le dos couvert de pollen, et, bien involontairement, tombent dans le piège que la nature leur a tendu et distribue leur charge pollinique au gré de leurs atterrissages. L’ennui c’est qu’ils agissent sans méthode et que, s’ils fécondent une fleur, les graines qui vont se développées seront automatiquement nées de père inconnu ! Car si l’on connaît la mère, avec sa capsule qui grossit sous les vestiges de la fleur, il n’y a aucun moyen de connaître d’ou provient le pollen qui a été déposé. Les nouvelles fleurs qui, un jour, vont apparaître, seront de parfaites surprises pour celui qui les découvrira. Cela peut donner quelque chose d’intéressant, mais les chances de découvrir un futur vainqueur de la Médaille de Dykes sont infimes. Mais, pour le jardinier amateur, est-ce que cela a de l’importance ?

Le Coup de Pot.
L’amateur qui se lance dans l’hybridation sans aucune idée de la génétique va croiser deux variétés au gré de sa fantaisie. Il pourra prendre note de ce qu’il a fait, mais en dehors de cette précision, son travail est tout aussi hasardeux que celui du bourdon. S’il obtient un jour une fleur présentable, ce sera un coup de pot qui, statistiquement, n’a pas plus de chance de survenir que dans la théorie précédente. Pour celui qui s’amuse à hybrider les déceptions seront innombrables, mais on peut dire que le plaisir est plutôt dans la surprise du résultat que dans le résultat lui-même. La personne qui met des pièces dans le bandit manchot et qui abaisse le manche est exactement dans la même situation et elle y trouve son bonheur. Alors pourquoi l’hybrideur ne serait-il pas aussi heureux ?

La même chose.
On atteint là un degré plus réfléchi. Pour obtenir quelque chose de beau, pourquoi ne pas renouveler ce que d’autres ont fait avec succès. Il suffit de prendre le pedigree d’une variété remarquable et de recommencer le croisement dont elle est issue. L’hybrideur met effectivement beaucoup plus de chances de son côté car il est probable qu’un croisement générateur d’un bel iris est potentiellement capable de renouveler l’opération. On n’obtiendra certainement pas la même chose exactement, mais on peut aboutir à un autre semis de valeur. L’amateur plagiaire joue la sécurité. Cependant s’il obtient un beau spécimen, il aura au fond du cœur le regret d’avoir été devancé et l’amertume de triompher sans gloire.




La Providence.
De toute façon, peut se dire celui qui tente un croisement. « Il y a trop de paramètres pour que je maîtrise complètement ce que j’entreprend. Certes je vise un but bien précis, je connais mon sujet, j’utilise donc de bons parents, mais vais-je pour autant obtenir un iris grandiose ? Quand on sait qu’une vingtaine de générations d’iris se trouvent derrière chacun des parents que je vais utiliser, qu’un nombre invraisemblable de variétés différentes apparaissent dans l’arbre généalogique de chacun des iris que j’ai choisis, qui peut prédire ce que je vais obtenir ? C’est le Bon Dieu, s’il s’occupe de ce genre de chose, qui va décider ! Moi, petit hybrideur de campagne, je n’aurai été que la main qui aura accompli le geste irrémédiable de déposer un peu de pollen sur une lèvre de pistil. C’est tout. » Il faut accepter ce côté miraculeux de l’hybridation et donner plus d’importance au geste qu’au résultat.

Kanarowski, avec la foi d’un bon Américain, s’en remet, dit-il, à la Providence pour la qualité des rejetons de ses croisements. Il applique la quatrième théorie et s’en trouve bien. En tout cas, si l’on en juge par l’aspect des sept fleurs qu’il présente sur son site, la Providence l’a bien servi. Mais il ne dit pas tout ! Ses choix des parents sont raisonnés et les variétés choisies ne sont pas n’importe lesquelles et la plupart ont déjà eu une descendance de bonne valeur (‘Honky Tonk Blues’, ‘Conjuration’, ‘Gypsy Woman’, ‘Caption’…). En fait il applique le système de l’addition et deux théories au moins se trouvent mêlées dans les obtentions qu’il propose au public.

