13.7.12

EVA FAUGHT ou MADAME CAHOKIA

La vaste plaine, au centre des Etats-Unis, où coulent le Mississipi et le Missouri est une région qui a donné naissance à un grand nombre de personnages éminents du monde des iris, depuis la première moitié du XXeme siècle jusqu’à nos jours. Eva Faught fait partie de ces gens-là.

Dans un article publié récemment sur le blog de l’AIS, l’excellent Mike Unser, spécialiste des iris historiques, donne quelques précisions sur cette personne de qualité. « Je crois, dit-il, qu’elle est née dans l’Iowa (1), mais elle a vécu la plus grande partie de sa vie à Carbondale, Illinois (2) où elle exerçait la profession de bactériologiste. » Ce n’est pas la première fois qu’on rencontre un scientifique s’intéressant à l‘hybridation. Peut-être que le côté savant de cette activité a des corrélations avec celle du chercheur. En tout cas Eva Faught ne s’est pas officiellement lancée dans l’hybridation dès sa tendre jeunesse : ses premiers enregistrements datent des années 1940, alors qu’elle avait dépassé l’âge de cinquante ans. D’ailleurs ces enregistrements ne furent pas nombreux : seulement une quinzaine de nouvelles variétés, mais parmi celles-ci deux qui ont marqué. Il y a plusieurs hybrideurs (ou plutôt hybrideuses) qui ont connu le succès pour une seule variété. Ce fut le cas de Clara Rees avec son fameux ‘Snow Flurry’ ou de Lois Kuntz grâce à ‘Debby Rairdon’. Eva Faught a fait coup double. Mike Unser continue en disant : « Dans les années 1940 elle a commencé à travailler avec beaucoup des bleus de Californie, et à partir d’un croisement complexe incluant 'Purissima', 'Santa Barbara', et 'Santa Clara' elle a créé un des meilleurs bleus de l’irisdom : ‘Cahokia’. » Ajoutons que ce ‘Cahokia’ (Faught, 1946) avait un frère jumeau baptisé ‘Pierre Ménard’ (Faught, 1948). Le premier était un bleu clair, le second un bleu foncé.

L’un et l’autre ont connu immédiatement le succès et ils ont été abondamment utilisés par tous les obtenteurs du moment, de telle sorte qu’aujourd’hui on compte environ 170 variétés issues en direct de l’un ou l’autre de ces deux frères.

‘Pierre Menard’ doit avoir au moins 90 descendants enregistrés dans le pedigree desquels son nom apparaît à un niveau ou à un autre. C’est du moins ce que dit la base de données « Iris Register » de l’AIS. Cela donne une idée de la quantité d’iris qui proviennent de lui ! Dans cette brassée de vedettes, on trouve un grand nombre de noms devenus célèbres à leur tour, comme ‘Allegiance’ (Cook, 1957), ‘Dialogue’ (Ghio, 1970), son frère de semis ‘Mystique’ (Ghio, 1972) et son cousin ‘Intuition’ (Ghio, 1975).

Cependant c’est ‘Cahokia’ à lui seul qui a assuré la célébrité d’Eva Faught. De lui descendent en effet des variétés aux innombrables rejetons. Orville Fay, Paul Cook et Georgia Hinkle ont assuré son triomphe. Le premier avec ‘Rippling Waters’ (Fay, 1952), le second avec ‘Whole Cloth’ (Cook, 1956) et la troisième avec ‘Symphony’ (Hinkle, 1956). Il est pratiquement impossible de compter les iris qui sont issus de ces illustres variétés.

Cela dit à quel point les jumeaux d’Eva Faught sont des éléments essentiels de l’histoire de l’hybridation. Ne leur doit-on pas au moins sept vainqueurs de la DM ? On aurait pu s’attendre à ce que des variétés aussi intéressantes reçoivent la reconnaissance du monde des iris sous forme d’une distinction particulière, mais ce ne fut pas le cas. Ce n’est pas la première fois que la Dykes Medal ignore les iris qui deviendront des pierres angulaires, ‘Snow Flurry’ a été oublié de la même façon. ‘Pierre Menard’ et ‘Cahokia’ n’ont pas dépassé le stade de l’Award of Merit… Leur récompense est ailleurs, dans le fleuve de leurs descendants et la place inestimable qu’ils ont prise dans le monde des iris.

Le nom de Miss Faught est aujourd’hui un peu perdu de vue. Qui se souvient encore de variétés comme ‘Carbondale ‘ (Faught, 1954), ‘Illinois Sunshine’ (Faught, 1949) ou ‘Roxy’ (Faught, 1954) ? Heureusement pour elle ( et pour nous !) que ses jumeaux sont là pour nous rappeler son existence et la place qu’elle tient dans les milieux de l’iridophilie.


(1) en 1888.
(2) L’Iowa est sur la rive droite du fleuve, l’Illinois sur la rive gauche.


Iconographie

‘Cahokia’ (Faught, 1946)
‘Pierre Menard’ (Faught, 1948)
‘Allegiance’ (P. Cook, 1957)
‘Symphony’ (G. Hinkle, 1956)

2 commentaires:

la marmotte a dit…

j'ai u iris qui ressemble beaucoup au Symphony et je ne connais pas son nom.. est ce que je peux vous envoyer une photo ?

(emilie.labrestoise@free.fr)

Sylvain Ruaud a dit…

Oui, envoyez-moi une photo, mais sachez qu'il est très hasardeux de donner un nom au vu d'une simple photo. Tout au plus peut-on en proposer un, sans garantie, évidemment !