24.2.06


TROIS GOUTTES D’EAU
Zuzana – Dreaming Clown – Tagli e Bucchi


A propos de ces trois variétés, j’ai dit, il y a quelques temps, que leur obtenteur, Ladislaw Muska, ne se montrait pas assez sélectif. J’ai peut-être eu tort dans le cas présent, même si mon observation vaut pour bien d’autres. En effet ces iris ne sont pas issus d’un même croisement, mais de croisements parallèles, voisins mais non identiques.

ZUZANA (Muska 99), DREAMING CLOWN (Muska 99) et TAGLI E BUCCHI (Muska 2001) ont une évidente ressemblance. Ce sont tous les trois des plicatas très chargés, dans lesquels on distingue aussitôt la parenté avec QUEEN IN CALICO (Gibson 79). Le premier, sur fond crème, déploie un plumetis, caractéristique du modèle plicata, dans les tons de violet améthyste tirant sur le magenta. Le second est un peu plus foncé, plus violacé aussi, avec un fond franchement jaune, mais surtout pourvu de frisures denses qui manquent à ZUZANA. Quant au troisième (voir photo), qui a le fond crémeux de ZUZANA et les frisettes de DREAMING CLOWN, il tire plus nettement sur le rouge amarante. Tous les trois ont des barbes jaune miel.

A l’instant j’évoquai les frisettes dont se parent DREAMING CLOWN et TAGLI E BUCCHI. Elles sont effectivement absentes de ZUZANA, alors que l’on aurait pu s’attendre à les trouver puisque trois fleurs remarquablement frisées figurent dans son pedigree : LACED COTTON (Schreiner 80), DATE BAIT (Joyce Meek 85) et RI-SAMPEÏ (Muska 96). Mais la nature s’amuse parfois à déjouer les attentes de l’homme, et il faut attendre la génération suivante pour que réapparaissent ces gracieux ornements.

En ce qui concerne la parenté avec QUEEN IN CALICO, celle-ci n’est pas qu’apparente, elle se vérifie dans les pedigrees. Chez l’aîné des trois, ZUZANA, QUEEN IN CALICO apparaît trois fois en six générations. On monte à quatre fois au moins chez DREAMING CLOWN, et on atteint au moins sept fois chez TAGLI E BUCCHI !

Dans les trois cas, L. Muska a appliqué le système d’amélioration par endogamie. Ainsi, pour ZUZANA, l’élément femelle est constitué de deux semis – non dénommés. Le premier a pour formule (QUEEN IN CALICO x FIALOVY KVET), dans laquelle FIALOVY KVET est une variété jamais enregistrée, mais qui doit, si l’on en croit son nom et son pedigree, être une fleur mauve. Dans le second (RI-SAMPEÏ x DATE BAIT) on retrouve le premier élément (QUEEN IN CALICO x FIALOVY KVET), qui est une partie de l’élément femelle de RI-SAMPEÏ, l’autre se nommant CALICOBALL (Muska 95), et est également issu de QUEEN IN CALICO. Pour DREAMING CLOWN, le processus s’est poursuivi puisque à ZUZANA est, de nouveau, associé CALICOBALL. Quant au dernier, le plus abouti, ce n’est pas par hasard que le nom de QUEEN IN CALICO apparaît sept fois.

Muska a utilisé QUEEN IN CALICO à toutes les sauces dans son programme de plicatas. Rien que parmi les TB, et sans garantir qu’il n’en manque pas quelques uns, je compte 26 variétés enregistrées où, au premier ou deuxième rang, apparaît le nom de QUEEN IN CALICO. Que ces 26 variétés aient un air de famille n’a rien d’étonnant ! Les trois d’aujourd’hui ne constituent que des exemples de cet attachement pour une unique variété.
RÉCRÉATION

Un peu de fantaisie ! Même s’il n’en est qu’une seule qui ne soit pas américaine. Laquelle ?
FANCY BRASS
FANCY DRESS
FANCY FELLOW
FANCY FLIRTING
FANCY LADY
RÉCRÉATION ( réponses)

L’Elizabeth qui est anglaise est
ELIZABETH POLDARK (Nichol 90)

17.2.06


EFFET DE MODE OU ÉMULATION ?

