7.7.17

AU PLUS JUSTE

En anglais de jardin pour décrire des fleurs un peu raide d'apparence on dit qu'elles sont « tailored », un mot qu'il n'est pas facile de traduire puisque il signifie « ajusté » ou « sur mesure », ce qui ne correspond pas exactement au sens qui est le sien en matière horticole. Usons plutôt d'une périphrase et disons qu'il s'agit de fleurs qui semblent découpées dans un tissu un peu lourd et qui, de ce fait, ne présentent ni frisures ni ondulations. Lawrence Ransom avait une préférence pour elles tout comme pour celles qui sont dites « dainty » ou « mignonnes » à cause de leur aspect délicat et de leurs dimensions modestes. A l'heure qu'il est elles paraissent un peu démodées et l'on admire plutôt celles qui présentent de nobles ondulations ou bien s'agrémentent de bords comme déchiquetés, à moins qu'on ne s'extasie carrément pour des pétales bouillonnés comme les dessous d'une robe de danseuse de french-cancan.

Ce n'est pas cet aspect qui était celui des fleurs d'iris des premiers âges, mais bien plus cette allure rigoureuse, plus proche de la destination naturelle des pièces florales, à savoir attirer et accueillir les insectes pollinisateurs. La nature cependant avait également songé à ce que ces iris aient une certaine grâce plaisante à l’œil humain. Les pétales se recourbaient en un berceau protecteur des organes reproducteurs, tandis que les sépales, rétrovertis, offraient aux bourdons une piste d'atterrissage solide et un accès facile au nectar caché au cœur de la fleur. De fait les premiers hybrideurs ne cherchaient pas à modifier la forme de la fleur. Il en est même qui rejetaient systématiquement tout semis présentant une allure hors de l'habituel. Ce n'est qu'à la fin des années 1930, c'est à dire environ cent ans après les premières sélections horticoles d'iris, que certains on trouvé de l'intérêt pour les fleurs ondulées ou laciniées. L'apparition de 'Snow Flurry' (Rees, 1939) a été déterminante en ce domaine. C'est à partir de cette variété que les fleurs ondulées ont été acceptées et même recherchées, de même que c'est à partir de 'Chantilly' (Hall, 1943) que les bords frisés ont eu du succès. Peu à peu ondulations et crêpelures sont devenues des éléments incontournables, et certains, en mal d'originalité, ont sélectionné des fleurs de plus en plus gaufrées allant jusqu'à ces bouillonnés dont il a été question un peu plus haut.

Au début de l'hybridation, donc, les fleurs « raides » étaient les seules : regardez 'Jeanne d'Arc' (Verdier, 1907), ce joli plicata. Cette apparence a persisté longtemps : voyez 'Angelus' (Egelberg, 1937), qui a trente ans de moins. Et cela se poursuit encore pendant bien des années. C'est le cas pour 'Three Oaks' (Whiting, 1940), tout comme pour 'Singar' (Cayeux, 1946) et même pour 'Fairy Rose' (Schreiner, 1964). Toutes ces plantes maintiennent la tradition de la fleur 'tailored ». Pour les variétés anciennes, c'est quelque chose d'inévitable. Pour 'Fairy rose', c'est peut-être une coquetterie, mais il faut bien reconnaître aussi que la famille Schreiner est plutôt du genre conservateur !

Cela dit, dans certains cas, l'obtention d'une fleur à la fois de couleur foncée et comportant des ondulations est restée longtemps très difficile. Prenez le cas de 'Congo Song' (Christensen, 1961) et même de 'Patent Leather' (Schreiner, 1971) qui sont deux iris violets presque noirs et qui conservent l'apparence des variétés plus anciennes. Ce n'est que dans les années 1980 et plus tard que les ondulations ont fait leur apparition sur les iris noirs'. D'ailleurs les fleurs brun-rouge sont à peu près dans le même cas.Les exemples sont nombreux. Ainsi 'Gypsy Jewels' (Schreiner, 1963) ou 'Copper Mountain' (Schreiner, 1978).

En dehors de l'ancien temps, il existe des obtenteurs qui, comme Lawrence Ransom, apprécient les fleurs sans ondulations. J'ai remarqué que c'était souvent le choix de Mont Byers. 'Be Mine' (1985) fait partie de ces iris « tailored », de même que 'Winesap' (1988) qui a fait une brève apparition dans mon jardin.

Même chez les plus grands il arrive que des variétés « tailored » soient encore sélectionnées. Témoin, ce 'Skye' (Blyth, 1988) qui prend un air « à l'ancienne » pas du tout désagréable. Enfin il n'y a pas de doute que Lawrence Ransom a mis en application la forme qu'il appréciait. On peut le voir avec 'Ultimatum' (1993), comme avec 'Parfum de France' (1999) ou encore avec 'En Douceur' (2006).

Les fleurs qui ne présentent ni ondulations ni frisures sont devenues rares. Les hybrideurs, et encore plus leurs clients, donnent aujourd'hui la préférence aux bouillonnés et même aux bords crêpés, même si parfois l'excès de ces ornements contrarie l'épanouissement des corolles. Cependant les meilleurs savent raison garder et proposent des iris gracieusement « ruffled » qui sont autant de preuves d'élégance et de bon goût.

Iconographie : 


'Jeanne d'Arc' 


'Angelus' 


'Patent Leather' 


'Copper Mountain' 


'Be Mine' 


'Skye' 


'En Douceur'

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