9.10.20

PORTRAITS D'IRIS

En deux cents ans d'hybridation des iris, l'aspect des plantes à bien changé. Et ces changements sont normaux puisque l'hybridation a pour but d'améliorer constamment les produits obtenus, et les organismes créés par les amateurs et les hybrideurs pour mettre de l'ordre dans ces travaux ont largement contribué à ces transformations et améliorations. Pour s'en rendre compte nous allons ci-dessous faire les portraits de quatre variétés mises sur le marché au cours de ces presque deux cents ans, des années 1850 à nos jours. 

 'Faustine' (J.N. Lémon, 1859) 

Il s'agit d'une obtention qui date de la fin de la production de Jean-Nicolas Lémon. C'est une fleur qui, du seul point de vue de son modèle et de sa coloration, ne déparerait pas une collection moderne : un bitone avec des pétales bleu lilacé uni et des sépales d'un beau violet réticulé de blanc. Blanche, aussi, est la barbe. Ne revenons pas sur l'aspect de la fleur (on a déjà évoqué cette question, ici, à plusieurs reprises) mais contentons nous d'examiner la plante elle-même. 

 Comme chez tous les iris diploïdes issus des espèces autochtones, les feuilles d'un vert moyen, plutôt étroites, très raides, persistent tout l'hiver et ne se renouvellent qu'au printemps. Une seule tige florale plutôt grêle s'élève peu au-dessus du feuillage. Elle donne naissance à deux branches latérales très fines et courtes, qui s'écartent peu de la tige principale. Elle porte des boutons étroits et allongés propres aux iris diploïdes, en général au nombre de cinq à sept (au maximum) qui se répartissent par deux ou trois à l'extrémité de la tige principale et un ou deux par tige secondaire. La hauteur de la tige ne dépasse que rarement les 70cm ce qui est un cas fréquent. Si fréquent que certains des cultivars de cette époque ont été classés d'abord parmi les iris intermédiaires (IB) avant de regagner la catégorie des TB quand la définition des IB a été précisée. Du fait de l'étroitesse des feuilles et de la maigreur des panaches, les touffes conservent une allure étriquée qui est compensée par un développement rapide et serré. 

  Ces caractéristiques ne sont pas l'apanage de cette seule variété, la plupart des iris de cette époque ont les mêmes. C'est le cas de 'Comtesse de Courcy' (Verdier, 1860), un plicata aux dessins très légers, déclaré comme IB, ou de 'Mme Louesse' (Verdier, 1860), autre plicata, mais de plus haute taille. 

'Ambassadeur' (Vilmorin, 1910?) 

Dans mon jardin il y a une touffe de 'Ambassadeur'. Elle s'y trouvait déjà il y a trente ans et elle continue de prospérer bien que je ne lui assure pas les soins qu'elle mériterait. Elle a de nombreux traits semblables à ceux de 'Faustine' qu'on vient de voir, mais elle en diffère sur de nombreux autres. On remarque tout de suite que ce cultivar a hérité des caractères de l'iris importé de Turquie et baptisé 'Amas' par son importateur britannique Michael Foster. La plante, à plein développement, atteint une hauteur d'environ 1,20m. La tige est plus épaisse mais elle conserve une certaine souplesse. Ce renforcement est nécessaire pour soutenir de fleurs plus volumineuses et donc plus lourdes. Les feuilles aussi sont plus grandes, plus larges surtout. Leur couleur est un peu plus vive. La hampe qui porte les fleurs s'élève nettement au-dessus du feuillage. Autre trait singulier : les boutons floraux sont différents : ils sont plus larges et plus aplatis. 

 Ces différences de taille avaient bien été remarquées par les hybrideurs de l'époque, et c'est pour cela qu'ils avaient croisé l'iris 'Amas' ( ou plus exactement I. trojana ou I. mesopotamica) avec les iris autochtones. La plante résultant des ce croisement a hérité de traits nouveaux et l'observateur informé le distingue au premier coup d’œil. Ce sont les traits des iris tétraploïdes. 'Ambassadeur' est une variété typique de cette mutation. Mais on remarque les mêmes changements chez le célèbre iris bleu 'Souvenir de Laetitia Michaud' (Millet, 1923) ou chez 'Andrée Autissier' (Denis, 1921) autre variété fameuse mais dont il ne reste que le souvenir... 