Depuis AVIS (Varner 63), qui est considéré comme le premier amoena inversé (ou « dark top ») des temps modernes, le modèle a considérablement progressé. Pendant longtemps SURF RIDER (Tucker 70) a fait l’effet de meilleur du genre. SEA VENTURE (Jones 72) est venu lui contester ce classement, mais avec des couleurs moins nettement tranchées. BALLERINA BLUE (Innerst 86) a tenté de gagner sur tous les tableaux en réunissant les deux précédents, et de fait il a lui aussi marqué une étape. Joë Ghio, avec PERFECT COUPLE puis, et surtout, INCANTATION, s’est un temps intéressé à la question. Mais jusqu’au début des années 90, les amoenas inversés restèrent rares. Puis, brusquement, tout s’est accéléré. C’est Richard Ernst qui a relancé la machine avec son très tendre CLEAR MORNING SKY (91), puis Paul Black, en 92, a proposé WINTER ADVENTURE, un petit peu plus contrasté. Joë Gatty a obtenu en 93 le magnifique IN REVERSE, qui fait toujours partie des meilleurs. Ernst a remis ça en 93 avec DAWN OF CHANGE, plus vif que CLEAR MORNING SKY, mais pas aussi élégant. David Niswonger s’est immédiatement inscrit sur la liste avec UPSIDE DOWN (94) (voir photo) qui ajoutait à l’affaire des barbes abricot. La même année Aitken a enregistré ISLAND SURF, aux sépales un peu trop marqués de bleu, et Schreiner a mis à son catalogue CASCADE SPRING, très joliment coiffé. Puis vint Joyce Meek et son FALLEN ANGEL(95), très réussi, lui aussi avec barbes abricot.

L’arrivée sur le marché de nouveaux amoenas inversés a de nouveau accéléré à partir de 97. C’est l’année de l’apparition de JOHN PAUL JONES (Ensminger), et surtout de CROWNED HEADS (Keppel) qui a atteint un niveau de contraste encore jamais vu et qui sera récompensé par la Médaille de Dykes en 2004. A partir de ce moment tous les obtenteurs qui ne l’avaient pas encore fait vont vouloir avoir leur amoena inversé. C’est le cas de Bill Maryott qui propose en 98 QUITE THE REVERSE, très pâle. Barry Blyth se lance dans la mêlée avec COME TO PARIS (98), un peu pâlot lui aussi, tout comme EAGLE CONTROL (G. Sutton 98), qui ajoute cependant des petits éperons.

Chaque année désormais il y aura une récolte d’amoenas inversés. On ne peut pas les citer tous, mais du moins les plus représentatifs : CALL ME BLUE (Blyth 00), TOKATEE FALLS (Schreiner 00), TURN THE TIDE (Christopherson 00), ETHEREAL VOICES (Hager 01), IN THE CLOUDS (Christopherson 01), SOVEREIGN CROWN (G. Sutton 01), CRYSTAL GAZER (Keppel 02), MOUNTAIN VIEW (P. Black 02), OPPOSING FORCES (Keppel 02), WINTRY SKY (Keppel 02), BRUSSELS (T. Johnson 03), IT’S ALL GOOD (Ernst 03), RIPPLING EFFECT (Keppel 03), GIFTED HEART (Blyth 04), DANCE RECITAL (Keppel 05), SOIREE GIRL (Blyth 05)… Entre 1990 et 2005, j’ai compté plus de 40 « dark tops » enregistrés ! C’est Keith Keppel qui tient la tête, avec 8 nouvelles variétés, suivi de Richard Ernst, cinq, de Barry Blyth, quatre, et de Vincent Christopherson, un jeune qui monte, trois. Mais tous les ténors sont représentés, à l’exception de Bryce Williamson, de Lloyd Zurbrigg et de Clarence Mahan. Alors, effet de mode ou émulation ? Il y a sans doute un peu des deux, mais Keith Keppel, en insistant dans le bulletin de l’AIS sur ce sujet et démontrant qu’il y avait là un vaste domaine encore mal exploré, a certainement été à l’origine de cet engouement qui ne s’est pas limité aux deux rives du Pacifique : en Europe aussi le phénomène prend de l’ampleur puisque six variétés d’amoenas inversés ont été enregistrées au cours des 8 dernières années ; SACRED WATERS (Engelen 97), ALDO RATTI (Bianco 98), LUNE BLEUE (Bersillon 99), CŒUR D’HIVER (Bersillon 00), ALBINOS (Wosniak 01) et IRIADE (Laporte 04) (voir photo).

