9.5.20

EN PASSANT PAR LA ROMAINE

Une fois que le lecteur m'aura pardonné le jeu de mots douteux qui constitue le titre de cette chronique, il pourra s'intéresser à la biographie d'une dame qui, dans la discrétion et l'amateurisme le plus complet, s'est amusée à hybrider des iris dont elle était une fine connaisseuse.

 Ce fut longtemps une tradition en Italie de créer des iris, sans se préoccuper de leur reconnaissance par les instances de l'irisdom. Si bien que beaucoup de gens ignorent qu'en ce pays un grand nombre de variétés, souvent très réussies et en mesure de se confronter aux variétés américaines de leur époque, sont apparues après la fin de la seconde guerre mondiale et jusqu'au début des années 1980 (il a fallu en effet attendre l'avénement d'Augusto Bianco pour que des variétés obtenues en Italie entrent pour de bon dans les documents officiels). Dans le domaine des iris l'amateurisme pur et dur a sans doute ses bons côtés, notamment l'absence de préoccupations commerciales, mais il a surtout le gros défaut de tenir hors de la connaissance des iridophiles des obtentions qui mériteraient d'être appréciées par tout le monde. Comme disait Valéria Romoli, compatriote de celle dont on va parler maintenant, « un iris non enregistré n'existe pas ».

Gina Sgaravitti, puisque c'est d'elle dont il s'agit, est née à Venise en 1907. A l'état-civil elle se nommait Angela Perocco et Gina était un affectueux diminutif. Elle est arrivée à Rome en 1933 après son mariage avec Teresio Sgaravitti, descendant d'une grande famille de pépiniéristes de Padoue. Pendant longtemps elle a mené la vie d'une dame de la bonne société, se partageant entre sa vie de mère de famille et celle de maitresse de maison s'adonnant au jardinage autant par plaisir que par curiosité pour la botanique et l'horticulture. Il faut dire qu'elle disposait d'une superbe propriété située sur l'antique voie Appienne, celle qui, partant du sud de Rome, reliait la capitale à la réputée ville de Capoue et, vers le sud-est, à la région d'Apulie, aujourd'hui les Pouilles. Elle fit la connaissance de Mary Senni, la personne la mieux à même de lui faire connaître les iris et l'art de l'hybridation.

Patrizia Verza-Ballesio, dans l'article qu'elle a signé pour la brochure « Le Iris tra Botanica e Storia », précise que :  « Son jardin est devenu un laboratoire d'expérimentation, dont tout l'espace libre était dédié aux iris, constituant au fil du temps une collection de plus de quatre cent variétés ». Passant du statut de jardinière à celui d'hybrideuse, Gina Sgaravitti se fit journaliste, écrivant des articles pour la Revue « Il Giardino Fiorito » et tenant une rubrique régulière dans le journal « La Stampa », tout au long des années 1960. Pendant ce temps son jardin de la Via Appia était ouvert au public et un catalogue : « Iris di via Appia » fut publié. On y trouvait une sélection d'environ 250 variétés provenant des hybrideurs étrangers les plus appréciés et de ses propres obtentions ; chaque variété y était minutieusement décrite et accompagnée d'informations sur la culture et les soins.

 En France on n'était guère au courant de ce qui se passait en Italie dans le domaine des iris. Pourtant, aux côtés de Gina Sgaravitti, d'autres habiles jardinières comme Mary Senni, Eva Calvino, Flaminia Specht ou Nita Stross-Radicati, obtenaient et vendaient des iris qui auraient pu venir enrichir les catalogues de nos pépiniéristes nationaux. Ceux de Gina Sgaravitti faisaient partie des meilleurs. D'autant qu'elle se montrait d'une extrême sévérité à l'égard de son travail et, bien qu'elle ait réalisé des centaines de croisements, elle ne mit jamais qu'une dizaine de ses variétés dans son catalogue. C'est du moins ce que Patrizia Verza-Ballesio explique dans l'article déjà cité. A défaut de disposer d'un des catalogues d' « Iris di via Appia » édités, et comme aucun de ces iris n'a été enregistré, il n'est pas facile de se faire une idée des obtentions de Madame Sgaravitti : il faut se contenter des photographies qui se trouvent dans « Le Iris tra Botanica e Storia » et de celle de la seule variété qui ait franchi la chaîne alpine et que l'on trouve dans plusieurs de nos jardins français, 'Beghina' (1949). Ce sont celles qui sont reproduites ci-dessous.

C'est bien dommage que nous ne disposions pas d'une meilleure documentation sur ces variétés italiennes des années 1940/1960. C'est tout un pan du monde des iris qui nous échappe...

Illustrations : 


 'Alleluia' (1943) 


'Spuma di Limone' (1949) 


'Beghina' (1949)

2 commentaires:

Unknown a dit…


Sgaravitti ou Sgaravatti?

Sylvain Ruaud a dit…

Sgaravatti ! Mea culpa !