7.2.20

LA FLEUR DU MOIS

‘Afternoon Delight' (Richard Ernst, 1983)
 ('Countryman' x 'Outreach') X ( 'Mary Frances' x 'Lombardy') 

S'il y a un hybrideur qui a été ostracisé, c'est bien de Richard Ernst qu'il s'agit ! Son parcours dans la carrière fut pourtant exemplaire. Né à Silverton, en Oregon, dans une famille vouée entièrement aux iris, il a naturellement pris la succession de son père à la tête de Cooley's Gardens, Inc lorsque la santé de ce dernier s'est irrémédiablement altérée. Déjà, depuis une quinzaine d'année il avait embrassé la carrière d'hybrideur. Ses premiers enregistrements datent de 1983. Les registres de l'AIS indiquent qu'il a enregistré 252 variétés, tous des TB à l'exception d'un seul BB. Pourtant cette importante production ne lui a valu que 49 HM, 7 AM une seule Wister Medal, en 2007, pour 'Ring Around Rosie' (2000). Ce ne sont pourtant pas les variétés de premier plan obtenues par lui qui manquent et qui ont connu, commercialement, un succès que ses pairs lui ont refusé. Parmi ces variétés aimées du public et diffusées partout à travers le monde, se trouve 'Afternoon Delight', qui est aussi l'une des ses premières introductions.

'Afternoon Delight' est décrit comme : « pétales d'un brun rosé et infusé de bleu lavande, légèrement dentelés ; sépales bleu lavande avec une bordure brun rosé doré, épaules jaune d'or, traces de blanc auprès de la barbe jaune ». C'est un modèle et un coloris qui n'étaient pas rares pendant l'âge d'or des iris (1970/1990), mais qui, en la circonstance, prenaient une importance qu'ils n'avaient pas connue auparavant. Malgré ses qualités cet iris a mis 10 ans pour parvenir au stade des AM, et n'a pas avancé au-delà dans l'échelle des honneurs.

 Ses géniteurs ne sont pas des variétés enregistrées, mais on connaît ses grands-parents. Il s'agit de deux variétés jaunes et de deux variétés mauves. 'Countryman' (Gaulter, 1975), une variété bien connue, est un iris jaune avec un spot blanc sous les barbes ; 'Outreach' (J. Nelson, 1968), jaune avec un large centre blanc, est d'un modèle bien connu sous le nom de « Joyce Terry pattern », il a figuré longtemps dans les catalogues de notre pays et, dans mon jardin, a connu une carrière honorable. Pour ce qui est de la branche mauve, il s'agit d'une part de 'Mary Frances' (Gaulter, 1971), une variété dont on ne fait plus la description tant elle est connue et reconnue après avoir obtenu la Médaille de Dykes en 1979, et qui est toujours largement présente dans nos jardins y compris dans le mien - donc maintenant dans la collection du presbytère de Champigny / Veude - , et d'autre part de 'Lombardy' (Gaulter, 1973), autre numéro de la série des iris mauves de Larry Gaulter, cependant moins connu que le précédent. On peut s'étonner qu'un croisement entre un iris jaune et un iris mauve puisse aboutir à un assemblage de couleurs où ni le jaune ni le mauve ne sont présents. Cependant en approfondissant la recherche il apparaît que l'un des ascendants de 'Outreach', 'Foreign Affair' (J. Nelson, 1963), est décrit comme : « pétales au revers brun doré et face pourpre pensée ; sépales pourpre pensée liseré brun ; barbes jaune pointé bleu », un coloris qui provient de 'Hudson Bay' (G. Plough, 1957) : on peut se ressembler de plus loin !

Du côté de sa descendance, 'Afternoon Delight' n'est pas mal loti. Mais on s'aperçoit que de ses 63 rejetons directs, 40 on été obtenus par Rick Ernst lui-même, lequel, apparemment, était convaincu des aptitudes de son cultivar. Les autres utilisateurs sont des amateurs à l'exception de Tom Burseen et de nos compatriotes Mélie Portal et Gérard Madoré. Dans la liste des 40 variétés obtenues par Rick Ernst figurent de nombreux iris qui ont eu une belle carrière commerciale (grâce évidemment au catalogue maison de Cooley's Gardens, à l'époque encore plus important que celui de la famille Schreiner). Parmi ces jolies fleurs, notons plusieurs amorces d'amoenas inversés comme 'Envisioned Dream' (1990) ou 'Rainbow Goddess' (1994), des fleurs roses (ou magenta) comme 'Hidden World' (1990) ou 'Feminine Fire' (1991), mais surtout des variétés à l'aspect proche de celui de 'Afternoon Delight' : 'Different World' (1991), 'Waffle Talk' (1994)... Il paraît que c'est dans la déclinaison à l'infini d'un même modèle que se trouverait le désamour entre Ernst et les juges américains... Quand on voit ce qui se produit de nos jours, avec tous ces iris quasi semblables qui apparaissent chaque année, on se dit que les juges vont avoir du mal à distinguer les futurs récipiendaires des récompenses !

 A côté des variétés enregistrées par Richard Ernst, faisons une petite place aux deux variétés françaises issues de 'Afternoon Delight' : 'Feu de St Jean' (M. Portal, 2011) et 'Roazhon' (G. Madoré, 2013). La première est un  « rouge » de deux tons, bien classique, la seconde, dernière obtention de son hybrideur, dédiée à la ville de Rennes (Roazhon en breton), affiche les mêmes tons que 'Afternoon Delight', son parent femelle.

C'est avec des fleurs comme 'Afternoon Delight', qu'on constate aujourd'hui que les iris ont sérieusement évolué depuis quarante ou cinquante ans. On est en face d'une fleur élégante, mais dont le classicisme est maintenant très daté.

Illustrations : 


 'Afternoon Delight' 


'Outreach' 

'Lombardy'

'Waffle Talk' 


'Feu de St Jean'

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