Aujourd’hui, obtenir un amoena inversé n’est plus une gageure. Des variétés aussi prometteuses que IN REVERSE, FOGBOUND ou CROWNED HEADS donnent à chacun l’envie de s’essayer, et bien d’autres jolies fleurs viendront certainement dans les années 2000, avec notamment, un développement du modèle chez les ‘rostratas’, sans oublier l’adjonction de barbes de différentes couleurs.
RÉCRÉATION

Une seule de ces Elizabeth est anglaise. Laquelle ?
ELIZABETH CAROL
ELIZABETH NOBLE
ELIZABETH OF ENGLAND
ELIZABETH POLDARK
ELIZABETH STUART
RÉCRÉATION ( réponses)

Joë Ghio a effectivement signé quatre des « double » en présence, le cinquième est une obtention Hedgecock, il s’agit de :
DOUBLE TROUBLE (Hedgecock 96)

11.2.06

QUESTIONNAIRE SFIB : UNE RÉPONSE

Par un courriel envoyé récemment, Madame Chesnais, Présidente de la SFIB, m’annonce que les réponses aux questions que je lui ai posées en septembre dernier seront publiées dans le prochain numéro de le Revue IRIS ET BULBEUSES.

Dès lors qu’il s’agit de problèmes qui agitent le petit monde des iris – section française - il est vraisemblable que ces réponses susciteront un nouveau débat et que ce blog s’en fera l’écho.

BLUE SAPPHIRE
Une exceptionnelle longévité

Quand elle l’a mis à son catalogue, en 1953, la famille Schreiner ne misait pas beaucoup sur la réussite de BLUE SAPPHIRE. Elle l’avait renvoyé à la dernière page et fixé son prix nettement plus bas que celui de LAVANESQUE (Schreiner 53), la vedette de l’année. Les amateurs allaient faire le choix contraire. LAVANESQUE n’a jamais dépassé le niveau II de la compétition pour les Honneurs, avec un AM en 59, alors que BLUE SAPPHIRE avait déjà obtenu la DM en 58 ! Cette ascension foudroyante n’avait pourtant commencé qu’en 1954, alors qu’à l’époque on pouvait décrocher la HM dès son année d’introduction. Mais par la suite ce fut un triomphe : L’AM a été accordé en 56 et la DM, dans la foulée, en 58. Et, comme le raconte Joë Ghio dans l’article qu’il a consacré à cette variété dans le numéro d’avril 95 du Bulletin de l’AIS, ce fut à chaque fois avec une avance considérable sur ses concurrents : 215 voix pour l’AM, devant un autre bleu, REHOBETH (DeForest 53 – FO 57), qui n’en avait obtenu que 161 ! Pour la DM, l’avance fut du même ordre : 136 voix, contre 39 à JUNE MEREDITH (Muhlestein 53), et 36 à PALOMINO (Hall 51). Comme on dirait aujourd’hui, il n’y a pas photo !