3.9.10
















LA COLLECTION DES MÉDAILLÉS

2008

USDM
: Starwoman (IB) M. Smith, 1997) devant Golden Panther (Tasco, 2000) (Guadalajara X (Marsh Light x Dazzling Gold)) et Starring (Ghio, 1999).
Petite révolution ! Ce n’est pas un grand iris barbu qui a remporté cette année la Médaille de Dykes américaine, mais un iris intermédiaire ! Depuis 1927, les TB (Grands Barbus) l’ont toujours emporté, à l’exception de deux fois : en 1945, avec l’AB (Arilbred) ‘Elmohr’, et en 1981, où c’est le BB (Iris de Bordure) ‘Brown Lasso’ qui a triomphé.

Wister Medal : Millenium Falcon

President’s Cup : Jean Queen (Burseen, 2004) ((((Orange Blotter x Thornbird) x (Stingrayx Thornbird)) x Armadillo Run) X Daleamite).

Franklin-Cook Cup : Gypsy Lord (Keppel, 2005) (Last Laugh X (Braggadocio x Romantic Evening)).

Hager Cup : Crow's Feet (BB) (Black, 2006) (Color my World sib x Taunt) X Snowed In)

Walther Cup : Bluebeard's Ghost (SDB) (Black, 2006) (Island Sun sib X Experiment).

Fiorino d’Oro Florence (Italie): Morning Sunrise (T. Johnson, 2005) (Timescape X Silverado) devant Power Point (T. Johnson, 2005) (Corps de Ballet X (Varga Girl X Godsend) et Designer's Art (Kerr, 2004) (Lena Baker X Queen's Circle).

British Dykes Medal : Peter Hewitt (SIB) (Jennifer Hewitt, 2003) (Coronation Anthem X Golden Edge).

Austral Dykes Medal : June Brazier (Grosvenor, 2000) (Timescape X Silverado).

Iris Bewertung München (Allemagne) :
National = Orlaperle (Landgraf, 2005) (Stairway to Heaven X Next Millenium);
International = Deep Blue Waves (Siedl, 2006) (Honky Tonk Blues X (Honky Tonk Blues x(Altruist x Sea of Joy))).

Meis (Europe Centrale) :
National = AM 02-0990 2 (Mego, non enregistré)
International = Princess Bride (G. Sutton, 1999) (Elizabeth Poldark X (Bubble Up x Elizabeth Poldark)).

CIS (Russie) :
National = Akvarel (Gavrilin, 2005) (Fiesta Time X Pledge Allegiance)
International = Realist (Ernst, 2004) (de Afternoon Delight, Edna's Wish, Spring Tidings, Grand Waltz, Chasing Rainbows...).






LA FLEUR DU MOIS

Voici, pour ce mois de septembre, une nouvelle « fleur du mois ». Aujourd’hui, nous ferons connaissance avec :

‘ALTRUIST’
(Schreiner, 1987)

Le choix d’ ‘Altruist’ est totalement subjectif. Cet iris, qui est dans ma collection depuis longtemps n’avait pas fleuri l’an dernier. Victime d’une attaque de pourriture il y a deux ans, il a eu du mal à se remettre de cette grave maladie, et s’est tenu en convalescence en 2009 ! Mais il était en fleur en 2010, tout guilleret, apparemment bien rétabli. J’allais passer à côté de lui sans le voir quand, je ne sais pas pourquoi, quelque chose a attiré mon attention dans sa direction. « Tiens ! Il est revenu ? » me suis-je dit, et je l’ai attentivement regardé.

