9.1.21

SPURIAS, LES GRANDS TARDIFS

On ne parle pas souvent des iris spurias. Pas plus d'ailleurs des I. spuria botaniques que de la classe horticole de ce que l'on nomme les spurias. Cette grande discrétion provient, il est vrai, de ce que cette classe ne rencontre pas un succès fou auprès des hybrideurs ni, par voie de conséquence, auprès des jardiniers, simples amateurs ou collectionneurs. Le nombre des nouvelles variétés enregistrées chaque année est très faible : autour de 10 nouveautés (2010, par exemple, fut une riche année avec 14 enregistrements ! ) Ces iris – sans barbes – ont pourtant tout pour plaire. 

Au plan horticole, ces hybrides, comme tous les iris hybrides, sont le résultat d'un cocktail d'espèces botaniques, au demeurant peu nombreuses, et dont le leader est I. ochroleuca, dont le nom est aussi la description. En effet il veut dire « jaune et blanc », ce qui est exactement la couleur des fleurs, celles-ci étant blanches avec un important signal jaune vif sur les sépales. Ce sont des plantes largement répandues dans la zone tempérée de l'ancien monde. A partir de ces couleurs les hybrideurs sont arrivés à en obtenir des fleurs beaucoup d'autres, sans atteindre cependant l'infinie variété des grands iris barbus. Cela va du jaune au bleu en passant par le blanc, le brun-tabac, le bronze et le grenat sombre, avec un grand choix d'associations de couleurs toujours élégant et spectaculaire. 

Comme les autres classes d'iris, les spurias ont leur récompense spécifique : la Eric Nies Medal qui honore chaque année depuis 1993, suite à la réorganisation de 1992 du système des récompenses américaines la variété la plus valeureuse. Auparavant, depuis 1956, existait ce qu'on peut considérer comme un Award of Merit qui portait ce nom. Eric Nies, américain d'origine néerlandaise, professeur de botanique dans un lycée agricole, fut l'initiateur de l'hybridation des spurias, dans les années 1920/30. Pour la petite histoire, on peut noter qu'il fut dans sa jeunesse un joueur de baseball renommé ! 

Comme toutes les plantes, les spurias possèdent des qualités et des défauts. Parmi leurs qualités, j'en vois au moins quatre qui pourraient être mises en avant : 

leur grande taille ; une touffe de spuria se remarque au jardin ! Les tiges mesurent environ un mètre de hauteur et les touffes elles-même prennent vite des proportions assez considérables. 

Leur feuillage ; c'est une particularité de ces hybrides que d'avoir un feuillage dense et très sain ; une touffe âgée peut faire penser un peu à un ginerium ! 

La saisonnalité ; ce sont des iris tardifs qui entrent en floraison quand les grands barbus s'arrêtent. C'est un atout important pour profiter de fleurs au jardin quand le printemps se termine et que l'on passe d'une saison d'opulence à une situation beaucoup plus restreinte. 

Pourquoi donc cette relative rareté ? J'en vois plusieurs raisons : 

Il y a d'abord le fait que ce sont des hybrides relativement récents : pas plus d'une douzaine de générations depuis le début de leur hybridation, alors qu'on en est à peu près à trente générations chez les grands iris barbus. De plus ces hybrides restent peu nombreux dans le monde. Disons qu'ils n'ont pas (pas encore?) réussi à s'implanter durablement. 

Un autre handicap résulte aussi de ce que je considère comme un atout, le caractère tardif de la floraison. Après la débauche de fleurs générée par les grands iris, on est un peu saturés et on se voit mal repartir pour un tour d'émerveillement supplémentaire. 

La taille des plantes elle-même peut être un autre handicap. Une touffe bien développée atteint facilement un mètre de diamètre ce qui exige un jardin de grande taille pour qu'elle y soit en valeur : c'est devenu assez peu fréquent de nos jours. En fait ce sont plus des plantes de collectionneurs que de simples jardiniers. 

On peut également reprocher aux spurias d'avoir un branchement assez maigre. C'est une situation qu'on a perdu l'habitude de rencontrer chez les hybrides modernes de grands iris où les plus récentes variétés comportent en général trois branches. Les spurias n'en ont le plus souvent qu'une seule. Et comme cette unique tige est haute, l'impression générale est un peu dégingandée ; même si les fleurs, le long de cette tige, peuvent être assez nombreuses. 

Ces différents handicaps limitent le nombre des personnes intéressées et par conséquent celui des clients potentiels pour les pépinières. C'est une bonne raison pour expliquer que le nombre des variétés disponibles dans les catalogues soit tout à fait réduit. A titre d'exemple le dernier catalogue de Cayeux S.A. n'offre que neuf variétés ! Le site d'iris de la Baie (J.C. Jacob), quant à lui réussit à en proposer trois douzaines : pour une petite entreprise artisanale, c'est une belle performance ! Aux Etats-Unis, dans les années récentes, le champion des spurias fut Dave Niswonger qui a enregistré plus de soixante variétés et reçu dix-huit Médailles de Nies entre 1980 et 2016. 

Pour qui voudrait rassembler quelques variétés intéressantes, je conseillerais les suivantes : 

'Bienvenue' (Ransom, 2011). Issue de I. ochroleuca, cette variété est très proche du type botanique. Les sépales, très larges, donnent de l'ampleur à la fleur. 

'Eclatant' (Ransom, 2011). Frère de semis du précédent, remarquable par les ondulations du bord des sépales. 

'Line Dancing' (Jenkins, 2007). cette variété, qui descend directement de l'espèce I. crocea, se distingue par sa couleur bleue. Médaille de Nies en 2017. 

'Missouri Iron Ore' (Niswonger, 1996). Un coloris caractéristique des iris spurias. Sa haute taille en fait un phare dans le jardin. Médaille de Nies en 2005. 

'Spadille' (Jacob, 2018). son coloris, très original, en constitue l'attrait principal car les amoenas inversés, chez les spurias comme chez les grands iris, ne courent pas les bordures. 

Avec ces cinq variétés on dispose d'un choix éclectique qui peut constituer un bon début de collection. Avec une priorité aux variétés françaises qui n'ont rien à envier à leurs consoeurs américaines. 

Illustrations : 

'Bienvenue' 

'Eclatant' 


'Line Dancing' 


'Missouri Iron Ore' 


'Spadille'

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