Mais BLUE SAPPHIRE allait se distinguer encore d’une autre façon. Il a fait son apparition dès 1955 dans le Symposium (le classement des variétés les plus populaires) et s’est hissé à la première place de ce classement dès 1958. Il allait conserver cette première place jusqu’en 1962. C’est WHOLE CLOTH (Cook 57 – DM 62) qui allait lui succéder en 1963 en haut de la liste, mais il n’allait pas pour autant disparaître de la circulation. En effet il a fallu attendre 1995 pour le voir s’effacer définitivement. Aucun autre iris n’est resté dans ce classement pour une aussi longue durée, et il fut le second vainqueur de la DM à entrer au Symposium, après WABASH (Williamson 36 – DM 40), qui l’avait précédé en 1940.

BLUE SAPPHIRE a encore d’autres titres de gloire, comme celui d’avoir été la première variété Schreiner à recevoir une DM. Qui aurait cru ça, en 53, en consultant le catalogue de la grande maison de Salem ?

Il fait partie de la famille de CHIVALRY (Wills 43 – DM 47) puisqu’il en est le descendant direct, en association avec l’immense SNOW FLURRY (Rees 39) dont il tient de jolies ondulations qui n’existaient pas auparavant chez les bleus. C’est un bleu lavande clair, à barbes jaunes pointées de blanc. Ce sont peut-être ces ondulations, nouvelles, qui ont attiré à ce point l’attention des juges et des amateurs, en tout cas ce ne sont pas ses aptitudes au développement et à la fertilité car, de ces côtés là, il s’est montré bien peu performant. La bête à concours n’a pas été un étalon. Le seul descendant valable que je lui connaisse est REGALAIRE (Schreiner 69), un bel iris indigo.

Combien d’iris ayant remporté la DM sont, comme BLUE SAPPHIRE, devenus les têtes de liste du Symposium ? Ils ne sont pas nombreux ! J’ai feuilleté le classement depuis 1940 et je n’en ai trouvé que onze. Le premier fut WABASH, comme il a été dit ci-dessus. Puis vint OLA KALA (Sass 42 – DM 48) qui tint la tête de 1948 à 1954. En 55 il a été remplacé par TRULY YOURS (Fay 49 – DM 53), qui est resté en place jusqu’en 57. Ensuite vint notre variété du jour, BLUE SAPPHIRE (58/62) ; puis WHOLE CLOTH qui n’est resté leader qu’une année, 1963. Pour faire suite, il y a eu AMETHYST FLAME ( Schreiner 57 – DM 63) qui a régné en 66 seulement, car l’année suivante, 1967, il a été détrôné par RIPPLING WATERS (Fay 61 – DM 66) pour un règne aussi court. Arriva alors le fameux STEPPING OUT (Schreiner 64 – DM 68), le Louis XIV des iris, qui a tenu la tête pendant 14 ans (1968/1981), un record encore inégalé. Pour lui succéder, en 82, il y eut MYSTIQUE ( Ghio 75 – DM 80), mais son règne fut immédiatement interrompu par l’irruption de BEVERLY SILLS (Hager 79 – DM 85), qui garda la tête de 1983 à 1992. La place a été prise alors par DUSKY CHALLENGER (Schreiner 86 – DM 92) pour trois ans (93/94/95), c’est SILVERADO (Schreiner 87 – DM 94) qui lui a succédé en 96, mais ce fut tout pour ce superbe iris, qui, par ailleurs, à bien des points communs avec BLUE SAPPHIRE, car DUSKY CHALLENGER a repris son bien dès 1995 pour ne plus la céder : en 2005 il était encore à son poste !

Cela ne fait que 10 ans que BLUE SAPPHIRE est rentré dans l’anonymat. Cela veut dire que dans bien des jardins, aux Amériques comme ailleurs dans le monde où il s’est répandu, il est encore présent et admiré. De cette admiration qu’on porte aux anciennes vedettes dont on se raconte l’histoire entre passionnés.
RÉCRÉATION

Non, vous ne voyez pas double ! Mais une seule des variétés ci-dessous n’est pas l’œuvre de Joseph Ghio. Laquelle ?
DOUBLE CLICK
DOUBLE DRIBBLE
DOUBLE SCOOP
DOUBLE TROUBLE
DOUBLE VISION
RÉCRÉATION ( réponses)

Le rêve qui n’est pas américain se nomme :
DREAM LORD (Blyth 96)

3.2.06

TÉMOIGNAGE
Un petit iris facile et élégant

On peut être un fan de grands iris et avoir une faible pour d’autres, tout petits. Pour moi, il s’agit d’I. sintenisii.