C’est un bel iris. Il a les traits bien reconnaissables des plantes signées « Schreiner » : ce côté ample, gracieux mais sans mollesse, cette vigueur tranquille qui rassure. Pour ce qui est du coloris, il n’a rien de sensationnel : un beau bleu, avec une zone blanche sous les barbes. C’est un coloris paisible, bien agréable. La plante est robuste, les branches sont bien disposées et les boutons correctement espacés. Bref, un iris bien sous tous rapports. D’ailleurs il a obtenu un « Award of Merit » en 1991, ce qui le classe parmi les meilleurs. Il fait partie de la grange génération Schreiner, celle qui a valu à cette vénérable entreprise les triomphes de ‘Victoria Falls’ (84), ‘Titan’s Glory’ (88), ‘Dusky Challenger’ (92), ‘Silverado’ (94) et ‘Honky Tonk Blues’ (95).

‘Altruist’ provient de Alpine Blue, Music Maker, Victoria Falls et Tide’s In. Son pedigree n’est guère détaillé, mais toute cette brochette de fleurs est dans les tons de bleu : ‘Alpine Blue’ est d’un bleu très pâle ; ‘Music Maker’, plus soutenu, donne dans le bleu tendre, très pur ; on ne fait plus le portrait de ‘Victoria Falls’ tant cette variété est connue, avec son joli bleu et sa petite tache blanche sous les barbes ; ‘Tide’s In est un autre bleu ciel adorable, bien souvent mis a contribution par les hybrideurs qui recherchent un bon bleu clair. Il y avait donc là tous les ingrédients pour fabriquer un bon iris, et les Schreiner n’ont pas manqué leur coup.

Les descendants d’ ‘Altruist’ ne sont pas bien nombreux. Cependant, associé à ‘Honky Tonk Blues’, il a donné naissance à ‘Skywalker’ (Schreiner 96), et son mariage avec ‘Riverboat Blues’ a abouti à ‘Metolius Blues’ (Schreiner 2000), l’une des plus belles réalisations de Schreiner dans cette teinte de bleu au cours des dernières années. En Europe Zdenek Seidl en a tiré un ‘Deep Blue Waves’ (2006) qui n’est pas mal non plus.

Souvent je me dis que ma collection vieillit, qu’il faudrait que je la rajeunisse avec un apport de variétés récentes. Mais il n’y a pas beaucoup d’anciens iris dont j’accepterais de me défaire pour laisser la place à des jeunes. Et ‘Altruist’ ne fait certainement pas partie des futurs abandonnés !



ECHOS DU MONDE DES IRIS

Cauchemar pour les Russes

Sergeï Loktev m’apprend que depuis juillet 2010 une nouvelle réglementation interdit aux particuliers l’importation en Russie, ainsi que l’exportation depuis ce pays, de toutes plantes vivantes et graines ! Seules les entreprises ou associations peuvent réaliser ce genre d’opération. Les hybrideurs russes sont catastrophés, et pour l’instant ils semblent décidés à boycotter le nouveau système.

Sans doute vont-ils revenir aux vieilles méthodes du temps de l’URSS, avec les combines et les petits trafics pour se procurer des plantes venant d’Europe, des USA ou d’Australie. Mais les amateurs de l’Ouest devront encore patienté avant de pouvoir faire connaissance avec les si nombreuses obtentions des hybrideurs russes.




































ZONE BLEUE

Un trait qu’on rencontre très souvent sur les iris nains standards (SDB), c’est une tache colorée sombre située sur les sépales, autour des barbes. Les Américains l’appellent « spot » et les Français le nomment « signal ». Mais qu’il s’agisse de « spot » ou de « signal », on est en présence de quelque chose de caractéristique des SDB. Cela mérite bien qu’on s’y attarde un moment.

Que ce soit dans « The World of Irises » de Bee Warburton ou dans « L’Iris, une Fleur Royale » de R. Cayeux, l’explication est la même, au mot près. Cette tache, ou plutôt ce « signal », est un héritage direct de l’espèce Iris pumila qui est à la base des croisements ayant abouti aux premiers SDB. C’est un trait tenace avec lequel les hybrideurs ont joué pour obtenir soit des fleurs absolument unicolores (donc en éliminant totalement le signal), soit un signal nettement délimité, avec un bon contraste par rapport à la couleur du reste de la fleur.

