7.2.20

CE QUI CLOCHE

Dans le petit monde des iris tout tourne autour des récompenses délivrées chaque année par l'American Iris Society (AIS). On aurait pu penser que les décisions prises aux Etat-Unis ne pouvaient guère avoir d'effets ailleurs dans le monde, mais c'est tout le contraire. En effet les USA ont pris un tel poids dans ce qui concerne les iris que tout ce qui se passe là-bas à des répercussions dans tous les autres pays. C'est particulièrement vrai pour ce qui est des coupes et médailles qui ont été instituées pour récompenser les plus belles variétés. Rappelons brièvement en quoi consiste le système des honneurs :
1) les « Honorable Mentions » - pour effectuer un premier tri parmi les très nombreuses variétés mises sur le marché américain chaque année ;
2) les « Awards of Merit » - second niveau sélectionnant un nombre limité de variétés pouvant prétendre aux plus hautes récompenses ;
3) les Médailles catégorielles – une par catégorie (trois pour les TB) ;
4) la Médaille de Dykes – distinction suprême, toutes catégories confondues, attribuée à une seule variété chaque année.

Pour chaque niveau chaque variété reste en lice pendant trois ans ; dès qu'elle a été honorée elle passe dans le panel du degré supérieur. Pour évaluer tous ces iris il y a des juges – nombreux – qui ont reçu une formation particulière, qui visitent chaque année le plus grand nombre possible de jardins et repèrent puis notent les variétés dont on leur a fourni la liste. Ils tiennent une fiche au nom de chacune des variétés appréciées et donnent une note globale à chacune, qu'ils envoient au Comité de notation lequel fait les additions et dresse la liste des lauréats. Dans une chronique publiée récemment sur le blog de l'AIS, Tom Waters, un irisarien bien connu, fait le procès de ce système. Comme je l'ai fait moi-même ici plusieurs fois, il fait remarquer que les obtentions des grands hybrideurs, que l'on peut voir dans de nombreux jardins parce qu'elles sont bien commercialisées, sont outrageusement avantagées par rapport à celles des petits obtenteurs dont les ventes restent faibles, puisque les premières, vues fréquemment, sont beaucoup plus souvent notées que les secondes. Il en déduit que ce ne sont pas forcément les meilleurs variétés qui sont récompensées, et que le système ne joue donc pas toujours en faveur d'une élévation du niveau général des iris. Il propose donc un autre système d'appréciation où les variétés ne reçoivent pas une notation binaire (je la retiens ou je ne la retiens pas) mais une note attribuée selon un barème valorisant leurs caractéristiques. En fin de compte chaque iris recevrait une note générale moyenne, ce qui rétablirait une certaine égalité entre variétés abondamment rencontrées par les juges et variétés plus confidentielles. La démonstration de Tom Waters est la suivante : « Supposons qu’environ 400 juges votent. L'iris A, issu d'un célèbre hybrideur, que beaucoup d'amateurs d'iris commandent,l est donc distribué et cultivé à grande échelle. 350 de ces juges l'ont vu dans un jardin. C'est un bel iris, mais seulement 10% des juges qui l'ont vu pensent qu'il devrait remporter le prix. 10%, c'est encore 35 juges! Considérons maintenant l’iris B, introduit par un jardin d’iris plus petit qui ne vend que quelques iris chaque année. Peut-être que seulement 20 juges l'auront vu. Mais l’iris B est extraordinaire! Il est tellement bon à tous points de vue que 90% des juges pensent qu'il devrait remporter ce prix ! Mais 90% de 20 juges cela ne fait que 18 voix, si bien que l’iris B n’obtient que la moitié des suffrages de l’iris A, bien que ce soit clairement lui le meilleur. » Il ajoute ces précisions : « Considérons à nouveau nos deux iris hypothétiques. Supposons que les juges qui votent pour l'iris digne de l’attribution l’évaluent à 5 étoiles et ceux qui l’ont vu mais ne croient pas en lui lui attribuent 3 étoiles. L'iris A, que 350 ont vu mais pour qui seulement 10% ont voté, aurait une note moyenne de (315 x 3 + 35 x 5) / 350 = 3,2. L'iris B, pour lequel seuls 20 juges, mais 90% ont voté, aurait une note moyenne de (2 x 3 + 18 x 5) / 20 = 4,8. Iris B est clairement le vainqueur, comme il se doit.

Dans ce système, les juges saisiraient une note pour chaque iris qu’ils auraient évalué. Ils n'auraient pas à choisir, comme dans le système actuel celui qu'ils considèrent comme le meilleur pour recevoir un prix. Ils pourraient attribuer une note élevée à un certain nombre d’iris mais s’ils leur voyaient de graves insuffisances, ils pourraient leur attribuer des cotes faibles, ce qui réduirait la note moyenne et réduirait le risque que les iris les plus médiocres obtiennent des récompenses. » Cela semble effectivement plus équitable.

 Ce système aurait, à mon avis, un autre avantage : alors qu'aujourd'hui les obtenteurs proposent chaque année des variétés nouvelles de plus en plus nombreuses, ce qui aboutit à disperser les votes, chaque iris aurait les mêmes chances, qu'on le rencontre à tous bouts de jardin ou qu'il reste une rareté.

Il faut cependant relativiser le risque de voir un iris de faible qualité obtenir une médaille. En effet l'expérience démontre que les variétés primées sont en général de bons iris. C'est le cas entre autres des variétés signées Keppel ou Schreiner. Y a-t-il des cas d'erreur flagrante ? Je n'en vois pas, hormis peut-être l'attribution de la Médaille de Dykes à 'Mesmerizer' qui, à mon avis, n'a obtenu cette récompense que parce que la mode des éperons était alors à son comble et qu'il était indispensable qu'un iris de ce modèle soit distingué ; les juges auraient ainsi cédé à la mode. Mais c'est peut-être une médisance de ma part! On a vu aussi le cas de variétés valeureuses et correctement commercialisées inexplicablement écartées par les juges. En sens inverse il y a de nombreux exemple de variétés très méritantes qui sont passées à la trappe pour cause de diffusion insuffisante (et en conséquence de manque de voix).

 Il n'existe sans doute pas de système parfait, mais on peut, comme le fait Tom Waters, imaginer quelque chose qui pourrait être meilleur que le système actuel.

Illustrations : 

'Debby Rairdon' (H. Kuntz, 1964) : un outsider parvenu à la gloire. 


'Mesmerizer' (M. Byers, 1990) : une récompense de circonstance ? 


'Afternoon Delight' (R. Ernst, 1983) : un cas d'ostracisation ? 

'Country Manor' (El. Kegerise, 1972) : un iris remarquable injustement négligé.

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