« Il y a quelques années, Maurice Boussard, de passage en Touraine, m’a gentiment offert quelques rhizomes de Iris sintenisii. Aujourd’hui ces mignonnes petites plantes, qui se multiplient à plaisir, forment des touffes importantes que j’adore voir fleurir au mois de juin, à proximité des géraniums endresii et des campanules glomerata. Je ne leur accorde qu’un minimum de soins, tant il est vrai que ces iris n’en demandent guère : les touffes bien serrées ne laissent pas de place aux herbes opportunistes, et, plantées en plein soleil, dans mon ingrate terre calcaire et sèche, elles se développent discrètement, fleurissent d’abondance et grainent à qui mieux-mieux. Un vrai plaisir !

I. sintenisii Janka 1876, fait partie des iris spurias. C’est à dire des iris sans barbes. On divise les spurias en deux séries, les grands, dits I. spuriae, et les petits, I. gramineae. Ceux dont je parle font donc partie des I. gramineae ; ils sont originaires des Balkans et de Turquie, mesurent une trentaine de centimètres, et présentent la caractéristique intéressante au jardin de porter leurs fleurs (2 par tiges) assez haut au-dessus du feuillage. Celui-ci, vert foncé, plutôt coriace, s’allonge en fines lames qui restent vertes toute l’année. Les fleurs ont d’étroits pétales d’un violet vif, et des sépales allongés, se terminant par une petite spatule blanche veinée du violet des pétales. Un grand nombre de fleurs s’épanouissent en même temps, de sorte que l’effet est tout à fait agréable et élégant. La durée de floraison est moyenne : entre deux et trois semaines de fleurs pour une touffe bien installée. Comme chez tous les spurias, les rhizomes sont étroits et longs, assez fragiles, et s’enfoncent relativement profond dans le sol, de sorte qu’il y a pas mal de déchet quand on dédouble les touffes, lesquelles mettent quelques temps à bien s’implanter. A part ces petits défauts, I. sintenisii ne présente que des avantages et je le recommande à tous ceux qui apprécient les plantes faciles et agréables à l’œil.

A noter qu’une espèce voisine de I. sintenisii, I. kerneriana, se présente à peu près sous le même aspect, à ceci près que les fleurs sont d’un jaune crémeux. Les deux couleurs se marient bien entre elles et il peut donc être intéressant de se procurer l’une et l’autre.

Merci Maurice Boussard, de m’avoir fait connaître ces petits iris qui font maintenant partie de ceux que j’apprécie le plus. »

LA LIGNE JAUNE

Quand on constate la quantité de grands iris jaunes qui sont aujourd’hui proposés, on est loin de se douter que cette couleur fut l’une des plus difficiles à obtenir, au moment où les iris sont passés de la diploïdie à la tétraploïdie. D’ailleurs, même auparavant, les iris jaunes n’étaient ni nombreux ni très réussis.

On pense que la couleur jaune a été atteinte par l’union du bicolore I. variegata et du classique I. germanica. Cela résulte de ce que les premiers jaunes présentaient sur les sépales des veines violacées que des années et des années de sélection ont réussi peu à peu à faire disparaître. Ce n’est que dans les années 20 que l’on a vu venir des iris vraiment jaunes, grâce à …Grace Sturtevant ! Cette grande dame des iris à enregistré SHEKINAH (1918), puis GOLD IMPERIAL (1924) dont on peut dire qu’ils furent les premier jaunes de valeur.

Ce n’est qu’en 1926 qu’un jaune tétraploïde valable est apparu. Il s’agit de W. R. DYKES (1926), du nom de célèbre obtenteur et exégète des iris.