Dans le genre, les hybrideurs s’en sont donné à cœur-joie en matière d’associations de couleurs. On trouve réellement de tout, du ton sur ton comme des associations clair/foncé dans toutes les teintes possibles. On en restera cette fois au mariage du blanc, pour la couleur de base, et du bleu (ou du violet) pour celle du signal.

Voici ce qui est écrit dans « The World of Irises » à ce propos :
« Le blanc avec une tache bleue donne, au jardin, un effet différent et charmant. C’est le cas avec ‘Blue Pools’ (1), blanc et bleu moyen ; ‘Boo’ (2), blanc et bleu foncé ; et ‘Twinkle Toes’ (3), blanc et violet. »

Il faut aussi parler de deux dispositions voisines, le halo et les rayures. Dans le halo, la zone colorée se limite à un anneau plus sombre ou contrastant autour des barbes, tandis que dans les rayures des veines plus ou moins longues divergent à partir du cœur et s’éteignent avant d’atteindre les bords.

L’un des meilleurs obtenteurs américains de SDB est Paul Black. Dans le genre qui nous occupe aujourd’hui il n’est pas en reste et son ‘Tu Tu Turquoise’, de 1989, est particulièrement agréable à regarder. Il descend de ‘Blue Pools’ cité précédemment. Black a récidivé dans le genre en obtenant le splendide ‘Puddy Tat’ (2002) où le signal, très large, est d’une parfaite netteté, avec un fort contraste. Puis, dans cette lignée, il faut citer ‘Big Blue Eyes’ (2005) qu’on peut classer dans les iris « à rayures », mais qui descend directement de ‘Puddy Tat’, et le brillant ‘Riveting’ (2009), fils de ‘Big Blue Eyes’. Voilà une bien belle famille !

Un autre spécialiste des SDB, qui fait partie de ceux qui ne dédaignent pas le modèle « blanc, signal bleu » façon ‘Boo’, est Donald Spoon. Plusieurs de ses obtentions méritent qu’on en dise deux mots, et en particulier ‘My Kayla’ (2000) et ‘Earth and Sky’ (2006). Même si elles ne sont pas directement parentes, ces deux variétés présentent beaucoup de similitudes dans leur aspect. Pour obtenir ‘My Kayla’ Donald Spoon a fait appel à deux vieux guerriers : ‘U-Turn’ (Boswell, 1989), qui comporte le fameux signal, et ‘Pippi Longstockings’ (Innerst, 1984), jaune unicolore. Pour ‘Earth and Sky’ il s’est servi uniquement de ‘Rainbow Rim’ (Spoon, 2000) dans un très rare auto-croisement (rare car n’étant fécond qu’exceptionnellement). Cet iris est jaune avec un signal bleu, il est lui-même issu de ‘Being Busy’ (Hager, 1992) qui porte un gros signal acajou sur fond jaune, et de ‘Little Showoff (Earl Hall, 1989), blanc glacier à barbes bleues.

Donald Spoon a pensé à marier sa lignée avec celle de Paul Black. ‘Tu Tu Turquoise’ associé à ‘Snow Tree’ (Sobek, 1990) est à l’origine de ‘Tropical Blue’ (Spoon,2002), lequel, croisé avec ‘Tropical Shoals’ (Spoon, 2002) a donné ‘Karen Jones’ (Spoon, 2008) qui est lui-même à l’origine de ‘Teagan’ (Spoon, 2009) et de ‘Blue Hues’ (Spoon, 2010) : tout ce monde là fait partie de la famille des blanc avec signal bleu. Et on peut s’attendre à ce que la série ne s’arrête pas là.

Comme on peut le constater, les chemins pour parvenir au modèle ‘Boo’ sont très différents. Cela signifie que ce signal, si difficile à faire partir pour obtenir des iris unicolores, ne tarde pas à réapparaître dès qu’on lui en donne la possibilité. Ne dit-on pas que quand on chasse le naturel, celui-ci revient au galop ?



(1) B. Jones, 1972
(2) L. Markham, 1971
(3) B. Blyth, 1973