13.1.12
LES MANDARINS
Il y a quelques mois une chronique a été consacrée ici à l’australien Barry Blyth. Si cet homme peut être qualifié d’« Obtenteur de Première Classe » (comme on disait jadis d’un pharmacien), il a actuellement dans le monde quelques rivaux qui lui disputent amicalement ce titre. Dans son propre pays on trouve Graeme Grosvenor, en France il y a Richard Cayeux, mais surtout, aux Etats-Unis, on doit prendre en compte Keith Keppel et Paul Black. Ces deux-là, qui travaillent depuis de longues années et ont acquis une large renommée depuis bien longtemps, ont brusquement connu une nouvelle gloire depuis le début du XXIeme siècle. Ils sont, en quelque sorte, passés à la vitesse supérieure. Et cette accélération est liée à leur déménagement vers le paradis des iris, la vallée de la Willamette, dans l’Oregon.
Keith Keppel a commencé à s’intéresser aux iris en 1953 quand il en a découvert une plantation dans un jardin proche de chez lui. Peu après il a commencé à en cultiver dans son jardin, avec ‘Snow Flurry’ (Rees, 1939) parmi ses premières acquisitions. En 1957, dans une publicité publiée dans un magazine de jardinage, il fit la connaissance de l’American Iris Society. Il a rapidement envoyé un bulletin d’adhésion avec une question : « Comment faire pour devenir juge ? » En peu de temps il a fait son apprentissage et est très vite devenu l’un des experts les plus avertis en ce domaine. Il a commencé à hybrider et a enregistré les variétés qu’il obtenait à partir de 1961. On pouvait dès cette époque parier que ce nouvel obtenteur allait faire parler de lui. De fait il a connu le succès très rapidement quand l’une de ses premières introductions, ‘Babbling Brook’ (1965), a obtenu la Médaille de Dykes en 1972. ‘Roundup’ (1974) est une variété qui a déjà toutes les qualités que l’on reconnaît aux produits signés Keppel : plante gracieuse, légère, fleurs petites mais bien formées ; mais en plus cet iris a orienté la carrière de son obtenteur vers les plicatas, dont il s’est fait une spécialité. Tout au cours des années 1970/1980, Keppel nous a donné une foule d’iris excellents, mais, curieusement, et malgré de nombreuses récompenses intermédiaires, le succès de 1972 ne s’est pas renouvelé. Les variétés Schreiner trustaient à l’époque les plus hautes récompenses.
Keppel habitait alors à Stockton, en Californie. Il a déménagé pour Salem en Oregon entre les saisons 92 et 93. Et c’est à partir de ce moment que son talent s’est affirmé et qu’il a commencé son ascension vers le firmament du monde des iris. Une ascension qui a abouti à une nouvelle Médaille de Dykes en 2004, pour ‘Crowned Heads’ (1997), suivie de deux autres, pour ‘Sea Power’ (1999) en 2006 et pour ‘Drama Queen’ (2003) en 2011. Ajoutons à cela qu’il n’est guère de nouvelle variété qui n’obtienne au moins un AM, qu’il s’agisse d’un grand iris ou d’une variété naine ! Aujourd’hui Keith Keppel, Mister Plicata comme il s’appelle lui-même, n’est pas un simple obtenteur, c’est véritablement un « mandarin ».
Paul Black a eu une tout autre destinée. Originaire de l’Oklahoma, une région quasi désertique et donc peu propice à la culture des fleurs. C’est à sa grand’mère Ruth Black qu’il dit devoir ses talents de jardinier, et c’est dans le jardin de cette dernière qu’il a commencé à s’intéresser aux iris. Encouragé par Perry Dyer, il a rapidement entrepris ses premiers croisements. En 1979 il s’est lancé dans les affaires avec ce même Perry Dyer, qui publiait déjà un catalogue pour ses « Contemporary Gardens ». C’est un partenariat qui a duré deux ans. Paul a alors abandonné son travail régulier et a commencé son propre commerce d’iris. Le premier catalogue de « Mid-America Garden » est sorti en 81 et les premières introductions de Paul y ont figuré dans l’édition de 1982. La progression a été rapide et remarquable, et a duré jusqu’en 1993. A partir de ce moment une série de catastrophe a failli contraindre Paul Black à abandonner les iris. Il faudra attendre trois ans avant qu’une liste de grands iris soit de nouveau au catalogue.
Convaincu que l’Oklahoma n’était décidément pas une terre d’iris, Paul, accompagné de son compère Ton Johnson, a cherché, et trouvé, en 1998, un pays d’accueil en Oregon, précisément à Salem, à proximité immédiate de la propriété acquise par Keppel quelques années auparavant ! Après des années de bataille avec de nombreux problèmes de climat et de maladie, Paul était enfin arrivé au paradis. De passionnantes introductions ont suivi dans toutes les catégories et en particulier parmi les petits iris dans lesquels Black excelle. Jusqu’à présent la chance ne lui a pas donné l’occasion de remporter la DM, mais ‘Tom Johnson’ (1996) l’a frôlée en 2004 et 2005. Cette suprême distinction viendra un jour ou l’autre. En attendant les récompenses de toutes sortes ont honoré les iris de Paul Black. Il triomphe sur tous les tableaux et c’est tout à fait justifié. Lui-aussi mérite le titre de « mandarin ».
Illustrations :
· Portrait de Keith Keppel, par Hugh Stout ;
· Portrait de Paul Black, par Hugh Stout ;
· ‘Roundup’ (Keppel, 1974) par Greg Hodgkinson ;
· ‘Chubby Cheeks’ (Black, 1984), par Laurie Frazer.
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