Il y a tout un tas d’anecdotes curieuses qui ont marqué l’histoire des iris et celle des origines de W.R. DYKES en fait partie. On n’est pas sûr du tout du nom de ses parents. La légende veut que ceux-ci soient le jaune pâle MOONLIGHT et le brun-roux PEERLESS, mais on parle aussi d’un ancêtre nain qui serait à l’origine de la taille réduite de W.R. DYKES. Aujourd’hui on ne dirait pas de cet iris qu’il est jaune. Certes la couleur de fond, et notamment celle des pétales est d’un jaune doré, mais les sépales sont vivement veinés de violet. Quoi qu’il en soit, cette variété, ainsi que MOONLIGHT, se situent au point de départ de cette ligne jaune que de nombreux obtenteurs ont suivie. W.R. DYKES est l’ancêtre des plus intéressants iris jaunes qui ont constitué la panel de base des jaunes modernes. Ainsi en est-il de YELLOW JEWEL (K. Smith) et de GOLDEN MAJESTY (Salbach) (voir photo), mais aussi de GOLDEN TREASURE (Schreiner) et de MING YELLOW (Glutzbeck). Nous sommes alors dans les années 30.

Il faut remercier Sydney Mitchell, toujours dans les années 30, d’avoir imaginé d’obtenir du jaune par un autre chemin. Il a tenté d’améliorer la pureté de cette couleur et alliant une variété d’un ton de bronze et une variété blanche ou vice-versa. Il a essayé et après une grande quantité de semis plus ou moins intéressants il a obtenu ce qu’il cherchait : du jaune vraiment jaune. C’est le cas de CALIFORNIA GOLD (1933) et de HAPPY DAYS (38), qui est considéré comme l’aboutissement d’un long voyage. A partir de là, la ligne jaune était tracée.

Dans les années 40, le jaune devint la couleur à la mode, et trois variétés jaunes ont obtenu la Médaille de Dykes. SPUN GOLD (Gutzbeck 40) l’a eue en 44. En 48 ce fut le tour de OLA KALA (Sass 42), une variété qui a fait le tour du monde après un succès phénoménal aux Etats-Unis, puis vint en 53 celui de TRULY YOURS (Fay 49). Mais, de la même génération, il ne faut pas oublier STARSHINE (Wills 49) Cet iris connut immédiatement la gloire même s’il n’est pas ce qu’on appelle aujourd’hui un iris jaune, mais plutôt un crème, plus doré aux épaules. En fait, ce qui fit son succès fut aussi la perfection de sa forme.

Pour améliorer encore l’éclat du jaune, les hybrideurs ont eu l’idée d’ajouter au cocktail une pointe d’orange qui a eu pour résultat de colorer plus vivement les barbes et donc de mettre mieux en valeur le jaune de la fleur. Les jaunes des années 50 ont pris en compte cette avancée. Prenez, par exemple, SOLID GOLD (Kleinsorge 51) : le jaune est éclatant, grâce en particulier aux grosses barbes safran. Cependant les jaunes de l’ancienne lignée n’ont pas dit leur dernier mot et GOLDEN SUNSHINE (Schreiner 52), jaune citron, exceptionnel, en est la démonstration.

Cependant un autre événement a marqué les années 50 : l’apparition de jaunes à l’occasion de croisements destinés à obtenir des iris roses. Par dessus le marché, ces iris jaunes-là se sont révélés beaucoup plus brillants et frisés que les jaunes traditionnels. Les meilleurs exemples de cette nouvelle lignée se nomment LIMELIGHT (Hall 52), parmi les iris jaunes à barbes assortie et TECHNY CHIMES (Reckamp 55), le tout premier jaune à barbes mandarine.

On atteint les années 60 et il devient impossible de parler de tous les excellents jaunes qui apparaissent, qu’ils soient issus de la ligne traditionnelle ou de la ligne des roses. Il y en a dans toutes les teintes possible : jaune crémeux, comme SOUTHERN COMFORT (Hinckle 65), jaune tilleul comme FLUTED LIME (Noyd 66), jaune acide comme le fameux NEW MOON (Sexton 68) qui obtiendra la D.M. en 73, jaune citron comme LIME FIZZ (Schreiner 69), descendant de TRULY YOURS, jaune d’or comme SUN MIRACLE (Schreiner 67), descendant de GOLDEN SUNSHINE, jaune profond comme RAINBOW GOLD (Plough 59), très recherché par les hybrideurs, ou même vieil or comme WEST COAST (Knopf 68).

