17.7.15

N'OUBLIONS PAS LES FONDAMENTAUX !

Dans les sports d'équipe, football, rugby, les joueurs se laissent parfois aller, dans leur désir de bien faire, à compliquer leurs prestations jusqu'à perdre de vue les gestes de base et les règles du jeu. C'est alors que les entraîneurs, dans les vestiaires, les exhortent à revenir aux « fondamentaux ». C'est en effet en gardant à l'esprit les éléments essentiels que l'on obtient les meilleurs résultats. Dans le monde des iris il en est de même. Depuis les débuts de l'hybridation sont apparues certaines variétés qui se sont révélées être les bases du travail, ou être des étapes incontournables, des jalons qu'on ne peut pas négliger.

 Aujourd'hui nous allons en évoquer quelques unes, et dans un prochain article nous parlerons d'un certain nombre d'autres.

 'Snow Flurry' ou notre père à tous. 

Chacun a en mémoire l’histoire de Clara Rees qui a croisé 'Purissima' (Mohr-Mitchell, 1927), un tétraploïde blanc, avec le rose 'Thaïs' (F. Cayeux, 1926), et obtenu seulement deux graines. Il n’y a qu’une de ces deux graines qui a germé, mais le produit a dépassé toutes les espérances : Un iris blanc, tétraploïde, impeccablement coiffé, ondulé, bref une fleur parfaite. C'était en 1939. Le nom qui fut donné à cette merveille est 'Snow Flurry'. Ce n’est pas une plante très fertile, elle produit peu ou pas de pollen, mais heureusement elle se comporte en bonne génitrice et les enfants qu’elle a eus son tous formidables. Avec ce cultivar Madame Rees avait obtenu le plus fameux iris blanc des temps modernes. Tous les obtenteurs de l'époque ont voulu en disposer et l'on abondamment utilisé dans leurs croisements. Tous savaient que cette fleur parfaite, agrémentée de gracieuses ondulations, allait faire progresser les iris d'une façon considérable. Ils ne s'étaient pas trompés. 'Snow Flurry' est à l’origine d’une foule de descendants, dans un grand nombre de coloris. Parmi ceux-ci, au premier rang, on trouve de nombreuses variétés blanches de premier plan comme 'New Snow' (O. Fay, 1946), 'Tranquility' (O. Fay, 1950) ou 'Celestial Snow' (Reckamp, 1957), qui, toutes, reproduisent les qualités de 'Snow Flurry'. Mais le choix est aussi important parmi les fleurs bleues : 'Blue Sapphire' (Schreiner 53 – DM 58), bleu à barbes jaunes, 'Lord Baltimore' (Nearpass 69), néglecta bleu ou 'Champagne Music' (Fay 64), amoena bleu, qui a eu lui-même une abondante descendance. Parmi les autres coloris, le choix est aussi important. C'est ainsi que, de nos jours, il ne doit pas y avoir de nouvelle variété qui ne comporte dans ses gènes ceux de 'Snow Flurry'. Pour être fondamentale, cet variété l'a été de manière absolue.

 'Whole Cloth' ou l' origine des amoenas

Avec plus de 300 descendants au premier degré enregistrés, 'Whole Cloth' fait partie des variétés les plus utilisées en hybridation. La raison ? C'est à partir de celui-ci que l'on a découvert des iris amoenas fiables et faciles à obtenir. Auparavant, l'obtention de vrais iris amoenas (blanc/bleu) était un événement exceptionnel, comme ce fut le cas pour 'Wabash' (Williamson, 1936). Plusieurs spécialistes ont émis à ce sujet différentes hypothèses, mais cela n'a pas rendu le problème plus facile à résoudre. C'est seulement avec l'apparition de 'Whole Cloth' (Cook, 1956) qu'une solution pratique a été mise en œuvre.

 'Whole Cloth' fait partie de ce que j'ai appelé le tiercé gagnant de M. Cook. En recroisant un descendant direct de l'espèce I. reichenbachii, le petit 'Progenitor' avec le fameux 'Cahokia' (Faught, 1946), une des souches d'iris bleus, Paul Cook a obtenu un iris dont la couleur des pétales a été totalement inhibée, mais qui a conservé tout le bleu de ses sépales. 'Whole Cloth' est à l’origine d’un nombre incroyable d’iris de toutes sortes. On ne peut qu’en citer quelques-uns, en commençant par 'Miss Indiana' (Cook 61) qui reste l’un des plus brillants amoenas, avec une forme parfaite, et qui a eu lui-même une riche descendance. Les Français 'Cascadeur' (Cayeux 69) et 'Fantaisie' (Cayeux 68), les célèbres 'Latin Lover' (Shoop 69), 'Lilac Champagne' (Hamblen 65), 'Lord Baltimore' (Nearpass 69), 'Milestone' (Plough 65), 'Navajo Blanket' (Schreiner 78), et les exceptionnels 'Dialogue' (Ghio,  1973) et 'Mystique' (Ghio, 1975).

Whole Cloth est actuellement présent dans les gènes de pratiquement tous les iris amoenas.

 'Rippling Waters' ou l'ancêtre des iris modernes. 

 'Rippling Waters' (Orville Fay, 1961) a, plus encore que le précédent, marqué l'histoire des iris. On lui connaît aujourd'hui 367 descendants directs officiellement recensés. Autant dire que parmi les iris modernes il ne doit pas y en avoir beaucoup chez qui ses gènes ne sont pas présents. Il faut dire qu’il s’agit d’une plante proche de la perfection dans la forme, et riche d’un potentiel génétique qui n’a échappé à aucun des obtenteurs importants des années 60, 70, et même 80.Il faut dire qu’il s’agit d’une plante proche de la perfection dans la forme, et riche d’un potentiel génétique qui n’a échappé à aucun des obtenteurs importants. Du point de vue de la couleur, il s’agit d’un iris lilas, à barbes mandarine, ni spécialement original, ni spécialement spectaculaire, mais néanmoins un très belle fleur remarquée par tous les amateurs et couronnée de la Médaille de Dykes en 1966. Il descend de 'Native Dancer' (Fay, 1953), une variété issue elle-même du fameux 'Snow Flurry', et de 'May Hall' (Hall, 1952), un rose « flamant », avec des barbes mandarine, certes pas ondulé, mais portant les gènes pour cette particularité.