  'Gai Luron' (J. Cayeux, 1958) 

 Celui-là fait partie des tous premiers éléments de ma collection personnelle d'iris des jardins. On connait exactement son pedigree car les renseignements fournis lors de l’enregistrement d'une nouvelle variété sont au fil du temps devenus plus complets. Le voilà : (Mexico X Technicolor). Que l'on remonte ces deux origines et l'on aboutit invariablement aux iris levantins du groupe I. trojana. 'Gai Luron' est bien un hybride de variétés tétraploïdes (d'ailleurs depuis les années 1930 tous les grands TB sont des iris tétraploïdes). Mais d'autres espèces ont été ajoutées au « mix ». En particulier le petit I. variegata qui a apporté la couleur jaune et le modèle qui porte son nom, variegata. Quelles sont les conséquences de cet apport sur l'apparence de la plante ? 

A vrai dire il semble qu'on soit plus proche de 'Faustine' que d''Ambassadeur ! Cela tient en particulier à ce que, sous l'effet de I. variegata la plante a perdu de sa hauteur. De 120cm on est revenu à 85, ce qui est plus raisonnable. Les tiges ont, par la même occasion, perdu de leur volume, mais elle restent très résistantes. Quant au feuillage, sa densité a diminué ce qui donne à cet iris une allure plus frêle, au demeurant très plaisante. 

'Iriade' (B. Laporte, 2004) 

Même si cet iris est maintenant âgé de 16 ans (et de 25 si l'on se rapporte à la date du croisement), c'est encore une variété récente et il ne présente aucun signe de vieillissement. On peut donc considérer qu'il est un parfait exemple des iris d'aujourd'hui. Il fait partie de la première fournée d'enregistrements de son hybrideur. C'est une plante très réussie qui a été remarquée en2003 au concours « Iriade », éphémère substitut de FRANCIRIS©. Elle a tous les traits des iris contemporains. Robuste, elle pousse activement et, une fois établie, produit des touffes volumineuses, drues et saines. Les fleurs sont portées par de fortes hampes qui s'élèvent à la hauteur moyenne de 90cm, ce qui est désormais la norme. Une dizaine de boutons, sur une tige triple garantissent une floraison prolongée. Comme la plupart des variétés d'aujourd'hui le feuillage sèche et disparaît au cours de l 'été, ce qui ne laisse en place que des moignons vert tendre pour toute la durée de la mauvaise saison. C'est un caractère hérité de I. aphylla, une espèce introduite dans le cocktail dès que les hybrideurs se sont aperçus de son aptitude à renforcer la saturation des couleurs. Il s'agit d'une espèce de petite taille, ce qui a pour avantage de limiter la hauteur des hampes et donc de les rendre moins sensibles au vent et à la verse. En même temps elle réduit aussi la taille des fleurs, ce qui n'est pas plus mal puisque des fleurs trop volumineuses peuvent manquer d'élégance et surtout, par leur poids, contribuer également à la verse des tiges, ce qui est un mal fréquent chez les grands iris. Mais ces avantages de I. aphylla s'accompagnent d'un inconvénient : le feuillage n'est pas persistant et, dès la période de dormance estivale des plantes, disparaît en ne laissant apparents que les amorces du feuillage de l'année suivante, ce qui ne donne pas au jardin d'iris, en été, un aspect bien agréable... En cela 'Iriade' ne sort pas de l'ordinaire. 

De 'Faustine' à 'Iriade' on a suivi le chemin parcouru par les grands iris hybrides en 160 ans. Plus d'un siècle et demi de recherche, de sélection rigoureuse, de perfectionnements ininterrompus a fait de nos iris des plantes de jardin aux qualités reconnues et appréciées par tous. 

Illustrations :


 

'Faustine' 


 

'Ambassadeur' 


 

'Gai Luron' 


 

'Iriade'

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