Je suis fier d’avoir pour ami Bernard Laporte, l’obtenteur vivarois dont la renommée en France ne fait que croître. Nous nous fréquentons depuis ses débuts, du temps où les iris ne constituaient pour lui que le passe-temps d’un homme attaché à son travail autant qu’à sa terre, mais particulièrement sensible à la beauté et atteint par le virus de l’iridophilie. Dès ses premiers pas dans l’hybridation, il s’est intéressé aux choses originales et a eu un vrai coup de cœur pour les iris à éperons. A cette époque il était un des rares en France à voir de l’avenir à ces appendices dont d’autres, et des plus fameux, ne voyaient pas l’intérêt. Pendant des nombreuses années il a acheté chez lez producteurs français mais aussi directement aux USA, en Slovaquie et en Australie un grand nombre de variétés nouvelles. Il s’est ainsi constitué un panel génétique considérable dont il a appris à se servir avec goût et habileté, ce qui prouve qu’il n’est pas nécessaire d’être un profond connaisseur de la génétique pour entreprendre de créer des iris. J’ai vu peu à peu ses créations acquérir des qualités qui les ont vite rangées parmi les plus belles. Le succès de ‘Iriade’ (2004) l’a convaincu d’enregistrer ses meilleurs semis, geste que, par modestie et timidité, il n’avait pas osé faire auparavant. C’est Virginie Fur qui a, par la suite, porté sur les fonts baptismaux certaines de ses obtentions, comme ‘Mamy Framboise’ (2004) qui s’est fait remarquer à FRANCIRIS © 2007. A partir de ce moment, le nom de Bernard Laporte a parlé aux amateurs d’iris.
Depuis qu’il est à la retraite et qu’il peut consacrer à ses iris beaucoup d’un temps qui n’est jamais assez long pour lui tant il est occupé, ses obtentions ont acquis en maîtrise, élégance et originalité. Ce qui m’autorise aujourd’hui à parler d’un croisement extrêmement prometteur, réalisé en 2006 : le croisement 06-33 qui est (inconnu X (Honky Tonk Blues x Decadence)). Un accident dans la transcription de la parentèle est à l’origine de cette « mère » inconnue qui nous prive de renseignements précieux. Mais ce qui importe avant tout ce sont les résultats, et la satisfaction de voir que le couple (Honky Tonk Blues X Decadence) était porteur d’espoir.
Les quatre fleurs dont il est question maintenant portent toutes les qualités de leur « père » et de leurs grands parents paternels. C’est à se demander si l’inconnu maternel ne cache pas une mère porteuse, parfaitement neutre dans les gènes des enfants. De ‘Honky Tonk Blues’ (Schreiner, 1988) elles ont l’aspect délavé, s’éclaircissant vers les bords, la forme impeccable, signature de la maison Shreiner, et les qualités végétatives rassurantes. De ‘Decadence’ (Blyth, 2004) le bouillonnant cultivar dont l’apparence déchaîne des passions contradictoires, elles tiennent les abondantes ondulations et les traces de jaune et de rouge acajou. Le résultat, c’est un quatuor de fleurs étranges, fantomatiques, où les couleurs se mélangent autour d’une base grise bleutée ; quelque chose de rare mais de saisissant. Je les ai vues dans la fraîcheur d’un matin de mai 2010, sur les pentes rocailleuses de la pépinière ardéchoise de Bernard Laporte, au milieu d’un grand nombre de nouveautés souvent alléchantes. Elles vont fleurir cette année dans mon jardin tourangeau, à l’essai sous d’autres cieux, sous un climat et dans un sol complètement différents, avant un enregistrement éventuel si leurs qualités apparentes se révèlent fiables et si leur robustesse les prédisposent à se prêter à une éventuelle commercialisation.
Comme je fais chaque fois (je n’aime pas les identifications chiffrées car je suis plus littéraire que scientifique), j’ai donné un nom provisoire à chacun de ces quatre iris. Un nom tiré du folklore finlandais et de la musique de Jan Sibelius.
‘Kullervo’ (06-33-14) : un fond de fleur blanc crémeux, des pétales bleu lavande, des épaules brun rougeâtre, une petite flamme blanche sous une barbe jaune orangé, dans une fleur bien ondulée ;
‘Luonnotar’ (06-33-26) : le plus clair de la fratrie, en gris bleuté, plus sombre sur les côtes des pétales, s’étalant sur un fond crème, autour de barbes jaunes ;
‘Tapiola’ (06-33-30) : un mauve lavande, recouvrant une base brun noisette, plus foncée aux épaules, plus claire sur les styles, bien visibles, avec des barbes jaune moutarde ; une fleur gracieusement mouvementée ;
‘Tuonela’ (06-33-36) : une infusion de mauve améthyste sur un fond brun noisette, plus sombre au centre des sépales, sous une barbe orange, volumineuse.
Les photos de Delphine Laporte rendent bien justice à ces iris peu courants que je me réjouis de posséder.
1 commentaire:
Tous sont beaux! J'aime les tons gris fumé. J'espère que certains d'atteindre les Etats.
~Brock
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