17.8.18

LA FLEUR ET LA PLANTE

Il cultive des milliers de variétés d'iris. Le vallon dans lequel il est installé est remarquablement exposé et délicieusement paisible. Son activité prospère et son amour des iris ne fait que croître et embellir. Pourtant voici ce qu'un de ses amis m'a écrit : "Il est un peu désabusé par les nombreux iris qu'il achète de par le monde car il estime (...) que même si son terrain caillouteux ne permet pas réellement de juger d'un branchement, pas mal d'iris sont enregistrés alors qu'ils ne le méritent pas. Il est vrai que lorsque l'on parcourt ses champs de milliers de variétés modernes, on est parfois déçu de voir que des iris encore vendus au prix fort sont juste acceptables." Cela apporte de l'eau à mon moulin. Il n'y a pas longtemps en effet j'ai, ici même, exprimé mes doutes à propos de la prolifération des nouvelles variétés, et mes craintes pour l'avenir des compétitions d'iris (1). Ce que constate notre ami collectionneur remet ces questions sur le tapis.

 Les variétés modernes présentent deux caractéristiques opposées. Le plus souvent elles sont dotées de fleurs superbes, ondulées voire bouillonnées, gracieuses, bien proportionnées, bref parfaitement justiciables d'un enregistrement. Presque à tous les coups elles portent au moins trois tiges ou rameaux et au minimum sept boutons. Mais en sens inverse elles affichent de sérieux défauts :

- les fleurs s'agglutinent sur la tige et se gênent mutuellement au moment de leur éclosion ;
- les branches latérales ne s'écartent pas assez de la tige principale, ce qui, de nouveau, nuit à l'épanouissement des fleurs et à l'aspect général de la plante ;
- ces mêmes branches latérales apparaissent parfois à faible distance les unes des autres en sorte que le bouquet de fleurs prend l'apparence d'un corymbe dressé au sommet d'une tige dénudée, lourd à porter et ayant donc tendance à verser à la première ondée ;
- les tiges inférieures, plantées très bas et de courte taille, ne s'élèvent pas au-dessus du feuillage ce qui dissimule les fleurs qu'elles portent et qui ne sont plus regardées qu'en vue plongeante, un peu comme c'est le cas pour les iris nains.

Voilà pour l'aspect général de la plante, mais qu'en est-il des qualités végétatives ? C'est peut-être à ce propos que les déceptions dont se plaint notre collègue sont le plus flagrantes :
- les plantes que l'on reçoit, de belle apparence, s'avèrent souvent gorgées d'eau et, mises en terre, vivent sur leur réserves avant de commencer d'émettre de nouvelles racines et, par conséquent, demandent du temps avant de repartir ;
- l'adoucissement du climat permet de planter de plus en plus tard, souvent même encore en octobre ; conjuguée au phénomène précédent, ce décalage dans le temps peut aboutir à une reprise trop tardive pour que la nouvelle plante puisse fleurir dès le premier printemps après sa mise en culture ;
- le développement de la nouvelle plante est assez souvent lent et difficile ;
- elle met souvent plus de trois ans avant de former une touffe présentable, quand elle ne végète pas plusieurs années et n'émet de fleurs qu'épisodiquement ;
- fragiles, ces plantes modernes sont sensibles aux maladies et en particulier à la pourriture, cette dernière devenant un véritable fléau pouvant ravager profondément une collection.

Ces constatations jettent le doute sur la qualité des iris d'aujourd'hui et, pour confirmer ce qui a été dit au début de cette chronique, lorsqu'on demande leur opinion aux amateurs rencontrés ici ou là aux fêtes des plantes du printemps, ceux-ci déplorent particulièrement les défauts des variétés récentes qu'ils acquièrent. Ces doléances sont d'autant plus profondes que les fleurs dont on voit les photos dans les catalogues ou sur Internet sont avantageuses et attrayantes.

Le problème est donc bien réel (et pas seulement le fait d'un vieux grincheux nostalgique du "bon temps" !) J'en attribue l'origine au fait que les semis que l'on réalise de nos jours donnent naissance à un nombre de plus en plus important de cultivars séduisants (d'où l'apparition de nombreux frères de semis dans les enregistrements). Pressés d'offrir à leur clientèle des nouveautés attirantes et rémunératrices, les obtenteurs, qui sont le plus souvent également pépiniéristes, paraissent tentés de se montrer moins sélectifs et de proposer un nombre croissant de nouveautés. Tout le monde n'est pas dans ce cas évidemment , mais la tentation est grande et certains y cèdent.

C'est sans doute ce qui est à l'origine de ce que constate notre homme du début, et qui pourrait conduire certains à se désintéresser plus ou moins des iris...

(1) voir Irisenligne avril 2018.

2 commentaires:

Tauzin a dit…

Votre chronique est malheureusement une réalité pour un grand nombre des nouvelles obtentions de ces dernières années. Je crois qu'il faudrait 2 photos pour présenter une nouveauté , une pour la fleur et la deuxième pour démontrer la tige florale à son apogée . Ainsi le client serait bien mieux avisé et l'honnêteté de l'obtenteur serait sans équivoque .
Peut être qu'un article à ce sujet pourrait être le bienvenu dans le prochain bulletin de la SFIB .

gerard a dit…

J'adhère à l'ensemble de l'article.
On se demande même comment certaines variétés qui ne "poussent" pas et fleurissent éventuellement un an sur cinq ont pu obtenir des récompenses dans la course aux honneurs. Je pense particulièrement à 'Owyhee Desert'
Le challenge pour l'avenir sera sans doute la création de variétés solides et résistantes aux maladies et notamment à la pourriture bactérienne qui semble faire de plus en plus de malheureux