Il n’y aura plus de révolution dans les jaunes avant, peut-être, le développement des éperons, dans les années 80, mai entre temps de fort belles choses sont venues sur le marché. Mais les énumérer, même en se limitant aux meilleurs, alourdirait inutilement cette chronique destinée à expliquer l’avènement des iris jaunes. Après des débuts difficiles, dès le début des années 70, le jaune est devenu une couleur de base des iris modernes, et même sûrement, après le rose, la couleur la plus fréquente et la plus appréciée, hors du bleu ou du violet.
LES LEÇONS D’IRIS DANS UN PARC
Un parcours initiatique dans des jardins imaginaires

Troisième leçon : les iris de Californie

A Madère, dans les hauteurs de Funchal, la capitale, de superbes propriétés aristocratiques, les « quintas », dissimulent derrière leurs hauts murs des demeures cossues et des parcs idylliques. Ici, la maison est accotée à une vaste terrasse qui sert de potager. Au fond et en surplomb coule sous les frondaisons la « levada » qui alimente en eau la quinta. Sur le côté des arbres énormes étendent leurs longues branches robustes jusqu’à la maison qu’ils abritent du soleil. Les fenêtres sont largement ouvertes. A l’étage, un enfant répète sa leçon de piano. Les notes maladroites s’égrènent dans le vent léger et s’écoulent vers le parc qui descend par pallier successifs. Devant, c’est l’océan, le port de Funchal, à l’abri de sa jetée ; à gauche les collines de Monte ; à droite le ravin de la riveira Joao Gomes qui plonge vers la mer et entraîne le flot de la circulation automobile que l’on entend à peine. Une dame âgée, appuyée sur sa canne d’ébène et d’ivoire, et accompagnée d’un homme plus jeune qui lui tient aimablement le bras, descend à petits pas l’allée sablée. Elle se dirige vers un large massif où poussent de petites plantes touffues au feuillage aigu et aux fleurs vivement colorées.

