12.2.16

A PROPOS DES ENREGISTREMENTS

Il y a quelques mois, une intervention sur Internet m'a amené à réfléchir sur le sujet de la vie « administrative » d'un iris. C'est un commentaire de Robert Piatek à propos d'une de ses obtentions dont il disait qu'il en envisageait l'introduction pour 2016. Pourquoi ce terme d' « introduction » ? C'est une expression qui, en fait, n'a de sens qu'en Amérique. Il signifie dans ce pays qu'une variété préalablement enregistrée auprès de l'AIS est officiellement proposée au commerce et qu'elle entre donc dans la grande compétition qui conduit à l'attribution des diverses récompenses qui émaillent la vie d'un iris aux USA. Cette « introduction » consiste à inscrire la variété concernée dans le catalogue d'un pépiniériste ou à la proposer à la vente par l'intermédiaire du bulletin officiel de l'AIS. Ailleurs dans le monde on ne peut pas parler d'introduction. Tout au plus peut-on dire « mise sur le marché », mais cela n'a aucune signification particulière.

Tout autre est le rôle de l'enregistrement.

L'enregistrement est, pour un iris la certitude qu'il est unique et que toute confusion à son propos est impossible. Il faut donc que tout ce qui est dit sur lui soit exact et que l'on puisse se fier au pedigree qui est indiqué. Les grands hybrideurs appliquent cette règle avec scrupule, ce qui justifie que parfois ils préfèrent déclarer une variété comme « née de parents inconnus » plutôt que de donner un pedigree dont ils ne seraient pas certains. C'est tout à leur honneur. En revanche rien n'est authentifié au sujet d'une variété qui n'est pas enregistrée. Officiellement, elle n'existe pas. D'où, avec elle, un certain nombre de risques. Par exemple, risque de confusion avec un homonyme dûment enregistré. Cette confusion peut avoir de sérieuses conséquences, en matière d'hybridation notamment : prenons un cultivar enregistré baptisé A et un autre non enregistré qui porte le même nom ; lequel des deux se cache derrière un croisement qui fait état du nom A ?

Les Américains sont très scrupuleux sur ce sujet. J'ai l'impression qu'on l'est un peu moins en France. Combien de fois a-t-on vu, ces dernières années, des variétés commercialisées sans être encore enregistrées, qui se sont fait connaître et apprécier sous le nom qu'on trouve au catalogue, et qui, au moment de leur enregistrement tardif ou à l'occasion de la protestation d'un obtenteur, sont obligées de modifier ou de changer le nom sous lequel elles sont connues ? C'est un incident qui touche le plus souvent des obtenteurs non professionnels, qui n'ont peut-être pas conscience de l'erreur qu'ils commettent, mais il s'est produit que des « pro » agissent de même, ce qui est moins excusable.

 Une règle déontologique, comme je l'ai lu récemment, devrait être respectée par tous ceux qui font commerce des iris. Cette application devrait être spontanée car nul organisme n'est en mesure de la faire respecter : il n'y a pas de gendarme des iris ! Et ce respect me paraît d'une importance primordiale. C'est pourquoi, quand j’ai, un jour, entendu dire : « mes clients ne s'intéressent pas au nom de ce qu'ils achètent », j'ai été consterné. Cette réflexion est sans doute vraie en ce qui concerne les personnes qui achètent des iris dans le seul but de décorer leur jardin, mais elle tient pour négligeable ceux qui auraient l'intention de pratiquer l'hybridation avec les iris achetés, lesquels auront besoin non seulement du nom officiel de la variété, mais aussi de son pedigree aussi précis et exact que possible. Enfin elle oublie que l'obtenteur d'une variété a droit à ce que son travail soit reconnu, même s'il ne doit pas compter sur des droits d'auteur !

Faire preuve de laxisme à ce sujet est d'autant plus regrettable que les formalités à accomplir pour procéder à un enregistrement son tout à fait simples et relativement peu coûteuses : un document à se procurer près d'un « registrar »(1) (il y en a un pour presque tous les pays) et à remplir, une petite somme à payer et l'affaire est faite. Le déclarant reçoit un certificat portant le nom attribué à la variété nouvelle, qui garantit l'unicité de ce nom. Il est bien plus difficile, pour qui n'est pas soi-même pépiniériste, de trouver un distributeur pour faire assurer la diffusion de son œuvre, mais, comme disait Rudyard Kipling, « ceci est une autre histoire ! »

(1) « Registrar » est un mot américain qu'on pourrait traduire par « greffier », si nous n'étions pas si conditionnés par la langue anglo-saxonne.

 Illustrations : Quatre variétés qui ont souffert d'un enregistrement différé :

'Aïda Rose' (Ségui, 1998) 
– mis sur le marché en 1988 sous le nom de 'Aïda', un 'Aïda' existait depuis les années 1930 ;

'Rive Gauche Paris' (Sazio, 2012) 
 – mis sur le marché en 1993 sous le nom de 'Rive Gauche', il existait un 'Rive Gauche' (Aitken, 1979)  ;

'Lumière d'Automne' (Besse, - 2009)
 – mis sur le marché en 1992, enregistrement longtemps différé, réclamé par les hybrideurs qui, l'ayant utilisé ou ayant l'intention de le faire, voulaient connaître absolument son pedigree ; ce sont les hybrideurs qui, cette fois ont pâti de l'absence d'enregistrement ;

'Monsieur-Monsieur' (Ségui, 1998) 
– mis sur le marché en 1994 sous le nom de 'Monsieur' , ce nom, tout seul, a été refusé par le registrar.

1 commentaire:

AF a dit…

Bonjour,
Quelques précisions concernant 'Rive Gauche Paris' et 'Lumière D'Automne'.
Il faut d'abord rappeler qu'après 1991, Iris en Provence n'a plus enregistré aucune de ses introductions d'iris jusqu'en 2009.
Cette année-là, Loïc Tasquier demande à Laure de "déclarer" 'Lumière D'Automne' à l'AIS car les hybrideurs le réclamaient. Je ne sais d'où vient cette "rumeur" parce qu'à ma connaissance il n'y a que 2 descendants de cet iris : 'Zlonice' (Yoakovchuk, 2012) et 'Tanets Vohniu' (Konvalenko, 2013)...
En 2011, avec le lancement du Blog iris-en-provence.fr, nous avons voulu archiver, conserver et valoriser le "patrimoine" de la pépinière. Huit iris introduits dans les années 90 et toujours commercialisés ont été enregistrés par Laure en 2012 : 'Rive Gauche Paris' et 'Massalia', 'Myre', 'Nuit de Chine', 'Nuit Fauve', 'Oisaeu Lyre', 'Papillon D'Automne', 'Samarcande Grège'.
Cordialement, Alain FRanco.