4.9.21

TRANSMISSION DES COULEURS

Un participant au forum de la SFIB posait récemment la question de savoir comment se transmettent les couleurs des iris. La question n'est pas simple et je ne sais pas si je suis le mieux placé pour essayer de lui apporter une réponse, mais je vais essayer, en faisant appel à tout ce que je vais trouver sur le sujet. En particulier l'excellent texte de Ben Hager dans le livre « Iris », illustré par les photos de Josh Westrich et publié en 1989 par Thames and Hudson SARL, Paris. 

Il faut partir de la cellule et des jeux de chromosomes qui se trouvent dans le noyau de cette cellule. 

Chez les iris d'origine (c'est à dire tels que la nature les a conçus) il y a deux paires de chromosomes. Ce sont des plantes dites « diploïdes ». Mais la plupart des iris d'aujourd'hui (en particulier les grands TB) posèdent 4 paires de chromosomes (4 n chromosomes) et sont dits « tétraploïdes ». Comment on est passé de la diploïdie à la tétraploïdie est une autre histoire dont Irisenligne s'est plusieurs fois fait l'écho. Notons simplement que les variétés tétraploïdes , comme l'écrit Ben Hager, « ont joué un rôle primordial dans le développement des iris que nous cultivons de nos jours ». Et tout cela est une histoire de chromosomes. 

« Les chromosomes portent une carte génétique qui contrôle le développement et les caractères » de chaque nouvel organisme issu d'une fécondation, qu'il s'agisse d'iris ou de tout autre organisme. Au moment de cette fécondation, dans les cellules reproductrices « le nombre de chromosomes est divisé en deux lots égaux » et le lot issu de la cellule femelle se combine avec le lot issu de la cellule mâle, créant chez nos iris une graine dans laquelle les nouveaux chromosomes seront une recomposition alliant les chromosomes des deux fleurs de base. Mais au moment de cette recomposition se produit un brassage des caractères portés par chaque chromosome. D'où le fait que chaque graine disposera d'un patrimoine génétique un peu différent et qu'elle donnera naissance à une nouvelle plante différente des deux plantes de bases mais aussi différente de celles provenant des autres graines issues de la même fécondation. A titre d'exemple admirons les deux iris qui illustrent cet article : 'Artevelde' (Nouwen, 2020) et 'Eburon King' (Nouwen, 2020). Tous deux sont en provenance du semis 'Reckless Abandon' X 'Ink Patterns' . Les traits de 'Reckless Abandon' (Keppel, 2009) sont certes plus apparents que ceux de 'Ink Patterns' (Johnson, 2007), pourtant, malgré un indéniable air de famille, ces deux variétés sont très différentes. Leur obtenteur pouvait-il s'attendre à ces résultats ? Oui et non. Il est évident que tout hybrideur expérimenté ne réalise un croisement que dans un but bien précis et avec en vue une fleur présentant les caractéristiques recherchées. Il s'appuie pour cela sur les lois de la génétique, qui s'appliquent aux iris comme à tous les autres êtres vivants, et notamment sur la récessivité, ou non, de certains caractères. Il sait par exemple que pour obtenir un iris plicata il faut que les deux parents portent le gène spécifique au caractère plicata. Mais il ne peut être sûr de rien ! En effet depuis que l'on réalise des croisements, il n'y a plus un seul iris génétiquement « pur ». En étudiant le pedigree d'une variété on peut le plus souvent être assuré qu'elle porte tel ou tel gène que l'on recherche, mais ces pedigrees atteignent un telle complexité après plus de trente générations de croisements que l'on ne peut plus affirmer que le croisement que l'on pense réaliser aboutira au résultat que l'on souhaite obtenir. C'est un jeu de probabilité dans lequel on peut mettre de son côté toutes les chances possibles mais où l'on doit faire la part du hasard et de la chance. C'est évident lorsqu'on regarde les différents semis provenant d'une même capsule. Il peut y avoir un grand nombre de fleurs voisines en modèle et en coloris, mais aussi des fleurs totalement différentes. Les bons hybrideurs maîtrisent assez bien ce phénomêne, mais ils sont également souvent surpris par les fantaisies de la nature qui interviennent quoi qu'ils fassent. Cela n'est d'ailleurs pas regrettable. Combien de nouveaux modèles, de nouveaux coloris sont apparus inopinément et ont fait le bonheur de leur obtenteur et les progrès de l'iridophilie. 

Depuis quelques années ces progrès de l'iridophilie se concrétisent par une facilité à obtenir des semis de valeur. Jusqu'à il y a une dizaine d'années pour découvrir une plante nouvelle en mesure d'être enregistrée et commercialisée il fallait réaliser un grand nombre de croisements et de semis : le déchet était considérable. Maintenant d'une même capsule on peut obtenir plusieurs, voire de nombreux semis de valeur. C'est encourageant, et cela devrait aboutir à une sélection encore plus rigoureuse, tout en garantissant un travail plus gratifiant tant au plan horticole qu'au plan commercial. Mais toute médaille a son revers et cette nouvelle abondance de nouveautés intéressantes génère une inflation du nombre des plantes mises sur le marché, au risque de dérouter les amateurs, de désorienter les clients (quelle variété choisir parmi tant de plantes presque semblables?) et de mettre dans l'embarras les juges chargés de distribuer les récompenses. 

A la question posée au début de cette chronique, la réponse apportée n'est donc pas franchement rassurante car si l'on connaît le processus de transfert des couleurs d'une variété aux variétés qui en descendent, il est impossible de prédire à coup sûr les couleurs que l'on va obtenir... 

Illustrations : 


'Artevelde' 


'Eburon King' 


'Reckless Abandon' 


'Ink Patterns'

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