LA VIEILLE DAME : « J’ai toujours adoré les iris. Pendant la dictature de Salazar, nous étions réfugiés en France, comme vous le savez. Nous habitions St Cloud, pas très loin de chez la Princesse Wolkonsky, et, à la saison, j’allais tous les ans passer de longs moments à Bagatelle, au milieu des iris. Je me disais que si un jour je revenais à Madère, j’essaierais d’en faire pousser dans le jardin. Mais les grands iris que j’ai fait venir d’Amérique n’ont rien donné. Je n’avais pas compris qu’il leur fallait une période de froid pour relancer leur végétation, et ici ! … Alors j’ai pensé aux iris de Californie. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Et apparemment vous avez bien fait ! »
LA VIEILLE DAME : « Ce sont des plantes qui s’adaptent un peu partout. Il paraît qu’on en trouve même dans des pays où les hivers sont froids. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Oui, les Américains ont réussi à en faire pousser dans l’Oklahoma, et on en trouve en Suisse ! Les nouveaux hybrides ont fait beaucoup de progrès en matière de résistance au froid. »
LA VIEILLE DAME : « Ici, ils n’ont pas ce problème. Il n’y a pas d’hiver à proprement parler, mais je les fais arroser pendant les mois qui correspondent à l’hiver en Californie, et ils profitent de chaleur et sécheresse le reste de l’année »
L’AMATEUR D’IRIS : «Vous savez que les hybrides comme ceux que vous cultivez proviennent essentiellement de croisements entre quatre espèces botaniques ? »
LA VIEILLE DAME : « Oui, I. douglasiana, d’abord, c’est lui qui a donné à nos plantes leur taille de 35 à 40cm et leur relative rusticité. Il y a aussi I.innominata qui, lui, a apporté le choix des couleurs et une longue période de floraison. I. munzii, a transmis les ondulations des pétales et sa couleur bleue. Quant à I. tenax, il a renforcé toutes ces caractéristiques, surtout, d’ailleurs, la résistance sous les climats les moins cléments. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Je vois que vous avez bien étudié la question ! Vous êtes incollable sur les iris de Californie ! Que pouvez-vous dire encore, à leur sujet ? »
LA VIEILLE DAME : « Qu’ils sont bien délicats à transplanter ! Pourtant leurs rhizomes durs et ligneux et leurs grosses racines charnues laissent à penser qu’ils doivent être robustes. Mais j’ai eu beaucoup d’échecs. Il faut que les nouvelles racines, celles qui sont blanches, soient bien formées, et que les plantes aient été maintenues bien humides pendant toute la période entre l’arrachage et la replantation. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Ces difficultés n’empêchent pas les échanges entre les Etats-Unis et l’Australie. Ces deux pays se partagent le domaine de l’hybridation de ces iris. Je crois même qu’au tout début, ce sont les Australiens qui ont réussi les plus beaux hybrides. Ce n’est que dans les années 60 qu’ils se sont vraiment développés et on peut dire que leur véritable popularité ne date que des années 80. »
LA VIEILLE DAME : « Ce que j’aime particulièrement, c’est la forme des fleurs. C’est presque la même que celle des iris de Sibérie, qui est particulièrement gracieuse. Les iris de Californie ont les mêmes sépales larges et vivement colorés, et les mêmes pétales dressés. Mais en plus, ils ont un choix bien plus large de couleurs. Regardez, ce n’est pas le bleu qui domine. Il y a du pourpre, du rose, du jaune, du blanc, de l’orange, du bronze, du grenat… Il y a des variétés bi et même tricolores, des veines colorées sur fond clair… »
L’AMATEUR D’IRIS : « Je regrette un peu qu’ils ne soient pas plus grands. On voit en fait les fleurs par le dessus, ce qui les fait paraître toutes plates : il faut s’accroupir pour apprécier leur relief. »
LA VIEILLE DAME : « C’est tout à fait comme les iris nains standards. Mais on en apprécie que mieux le jeu des couleurs, avec les veines et l’éclat du signal. »
L’AMATEUR D’IRIS : « D’où proviennent les iris qui sont sous nos yeux ? »
LA VIEILLE DAME : « Essentiellement de chez Joë Ghio, en Californie. C’est le meilleur hybrideur de ces plantes-là. Il est enregistre chaque année de nouvelles variétés, et je me fais à chaque fois de nouvelles envies. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Ce qui est amusant, c’est qu’il ne les appelle pas iris de Californie, mais « pacificas » ! Cela date du tout début de l’hybridation. A cette époque on parlait d’iris « Pacific Coast », et il a conservé cette appellation. »
LA VIEILLE DAME : « J’aime bien aussi ce que font Lois Belardi, Vernon Wood ou John Weiler. Il y a des variétés de tous ces gens-là dans ma collection. Venez, que je vous montre cela en détail… »

Appuyée sur l’épaule de son accompagnateur, la vieille dame a repris sa marche. Elle descend lentement la large allée. Une douce chaleur parfumée s’élève des massifs de fleurs de toutes sortes. Il n’y a nulle agitation, nulle ardeur. Sur la mer, au loin, un gros navire de croisière s’approche. Mais dans ce paradis, on se sent protégé du monde extérieur dont l’existence n’est perceptible qu’à travers la légère rumeur qui monte de la ville. Tout est calme et volupté…
RÉCRÉATION

Tous les rêves ne sont pas américains. Lequel de la liste ci-dessous ne l’est pas ?
DREAM AFFAIR
DREAM LORD
DREAM MACHINE
DREAM TIME
DREAM WORLD
RÉCRÉATION ( réponses)

La variété originaire d’Italie est
DOLCE ACQUA (Bianco 2004)