7.10.11

UNE HISTOIRE DE PÉTALES







Cet été, sur le forum du site de la SFIB, les hybrideurs amateurs ont échangé leurs impressions sur leurs dernières obtentions, photos à l’appui. Ce sont ces discussions qui m’ont donné l’idée de la présente chronique.

On ne peut pas parler des iris sans évoquer leurs fleurs. C’est pour cela qu’on les cultive, n’est-ce pas ? Mais depuis la fleur des origines jusqu’à celle d’aujourd’hui, bien des changements sont intervenus. Prenons la fleur d’un classique I. pallida et celle d’une variété récente comme ‘Hollywood Nights’ (Duncan, 2000), challenger pour la DM de 2011 : les différences sautent aux yeux. On est passé d’une plante naturelle, pratiquement sauvage, à quelque chose de savamment élaboré, fruit d’une sélection établie sur une vingtaine de générations.

Dans la fleur naturelle, les pétales sont là pour offrir aux organes sexuels de la plante un écrin à la fois protecteur et attrayant. La fleur, c’est ce que la plante a de plus beau et de plus utile à présenter. Chez l’iris botanique les pétales en forme de dôme, ont pour but de protéger les parties intimes et fragiles de la plante. Il ne faut pas que la pluie vienne délaver le pistil et anéantir la fécondation en cours ; il ne faut pas que le soleil dessèche les étamines (mais il ne faut pas non plus que l’humidité ne rende le pollen trop collant et impossible à déposer correctement sur les lèvres du style). Les pétales sont à la fois un parasol et un parapluie. Leurs couleurs ont un autre but : attirer l’attention des insectes pollinisateurs. Et l’on pourrait aussi parler du rôle des sépales. La nature a tout prévu pour la pérennisation de l’espèce ! A partir de cela, l’homme, qui a vu le côté esthétique de la fleur, a cherché à améliorer celui-ci. Il a donc orienté les évolutions de la fleur vers ce qu’il a trouvé de plus beau, de plus attrayant. Les pétales ont constitué l’un des champs de sa recherche de la beauté.

Des pétales en dôme classiques, il a fait évoluer la fleur dans plusieurs directions, en fonction de ses goûts et, il faut bien le reconnaître, un peu en fonction de la mode. L’apparition des ondulations, puis des bords frisés, ont été des aubaines qu’il n’a pas laissé passer. Les unes et les autres ont ajouté quelque chose d’important à la fleur. Les ondulations, en plus d’être esthétiques, ont donné de la tenue aux pièces florales car la minceur du tissu floral avait l’inconvénient de faire que les pétales s’effondrent rapidement, dès que leur vieillissement naturel ou les effets des intempéries intervenaient. Les bords crêpés, eux, n’avaient pas d’autre intérêt que de rendre la fleur plus charmante, mais c’est très important dans une recherche de la beauté. Cependant d’autres modifications accidentelles de la fleur sont intervenues et ont été exploitées. Par exemple la forme en dôme des pétales a fini par lasser quelque peu. Or certaines fleurs présentaient des pétales qui, au lieu de s’épanouir, restaient turbinés ou fermement dressés, ne s’ouvrant que sur le tard. C’est un aspect qui a été développé et, dans les années 60/70, largement utilisé. A l’avantage esthétique s’ajoutait une prolongation de la durée de vie de la fleur. ‘Cotignac’, une obtention d’Igor Fédoroff, non enregistrée, est exemplaire sur ce sujet. Les pétales dressés ont eu beaucoup de succès. Puis on a recherché des pétales qui, tout en conservant une certaine rigidité, s’ouvraient au lieu de se courber en dôme. La fleur était ainsi moins raide. Ce fut la période de « la tasse et la soucoupe » : des pétales ouverts à la façon d’une corolle de tulipe, et des sépales très horizontaux. ‘Decipher’ (Ghio, 1996) se présente comme cela. Mais le risque, avec des pétales s’ouvrant vers le haut, c’est qu’ils ne s’écartent trop et donnent à la fleur un aspect échevelé, propre seulement aux fleurs en fin de vie, mais qu’on n’a pas envie de rencontrer sur une fleur à pleine maturité. C’est pourtant un aspect qui a ses adeptes et dont certains hybrideurs ont fait leur marque de fabrique. Barry Blyth est aujourd’hui dans ce cas, et ‘Dragon Dance’ (2010) en est l’illustration. Ces temps derniers une autre évolution des pétales a été mise en avant : des ondulations abondantes et d’une ampleur accrue qui confèrent à la fleur l’apparence bouillonnée des jupons de danseuses de french-cancan. C’est un grand succès commercial et beaucoup d’obtenteurs recherchent ce développement dont ‘Sea Power’ (Keppel, 1999 –DM 2006) est le porte-drapeau.
L’évolution des pétales chez les iris nains n’a pas été très différente de celle des grands iris. A ceci près que le nombre des générations qui se sont succédées depuis le début de leur hybridation est très nettement plus réduit : la culture des MDB, SDB, MTB est relativement récente. On pourrait par conséquent penser que les nains d’aujourd’hui sont voisins des grands ayant un même nombre de générations d’hybridation derrière eux. Mais comme les uns et les autres comportent de très nombreux gènes de grands iris, introduits lors des croisements inter-catégoriels, les caractéristiques de ces derniers apparaissent maintenant partout, et sans tenir compte de la différence de générations. En ce qui concerne les pétales, on trouve chez les iris nains des variétés avec des pétales en dômes, d’autres avec des pétales dressés, d’autres aussi avec des pétales ouverts… L’exemple des produits du croisement (Candy Walk X Cimarron Rose) donné lors du débat sur le forum de la SFIB, est démonstratif de ce télescopage. ‘Cimarron Rose’ (Nichols, 1990) est d’aspect très traditionnel, avec des pétales plutôt ouverts. ‘Candy Walk’ (Barry Blyth, 1985) exagère le côté ouvert des pétales jusqu’à l’extrême. Les produits de ce croisement pourraient accumuler les handicaps, mais parmi les semis observés et photographiés par Loïc Tasquier, on trouve de tout : des plantes à la manière des iris des années d’avant guerre (E 430 B), des fleurs semblables à des miniatures de grands iris (E 170 C), des pétales largement ouverts (E 101 B)… C’est à l’obtenteur de faire le choix en fonction de ses goûts !
On n’en a sûrement pas fini avec les pétales. D’autres évolutions viendront, au gré des sélections et en fonction des tendances et des modes. L’avenir des iris est, comme certains pétales, largement ouvert.

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