 Mis à toutes les sauces dans son pays d'origine, hors des Etats-Unis, 'Rippling Waters' a aussi été utilisé : par exemple en Grande Bretagne par Barry Dodsworth ('Bewick Swan', 1980) – BDM 85), et même dans le lointain Ouzbékistan par Adolf Volfovitch Moler qui en a obtenu plusieurs remarquables variétés comme 'Ikar', florin d’or à Florence en 1995. A noter que parmi ces descendants directs, si nombreux, il n'y a aucun iris français...


 'April Melody', ou la chanson des plicatas. 

Celui qui voudrait connaître les origines de ‘April Melody’ (J. Gibson, 1967) sera forcément déçu, et même Keith Keppel, qui est le détenteur des carnets de Jim Gibson, ne peut que très partiellement nous renseigner bien qu’il ait été l’un des plus ardents utilisateurs de cette variété dans son travail d’hybrideur. On sait que 'New Adventure’ y est associé à des semis où interviennent ‘Taholah’ (J. Gibson, 1956), ‘Ballerina’ (D. Hall , 1950) et ‘Happy Birthday’ (D. Hall, 1952). Le côté plicata est assuré par ‘Taholah’ et le côté rose à barbes mandarine par les variétés de David Hall. ‘April Melody’ est une des variétés les plus jolies qu’on puisse trouver dans les fraîches couleurs de rose bleuté. Les pétales sont d’un délicieux rose tendre, les sépales blancs sont cernés d’un plumetis de mauve améthyste, et les barbes mandarine réveillent l’ensemble. La fleur dans son ensemble est joliment formée, ondulée et frisée. Il a maintes fois été utilisé par Gibson lui même pour tout un pan de son travail sur les plicatas ; il a surtout fait partie du panel de base de Keppel. Il a eu pour compagnons dans l’aventure ‘Irma Melrose’ (DeForest, 1955), ‘Rococo’ (Schreiner, 1959), ‘Tea Apron’ (Sass, 1960) et ‘Osage Buff’ (Gibson, 1973). Dans tous les cas les pedigrees sont d’une évidente complexité.

 Le modèle plicata est propre aux iris. On le découvre dans les peintures de la Renaissance. C'est celui des tout premiers cultivars retenus par les pionniers de l'iridophilie, dès le deuxième tiers du XIXeme siècle. A côté des unicolores traditionnels il a représenté la fantaisie la plus répanduependant de nombreuses années. L'usage qui a été fait de ‘April Melody’ lui a donné un nouvel élan. A ce titre cette variété remarquable fait véritablement partie des pierres angulaires de l’hybridation des plicatas au même titre que les cultivars plus anciens comme ‘Sacramento’.

 'Condottiere' ou quand la France devance l'Amérique. 

Terminons ce premier tour d'horizon par le fabuleux 'Condottiere'. Fabuleux, parce qu’il fait partie de la vingtaine de variétés les plus utilisées en hybridation. Fabuleux aussi par la qualité de ses descendants et l’originalité de leurs coloris.

 'Condottiere' a été introduit par Jean Cayeux en 1978. C’est une grosse fleur en deux tons de bleu-mauve, avec une barbe rouge minium. Cette barbe, il la tient de sa « mère », 'Falbala' (Cayeux 78), qui la tient lui-même de ses grand-parents et arrière grands-parents. Quant à la teinte bleu-mauve, elle provient à la fois de 'Falbala' et de 'Triton' (Julander 62), une de ses « grands-mères ». Richard Cayeux, dans son livre « L’iris, une fleur royale » explique très bien comment, à partir d’iris amoena ('Whole Cloth') ou provenant de la même lignée ('Emma Cook'), on a obtenu ce néglecta aux capacités génétiques remarquables.

 L’une des aptitudes de 'Condottiere' est de transmettre à ses descendants ses deux caractéristiques essentielles, le modèle amoena (pétales blancs, sépales bleus) et la barbe rouge. A la Maison Cayeux elle fut mise à profit pour la nombreuse série des iris dits « tricolores » (bleu/blanc/rouge), mais aussi pour quelques autres, en particulier pour des néglectas ou bicolores à barbes rouges. Aux États-Unis 'Condottiere' a été utilisé fréquemment pour les barbes mandarines, notamment par le génial Monty Byers qui en a tiré ses plus énormes réussites ('Conjuration' (1988), 'Mezmerizer' (1990)...), mais aussi pour des variétés aussi diverses que 'Magic Kingdom' (1989), 'Starship' (1989) ou 'St Petersburg' ( 1990), et plusieurs autres. De très nombreux hybrideurs s'en sont servis pour bien autre chose, ce qui fait que l'on a là l’un des iris les plus importants du vingtième siècle.

Ce ne sont là que cinq variétés parmi celles dont il ne faut pas oublier le rôle dans l'histoire de l'hybridation. Un autre jour nous rappellerons l'importance d'un autre contingent de jalons essentiels.

 Illustrations : 


 'Snow Flurry' 


'Whole Cloth' 

'Rippling Waters' 


'April Melody' 


'Condottiere'

1 commentaire:

Anonyme a dit…

BRYAN Dodsworth, non pas Barry.